Trois députés sortants du Centre-Val de Loire racontent leur défaite aux dernières législatives. "D'une brutalité absolue" pour les uns, presque attendue pour les autres, mais pas forcément de quoi les démoraliser pour la suite.
"Les Françaises et les Français se sont prononcés, il faut savoir en prendre acte." Le 19 juin, le député sortant de Tours Philippe Chalumeau (Renaissance) jouait sa réélection. Mais au deuxième tour, il est battu par le candidat de la Nupes Charles Fournier (EELV). Une défaite que les bookmakers politiques avaient jugé probable les semaines précédentes. Philippe Chalumeau, lui, gardait confiance : "Quand on se présente, on croit jusqu'au bout en son projet."
Le député sortant semble bien accepter la défaite. "Le suffrage universel est juge de paix", affirme-t-il, mettant son destin entre les mains des règles de la République. Pareil pour Nadia Essayan (MoDem), battue dans sa circonscription du Cher. "Les électeurs ont décidé de ne pas renouveler mon mandat, c'est comme ça."
"Je n'ai pas le sentiment d'avoir mal fait"
Également conseillère régionale, elle était éliminée dès le premier tour le 12 juin, devancée par le maire de Vierzon Nicolas Sansu (PCF-Nupes, depuis élu député) et la candidate du Rassemblement national. "On s'en est rendu compte au dépouillement des premiers bureaux de vote, j'ai tout de suite dit : "Ça ne passe pas"." La défaite s'accompagne forcément d'une grande déception, parfois de regrets. "Peut-être que j'aurais dû faire plus de porte-à-porte et passer moins de temps avec les maires", se hasarde-t-elle.
Mais Nadia Essayan semble bien consciente que sa victoire en 2017, face à Nicolas Sansu justement, "c'était grâce à la vague Macron". Parce que, lors des législatives, "le bilan ne compte pas tant que ça, c'est une élection nationale". "Je n'ai pas le sentiment d'avoir mal fait" durant le mandat. Simplement, le vent a changé de direction. Philippe Chalumeau aussi avait "été élu sur une vague forte" en 2017. Depuis, "la sociologie de Tours a changé", la ville a élu un maire écolo et, donc, un député de la même couleur politique.
Claude de Ganay (LR), lui, est un peu plus amer, préférant ne pas parler de défaite. "J'aurais dit "défaite" si on m'avait donné les moyens de me battre, là j'étais forfait avant même le début du combat." Éliminé lui aussi dès le premier tour, il n'arrive que quatrième dans la 3e circo du Loiret, derrière le RN, le MoDem et la Nupes, avec 12,7%. Derrière lui, le candidat dissident de droite Jean-Luc Riglet finit avec plus de 9% des voix. "Ma principale frustration, c'est de perdre à cause de stratégies suicidaires" et d'une "dispersion des voies évitable".
D'autant que, s'il se qualifiait au second tour, Claude de Ganay affirme : "J'aurais eu mes chances ! Alors que là, on se retrouve avec une députée RN" (Mathilde Paris, ndlr).
"Une brutalité absolue"
Mais plus le temps passe, plus le député sortant du Loiret digère son élimination. "J'ai un peu de bouteille et de recul sur les gens, assez pour regarder vers le futur et non vers le passé", assure-t-il. Il dit avoir "toujours privilégié ma vie privée", qu'il "retrouve avec un certain plaisir" depuis la fin de sa mandature, bien que cette dernière ait été précipitée :
C'est d'une brutalité absolue. On vous passe un coup de fil administratif, on vous prévient que votre téléphone s'arrête, et puis voilà. [...] C'est comme si j'étais un salarié qui commet une faute grave et qui est licencié du jour au lendemain.
Claude de Ganay, ancien député LR du Loiret
Nadia Essayan estime, de son côté, ne pas être "propriétaire de mon mandat", qu'elle a "exercé avec passion pendant 5 ans". Ces derniers jours, elle s'est dit "pas mal occupée", entre les procédures de licenciement de ses collaborateurs et la préparation des comptes de la mandature, à présenter obligatoirement. De temps en temps, elle fait "une grasse matinée, ça fait du bien". Car, ces dernières années, "j'étais en manque de sommeil, je travaillais jusqu'à 2h du matin, et je pensais aux dossiers en cours quand j'essayais de dormir".
L'été devrait être précieux pour elle, le temps de se reposer, de "faire le vide avant la rentrée". Elle verra, à l'automne, ce qu'elle envisage pour son avenir, politique ou non. En attendant, elle continue de siéger au conseil régional.
Dès que le vent soufflera…
Claude de Ganay, lui, n'a plus aucun mandat, et compte aussi "passer le cap de l'été" avant toute autre chose. "Là je suis chez Leclerc, je fais les courses, je suis comme monsieur et madame Tout-le-monde, mais je garde des beaux souvenirs", raconte-t-il au téléphone. Après son expérience de député, difficile pour lui d'envisager une vie d'élu très local dans le Loiret. Il ne compte pas non plus participer aux réunions d'anciens députés : "Pour quoi faire ? Faire comme les anciens combattants et dire : "J'étais là, j'ai siégé là !" Je m'en fous, c'est fini, on tourne la page." Il affirme avoir reçu quelques propositions au niveau national, notamment sur le volet défense.
À 68 ans, Claude de Ganay dit récolter des témoignages de soutien, d'ancien camarades de l'Assemblée "de tous bords", mais aussi de personnes vivant dans sa circonscription. De quoi aider à avancer. "C'est vrai que ça réconforte, confirme Philippe Chalumeau, qui affirme lui aussi recevoir de nombreux messages. Ça me confirme que j'ai travaillé pour mon territoire, ça fait très plaisir."
Ayant récolté 46,5% des suffrages dans sa circo, l'ancien député de la majorité estime avoir "encore quelque chose à apporter aux Tourangeaux, mon carnet d'adresses, mon expérience". À ce titre, il envisage d'ouvrir une permanence d'ancien député, mais aussi de "prendre des responsabilités dans mon mouvement politique au national". Depuis la fin de son mandat, à 58 ans, Philippe Chalumeau a repris son activité de médecin généraliste à Chambray, avant de revenir installer son cabinet dans le centre de Tours. Plus jeune que Nadia Essayan et Claude de Ganay, il ne semble pas prêt à laisser la politique derrière lui. "Je suis engagé depuis que je suis jeune, donc je vais continuer à suivre les choses." Avant une nouvelle candidature aux prochaines législatives ? "Le vent tourne en politique, on ne sait jamais..."