Pour la première fois, une rame fonctionnant à l'hydrogène a roulé sur le réseau ferroviaire français. C'était ce mercredi 1er février à Loches, où le train est arrivé devant tout le gratin d'Indre-et-Loire. L'occasion de rappeler les ambitions du Centre-Val de Loire en matière de mobilités ferroviaires.
"On n'a jamais eu autant de monde en gare de Loches !" Le bon mot, lancé par Marc Angenault, maire LR de Loches, reflète bien la réalité. Ce mercredi 1er février, sur les coups de 14h, le quai de la gare de Loches était en effet bondé. Des voyageurs ? Aucun ! Uniquement des élus, des techniciens, des officiels, et aussi pas mal de journalistes.
Car l'évènement est à la hauteur de deux enjeux contemporains majeurs : la transition énergétique et la mobilité en zone rurale. C'est ce mercredi que la SNCF et Alstom ont décidé de faire circuler, pour la toute première fois sur le réseau ferroviaire français, un train roulant à l'hydrogène. Une "énergie du futur", comme s'est appliqué à le dire François Bonneau, président PS de la région Centre-Val de Loire, pendant toute la présentation.
Rien que de l'eau
Cette rame a la bonne idée de pouvoir circuler sur des lignes non-électrifiées, ce qui concerne une bonne partie des lignes fines en Centre-Val de Loire. Le train à hydrogène y a pour objectif de remplacer les trains fonctionnant au diesel. Puisque, contrairement à son cousin à moteur thermique, la nouvelle rame ne rejette… que de l'eau. Pas de particules fines, pas de gaz à effet de serre.
Sur la carte ci-dessous, la LGV Atlantique est représentée en bleu, les autres lignes électrifiées en orange, et les lignes de desserte fine non-électrifiées en noir.
Pour faire simple, le moteur diesel est remplacé par une pile à combustible, qui produit de l'électricité grâce à une réaction chimique entre le dioxygène de l'air ambiant et du dihydrogène stocké à bord du train. La carrosserie n'a, elle, pas grand-chose de nouveau : "C'est une famille de trains diesel qui roulent depuis longtemps en Allemagne, explique Yannick Legay, directeur technico-commercial d'Alstom France. Et il y a dix ans, des ingénieurs d'Alstom ont eu l'idée de remplacer le diesel et de mettre de l'hydrogène à la place."
Coup de jeune
En réalité, le train à hydrogène d'Alstom (Corodia iLint, de son petit nom commercial), n'est même pas une nouveauté en soi. Des rames d'essai ont déjà circulé pendant un an et demi en Allemagne et Alstom a livré 14 rames outre-Rhin en 2022 pour service commercial. Sauf que "faire circuler un train allemand en France, ce n'est pas simple du tout", assure Yannick Legay. À cause de normes techniques différentes notamment.
D'où l'importance de l'expérimenter, même brièvement : le test en Touraine du train à hydrogène ne dure que trois jours, du 1er au 3 février, entre les gares de Reignac et Loches. Coût pour la région : 300 000 euros. "Ce n'est pas que des coûts, c'est une analyse fine de tout ce qu'il faudra comme infrastructures" pour accueillir de telles rames, défend Philippe Fournié, vice-président de la région, en charge des Mobilités. Particulièrement pour avitailler le train en hydrogène, dont la fabrication est un défi en soi.
Horizons retrouvés
Car le Centre-Val de Loire se positionne déjà pour accueillir des trains à hydrogène pour ses petites lignes. Et spécialement celles sauvées par l'accord passé avec l'État, qui prévoyait des travaux pris en charge financièrement à 50-50. Parmi ces lignes à sauver : Tours-Loches, justement, rouverte le 30 août 2022 après près de 10 mois de travaux :
Il y a bien des mois, beaucoup ne pariaient pas sur l'avenir de Tours-Loches. Nous, on a parié sur cette ligne et d'autres, et Alstom parie aussi sur ces lignes de desserte fine. C'est une fierté de voir ce train circuler ici.
Philippe Fournié, vice-président de la région en charge des Mobilités
Et pour Tours-Loches, une ligne qui n'a pas besoin de longs trains Corail comme Paris-Orléans ou Orléans-Tours, une courte rame à hydrogène est idéale, défendent les élus. "Il y a moins besoin de grosses infrastructures, c'est un coût bien moindre, mais on a besoin de cette mobilité et d'un matériel réactif", plaide François Bonneau.
À l'heure actuelle, le Centre-Val de Loire n'a pas passé de commande de trains à hydrogène à Alstom, à l'inverse de l'Auvergne Rhône-Alpes, de la Bourgogne-Franche-Comté, du Grand Est et de l'Occitanie. François Bonneau assure de son côté que "des discussions sont en cours" avec Alstom pour voir arriver l'hydrogène sur trois petites lignes en Centre-Val de Loire. Quand ? "Cinq ans est un horizon tout à fait envisageable", conclut-il. En attendant, des rames hybrides devraient faire leur arrivée sur la ligne Bourges-Montluçon dès 2024.