La cérémonie du guide Michelin a lieu à Tours ce lundi 18 mars 2024. Soixante-deux étoiles vont être distribuées. Entre fierté, euphorie et pression, quatre chefs racontent leur rapport à cette récompense de renommée internationale.
L'un des plus beaux jours de l'année pour certains, presque banal pour d'autres. Le guide Michelin fait sa cérémonie à Tours ce 18 mars 2024 et dévoilera la liste des tables étoilées. Dans leur quête de l'excellence, tous les chefs ne misent pourtant pas sur le gros bonhomme Michelin.
Une pression supplémentaire
"On a déjà assez de pression toute l'année, pourquoi s'en rajouter ? " Après 30 ans de carrière, Yoann Bourdais ne vise plus les étoiles. Le chef du restaurant "Le XII de Luynes" ne connaît que trop la lourdeur que peut parfois représenter le couperet de Michelin. Un inspecteur passe, et juge à l'instant-t. "Est-ce qu'on est au top tous les jours ? Je ne pense pas, on est des êtres humains".
Quand on nous retire une étoile, c'est difficile à encaisser, c'est comme si on vous disait du jour au lendemain : Tu es mauvais.
Yoann Bourdais, chef du restaurant "Le XII de Luynes"
"J'ai vu des chefs qui l'ont mal pris, ça peut aller loin" se rappelle Yoann Bourdais. Il en a fait l'expérience, lorsqu'il a travaillé aux côtés de chefs étoilés. Notamment au Rive Gauche, qui a été surnommé "l'étoile filante". La récompense lui ayant été donnée en 2008, puis retirée l'année d'après. "Bien sûr que perdre l'étoile nous trotte dans un coin de la tête" reconnaît Thomas Parnaud, chef du Georges*, restaurant gastronomique du Grand Monarque à Chartres depuis six ans.
Certains renoncent à la récompense
À Gien, Arnaud Billard, chef du restaurant "Côté Jardin" avait de son côté renoncé à son étoile en 2022.
Il découvre six mois plus tard que la récompense lui a tout de même été donnée. Arnaud Billard voulait changer de visage et proposer une cuisine plus accessible.
On se retrouve donc dans l'obligation de continuer à faire des choses que l'on n'avait plus envie de faire.
Arnaud Billard, chef du restaurant "Côté Jardin"
Il n'affiche plus l'étoile dans son établissement, mais ne peut pas pour autant s'en affranchir totalement. "Si nous n'avions fait que de la bistronomie, la clientèle étrangère qui vient grâce à l'étoile Michelin nous aurait descendus sur les réseaux sociaux et sur les sites, car elle n'aurait pas compris pourquoi nous étions étoilés."
La quête de l'excellence
"C'est important quand on débute, ça nous aide aussi à prendre confiance" estime Yoann Bourdais. "Mais ceux qui nous font vivre, ce sont les clients, et c'est pour eux qu'on travaille". Une reconnaissance pour l'ensemble des brigades concernées et une motivation pour "aller plus loin" aux yeux de Loïs Bée.
On peut toujours faire mieux, je suis un éternel insatisfait.
Thomas Parnaud, chef du Georges*
Thomas Parnaud, 33 ans et une étoile au compteur, partage cette vision des choses. Il y a 6 ans, le trentenaire reprenait le Georges*. "Le tout, c'est de rester fidèle à ce que l'on fait." Le sésame reste précieux "sans y penser tous les matins". C'est alors un moyen "d'être reconnus dans notre quête d'excellence".
L'importance des produits locaux
Non, je ne changerai pas ma manière de cuisiner pour un guide.
Thomas Parnaud, chef du Geroges*
"L'étoile, c'est le rêve de tout cuisinier" tranche Loïs Bée, 28 ans "je suis la cérémonie depuis que j'ai 16 ans". Le jeune chef est à la tête de La Table, à Ardon (45) sous la houlette de Christophe Hay. La récompense comme booster d'énergie, le vingtenaire ne semble pas feindre l'enthousiasme. Les étoiles, il les a dans les yeux, autant qu'il souhaite les mettre dans les assiettes. Thomas Parnaud, lui, est clair : il n'est pas là pour régresser.
Tous s'accordent sur un point : le travail de produits locaux et sourcés, pour le prix le plus juste reste au cœur des préoccupations. "On est très fier de ce que l'on fait et d'apporter aux clients un terroir parfois oublié" détaille Loïs Bée.
Michelin n'est plus la seule référence
Loin de nier le prestige du guide, Yoann Bourdais estime qu'aujourd'hui, d'autres institutions sont dans la course. Michelin n'a plus le monopole depuis longtemps.
"Ça reste un guide, alors qu'il en existe plein", les réseaux sociaux aidant, Tripadvisor est devenu par exemple un enjeu important dans le quotidien des cuisiniers. Avec, là aussi, la pression de donner le meilleur de soi-même. "Il faut accepter d'être critiqué" tranche le chef "on a une cuisine ouverte, en général, les clients viennent nous le dire directement quand ils sont satisfaits, ou non" raconte-t-il.
Attendue ou redoutée, la cérémonie des étoiles Michelin aura lieu à partir de 17h00 au palais des Congrès de Tours ce lundi 18 mars. Soixante-deux récompenses y seront annoncées.