Entre l'Indre et le Fouzon [1/3] : aux sources du label laitier "C'est qui le patron ?"

Depuis son lancement en 2016, le label "C'est qui le patron" a connu une ascension fulgurante au sein de l'industrie agro-alimentaire. Le principe : encourager le consommateur à acheter un lait "équitable", qui rémunère suffisamment les éleveurs. Nous en avons rencontré certains.

Au nord de l'Indre, sur la route qui relie Valençay aux rives du Cher, se trouve le village de Varennes-sur-Fouzon, devenu en 2016 la commune nouvelle de Val-Fouzon. Loin d'être à l'abandon, la bourgade est traversée chaque jour par plusieurs centaines de camions qui arrivent et repartent des installations industrielles implantées sur le territoire de la commune et qui forment le poumon économique du canton. Parmi elles, la laiterie de Varennes à elle seule voit passer "150 camions par jour", selon la direction.

Ici, le lait transporté par les camions-citernes est conditionné et emballé, et repart vers les grandes surfaces sous forme de bouteilles et de briques. Parmi elles, un petit carton bleu qui a beaucoup fait parler de lui. Depuis 2016, la marque "C'est qui le patron" affirme rémunérer au juste prix les éleveurs laitiers, alors en pleine crise. L'idée provient de l'entrepreneur Nicolas Chabanne, déjà à l'origine de la marque "les Gueules cassées", visant à valoriser les fruits et légumes difficilement commercialisables en raison de leur aspect.

 

Un lait "équitable" à moins d'un euro le litre

En 2019, la laiterie de Varennes, qui conditionne également d'autres marques distributeurs, a ainsi traité 315 millions de litres. "En dix ans, l'activité a été multipliée par trois, dans un marché qui perd environ 3% par an", précise la direction de l'usine, qui appartient à la société LSDH, également exploitante d'une usine à Saint-Denis-de-l'Hôtel, dans le Loiret.

Sur le papier, tous les ingrédients du succès sont donc là : si le consommateur paie un peu plus cher (99 centimes par litre au lieu de 69), il achète un lait censé être de meilleure qualité, et fabriqué dans des conditions plus humaines. Le producteur, lui, se voit rémunérer 390 € les 1000 litres, un peu au-dessus du prix de revient (384€) et bien plus que la moyenne de 338€ mesurée par le rapport "L'économie laitière en chiffres 2019" de la filière lait. Et puisque son lait un peu plus cher se vend bien, le distributeur y trouve largement son compte aussi.
 


 

"Ça ne va pas bouleverser la situation économique, mais ça aide"

A une poignée de kilomètres de la laiterie, Vincent Mouchet supervise la traite de ses bêtes. Depuis quelques années, c'est une machine qui s'en charge : les vaches entrent dans une stalle mécanisée l'une après l'autre et sont nourries avec quelques granulés pendant qu'une ventouse extrait le lait. Son avis sur "C'est qui le patron" ? "Ça ne va pas bouleverser une situation économique, mais ça aide un peu. C'est important de valoriser notre travail dans quelque chose qui a du sens. L'intérêt du producteur converge un peu vers l'intérêt du consommateur."
 


Michaël Michenet, lui, est plus optimiste. "Je suis rentré dans le cahier des charges 'C'est qui le patron' au tout début, il y a un peu plus de trois ans. Je pense que c'est une très bonne chose, déjà financièrement." Mais au-delà de l'aspect économique, ce cahier des charges oblige les producteurs à alimenter leur bétail en aliments "locaux, sains, avec une bonne traçabilité". "Je trouve ça agréable de penser qu'on peut produire du lait localement, sans faire venir des trucs d'on ne sait où ! Ça nous force aussi à réfléchir, à nous remettre en question, et cet aspect financier nous y encourage." Les aspects environnementaux et le bien-être animal sont également pris en compte dans cette démarche.

Mais le métier d'éleveur ne devient pas pour autant plus facile. Entre les horaires contraignantes, l'absence de congés et les contraintes liées notamment au manque de personnel et aux finances, même les plus volontaires sont affectés. Même sous un label, l'industriel continue à avoir la main sur le prix du lait, ce qui laisse à l'agriculteur la charge de se débrouiller pour rentrer dans ses frais. A l'horizon, le changement climatique risque aussi de peser sur l'avenir des petits éleveurs. 
   

"On n'a pas toutes les solutions !"

"C'est plus une passion qu'un métier", résume Michaël Michenet. "Si on le fait c'est qu'on le fait, et si on y va, on y va à fond !" De toute façon, comme s'en amuse cet éleveur amoureux de ses vaches, "moi je suis pas vacances" ! Le métier ne s'apprend pas, "ça nous tombe dessus !"plaisante pour sa part Vincent Mouchet.

Malgré cette passion, il reste inquiet pour l'avenir. "Il y a l'avenir à six mois, l'avenir à quelques années, l'avenir à dix ans. Il y a des jours sombres, des jours où on se dit 'faut tenir six mois'. Je ne fais pas partie de ceux qui sont le plus en difficulté mais demain ce sera peut-être moi, et après-demain ceux qui sont les plus forts aujourd'hui. Faut que les gens se rendent compte que ça va pas très bien quoi. Nous ne sommes que producteur, on n'a pas toutes les solutions !"
 

Envie d'en savoir plus ?

Notre journaliste s'est rendu pendant 4 jours dans l'Indre, près de Val-Fouzon. À la suite de ce séjour, différents sujets de proximité ont été réalisés. Pour les découvrir, cliquez sur les flèches ci-dessous.
 
 
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