Pollution plastique : il n'y a pas que le Pacifique à sauver, il y a aussi la Loire

Avec près de 400 millions de tonnes produits en 2023, le monde étouffe sous la pollution dûe aux plastiques. Une ONG orléanaise milite pour une réduction de la production au niveau planétaire, et a défendu ses positions lors d'une conférence des Nations unies, en vue d'un traité inédit.

Il est dans tous les océans, s'agglomère en continents, remplit des rivières en Inde, s'échoue sur les plages et étouffe les oiseaux. Le plastique est partout dans notre environnement, mais il n'est pas toujours aussi loin qu'on le croit. Même la Loire est contaminée par une intense pollution aux microplastiques, qui se retrouvent aussi dans nos bouteilles d'eau et à la sortie de nos robinets.

Pour tenter de venir à bout de ce fléau, les négociateurs de 175 pays se sont réunis à Nairobi, au Kenya, du 13 au 19 novembre, pour définir une stratégie commune. Et les grandes lignes de ce qui pourrait devenir, d'ici 2025, le premier traité international sur la pollution au plastique. "Il est extrêmement important, on a besoin que cet accord aboutisse", considère Charles Fournier, député écologiste de Tours.

La Loire contaminée

Car le plastique est en effet un matériau unique : il ne se décompose jamais vraiment. Les plastiques "perdurent pendant des siècles, voire des millénaires dans nos environnements", en "se fragmentant en des particules de plus en plus petites", expliquait en novembre à France 3 Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Et ces microplastiques "ne s'intègrent pas dans les cycles biogéochimiques". Ils s'accumulent, et continuent de s'accumuler. Y compris dans les organes des êtres vivants. "Ça entraîne des dysfonctionnements métaboliques et auto-immuns" notamment, indique Nathalie Gontard.

Cette pollution microscopique, autant dire invisible, est partout autour de nous. Le Centre permanent d'initiatives pour l'environnement (CPIE) Touraine a ainsi organisé une campagne participative de prélèvements dans les eaux de la Vienne, de l'Indre et de la Loire. "On en a trouvé beaucoup dans la Loire", confie Agatha Wajrak, chargée de mission transition écologique au CPIE. En effet, la Loire accumule les tares : elle passe par de grandes agglomérations, et draine l'eau de plusieurs affluents.

Emballages, mais surtout vêtements et pneus

Ces microplastiques peuvent ensuite se retrouver directement dans l'eau potable, qu'elle sorte du robinet ou d'une bouteille (en plastique, histoire d'en rajouter). Actuellement, et contrairement à de nombreux composés chimiques, la quantité de microplastiques n'est pas mesurée dans l'eau pour déterminer sa potabilité. Or, il semblerait que les stations d'épuration soient incapables de filtrer les microplastiques.

Et l'origine de cette pollution ne vient pas forcément d'où on le pense. Une bonne partie "vient des eaux de lavage des vêtements" synthétiques, qui émettent des fibres de plastique à chaque machine, explique Nathalie Gontard. Autre source importante : les résidus de pneus, qui s'usent sur la route. Ces résidus sont en grande partie responsables de la pollution aux particules fines. Selon le site leblogauto.com, un pneu usé peut avoir perdu entre 1,5 et 3,5 kg de matière. Autre origine de ces microplastiques : "les peintures synthétiques utilisées sur les bâtiments, pour le marquage routier", ajoute Agatha Wajrak.

Autant d'exemples qui illustrent l'omniprésence du plastique, au-delà de la simple problématique de l'emballage à usage unique. "On nous a mis dans la tête que le plastique ne devient un problème que s'il est jeté, mais c'est une idée reçue, précise Nathalie Gontard, de l'Inrae. Dès qu'il est fabriqué, il s'use et émet des microplastiques, et pollue."

Fausses solutions et vraies bonnes idées

C'est avec tous ces éléments en poche que Jules Vagner a assisté aux négociations de Nairobi, au mois de septembre. Orléanais, il est président et cofondateur du fonds de dotation Objectif Zéro Plastique, qui s'est fait connaître depuis 2020 en organisant des marches de nettoyages dans la métropole d'Orléans. Depuis, l'organisme revendique 300 actions de ramassages dans l'agglomération, qui ont permis de récolter environ 40 tonnes de plastiques.

Mais Jules Vagner le sait : "Quand on ramasse, la plupart des plastiques vont revenir parce qu'ils sont mal recyclés." Pour lui, ces actions servent avant tout à "sensibiliser, faire passer un message". Et sa cible préférée, ce sont "les fausses solutions" :

Tant qu'on fait croire aux gens que le recyclage est une solution. Qu'on va faire du recyclage chimique, des bioplastiques, de l'incinération qui dégage des quantités incroyables de gaz à effet de serre... On ne s'en sortira pas. La seule solution pour diminuer la pollution, c'est de diminuer la production.

Jules Vagner, président de Objectif Zéro Plastique

Pour porter ce message, il s'accrédite pour assister aux discussions de l'ONU qui ont lieu lors de la deuxième phase de discussions du potentiel traité, en juin 2023 à Paris. Cinq mois plus tard, le voilà à Nairobi, avec un statut officiel auprès de l'assemblée environnemental des Nations unies.

Chantres à lobbies

Assez pour défendre avec efficacité son message, avec son collègue Élouan Sivilier ? À Nairobi, les intérêts économiques ont eu une forte tendance à s'inviter dans les débats. "Il y avait environ quatre fois plus de lobbyistes de la pétrochimie que de chercheurs", constate Jules Vagner.

Un constat qui laisse songeur Charles Fournier. "Je crois qu'on aura un traité, mais est-ce que je crois au processus international ? La réunion au Kenya est loin d'être conclusive parce que, justement, les lobbies s'en sont mêlés", déplore le député écologiste. Il salue par ailleurs la parole volontariste et "engagée" de la France, et du ministre Christophe Béchu, sur ce sujet à l'international.

L'élu regrette cependant que la politique intérieure française, sur le plastique, ne soit pas "aussi exemplaire" que son image à l'étranger. Il estime que, en France même, "on continue de ménager le lobby pétrolier". Il demande au gouvernement plus de "cohérence", "sinon, quand on aura le traité sur la table, on dira que c'est compliqué et on repoussera encore les échéances, comme pour l'accord de Paris".

Comment sortir du tout-plastique

Jules Vagner souhaite donc sortir du tout-plastique, le système qui fait que "aujourd'hui, les pots de fleurs sont en plastique plutôt qu'en terre cuite". Et, pour cela, il a tenté de faire sa part à Nairobi, en faisant un atelier sur la pollution plastique en accéléré à quelques représentants nationaux, histoire de leur expliquer "le système plastique et les leviers d'action" possibles. Il dit avoir sensibilisé cinq délégations. "C'est beaucoup pour une petite ONG partie d'Orléans."

Les négociations doivent se poursuivre en avril à Ottawa, au Canada, et se conclure en Corée du Sud à la fin 2024. Pour le séjour dans la capitale canadienne, Jules Vagner espère emmener quatre personnes pour démultiplier sa force de frappe.

Car la tâche s'annonce immense pour lui. Les ONG environnementales militent en effet pour couper trois quarts de la production de plastique d'ici à 2040. Un objectif que les pays producteurs de pétrole (qui voient dans le plastique une porte de sortie si la consommation de carburants issus du pétrole venait à baisser) refusent, plaidant plutôt pour le recyclage.

En 2023, seuls 9% des plastiques produits dans le monde sont recyclés. La production de plastique est également en croissance constante depuis plus de 40 ans. Elle était de 200 millions de tonnes par an dans le monde au milieu des années 2000, et devrait frôler les 390 millions de tonnes en 2023.

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