Ce chef avait renoncé à son étoile Michelin, six mois plus tard il découvre qu'il est toujours étoilé

Le chef du restaurant "Côté Jardin" à Gien avait annoncé en août 2022 vouloir renoncer à son étoile Michelin pour se lancer dans une offre de restauration plus accessible. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit sept mois plus tard que le célèbre guide gastronomique avait choisi de la lui attribuer à nouveau malgré tout.

C'est avec l'idée de se renseigner sur la nouvelle vie du restaurant d'Arnaud Billard que nous avons passé un coup de fil au chef. Regrettait-il son choix de renoncer à la plus célèbre des distinctions gastronomiques ? Se sentait-il plus libre dans ses fourneaux ?

Autant de questions à poser mais aussitôt rayées de notre carnet de notes. "Le Michelin nous a conservé l'étoile", lance le cuisinier de "Côté jardin", une institution depuis plus de 20 ans à Gien.

"Malgré le courrier qu'ils nous ont écrit stipulant qu'ils prenaient note de notre demande de renoncement à l'étoile, à notre grande surprise à la sortie du guide, nous sommes toujours étoilés cette année", martèle-t-il devant notre étonnement. Un petit tour sur le site du Bib à la rubrique "une étoile" finit de nous convaincre. En effet : l'établissement figure bien toujours sur la liste des restaurants distingués.

C'était difficile de parler de notre mécontentement après qu'on ait conservé cette étoile car j'ai un immense respect pour tous mes collègues restaurateurs de la région et de France entière qui se battent pour l'obtenir.

Arnaud Billard - Chef du restaurant "Côté Jardin" à Gien

En août 2022, le chef nous faisait part de son désir de changement en renonçant à l'étoile qu'il détenait depuis 2015. "Pour nous, on ne rentrait pas dans les critères de l'étoile Michelin. On a le sentiment de ne pas appartenir à ces grandes maisons", jugeait-il à l'époque.

En 36 ans de restauration, la prestigieuse récompense n'a jamais représenté pour lui un objectif à atteindre car, dans son restaurant qu'il tient depuis 2003, c'est avant tout la convivialité qu'il recherche."Pour moi la plus belle récompense, c'est surtout quand des clients viennent me remercier en cuisine".

"On voulait continuer de faire la même cuisine sans forcément viser une clientèle haut de gamme"

Au lieu de plats gastronomiques, Arnaud Billard souhaitait faire évoluer son offre vers une cuisine dite "bistronomique", c’est-à-dire à mi-chemin entre la grande cuisine et la brasserie, souvent élaborée à partir de produits locaux et dans un cadre moins guindé que dans une maison étoilée. "Les produits que l'on travaille son déjà très chers et, avec l'inflation, on n'avait pas d'autre choix que de répercuter cette hausse sur les prix de vente qui sont déjà très élevés. C'est justement ce qu'on ne voulait plus. On voulait continuer de faire la même cuisine mais plus avec ces produits-là et faire plaisir à tout le monde avec un prix beaucoup plus faible que ce qu'on a actuellement sans forcément viser une clientèle très haut de gamme."

Certain que sa demande de renoncement avait été actée, il ne regarde même pas la cérémonie des étoiles diffusée en direct sur internet et les réseaux sociaux en mars dernier. "C'est notre fille qui nous téléphone le soir et nous dit 'mais tu as vu que tu avais toujours ton étoile ?' Je lui ai répondu : 'pardon, c'est une blague ?'"

Entre-temps, le restaurateur avait déjà commencé à faire évoluer sa carte en supprimant tous ses menus et notamment son menu dégustation en 9 plats, typique des restaurants gastronomiques. "On ne travaille plus qu'à la carte et on adapte le prix en fonction du produit que l'on travaille."

Ils ont tout de même estimé que, malgré les changements que nous avions faits, nous méritons toujours l'étoile, ce qui moi me paraît un peu incohérent. Mais voilà, c'est eux qui décident et pas nous.

Arnaud Billard - Chef du restaurant "Côté jardin" à Gien

Un peu plus loin des étoiles

Contacté, le guide Michelin reconnaît avoir choisi de réattribuer une étoile au restaurant giennois. "Nous n'acceptons une demande de renoncement que dans très peu de cas, notamment lorsqu'un établissement ferme ou est cédé", justifie l'attachée de presse du Bib, qui insiste sur le fait que l'étoile récompense "un établissement et non son chef". "Notre mission, c'est vraiment de recommander des tables pour les gourmets. Nous sommes vraiment tournés vers le client".

Ainsi, même si un chef en fait la demande, le guide n'est pas tenu d'y répondre favorablement dans le soucis de conserver une forme d'indépendance et de liberté quant aux critiques qu'il rend. "Cependant, les chefs peuvent très bien ignorer cette distinction, c'est à eux de décider de ce qu'ils en font."

Ignorer l'étoile, c'est précisément ce qu'a choisi de faire Arnaud Billard. "Dans mon restaurant, elle n'est affichée nulle part. On nous a remis la plaque mais elle n'est pas affichée au mur, ni matérialisée sur les cartes."

Mais si le chef tourne le dos à cette distinction, il reconnaît ne pas pouvoir totalement s'en affranchir. "On n'a pas pu complètement réaliser notre nouveau projet. Si nous n'avions fait que de la bistronomie, la clientèle étrangère qui vient grâce à l'étoile Michelin nous aurait descendus sur les réseaux sociaux et sur les sites car elle n'aurait pas compris pourquoi nous étions étoilés. On se retrouve donc dans l'obligation de continuer à faire des choses que l'on n'avait plus envie de faire."

"On arrête de se soumettre au Michelin."

Et le scénario pourrait prendre des allures d'histoire sans fin puisque, l'an prochain, le guide Michelin pourrait encore choisir de maintenir son étoile. Qu'importe : Arnaud Billard et bien décidé à renoncer à la haute gastronomie. "Je pense que le jour où on décidera de changer notre projet, on le fera sans les informer. Alors ils pourront dire qu'on n'a pas rendu l'étoile mais qu'on l'a perdue. Mais nous, c'est clair dans notre tête: maintenant on arrête entre guillemets de 'se soumettre' au Michelin."

Le célèbre guide lui, n'exclut pas, en effet, de récompenser à nouveau l'établissement, et ce, même si les plats ont évolué. "Un restaurant peut très bien avoir une offre bistronomique et se voir attribuer une étoile", précise l'attachée de presse. "Être ou non un restaurant gastronomique n'est pas un critère. Seule l'assiette compte".

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