Urgences débordées : on vous explique comment la France a perdu 90 000 lits d'hôpitaux en 20 ans

Les urgences de plusieurs hôpitaux sont à bout de souffle en ce début janvier. Leurs moyens ne suffisent plus, et pour cause : la France a perdu plus de 90 000 lits hospitaliers en vingt ans.

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Des brancards dans les couloirs, des soignants sur les nerfs et des patients en danger après des heures d'attente. La même scène s'est répétée entre fin décembre et début janvier à Strasbourg, où les ambulances "sont devenues des salles d'attente", à Dijon ce 3 janvier, à Châteauroux ou encore à Orléans, au Centre hospitalier régional et, depuis peu, universitaire. 

Selon les syndicats de soignants, le 2 janvier à 7 h 30, 52 personnes attendaient d'être prises en charge aux urgences orléanaises, dont 4 ont patienté plus de 48 heures. Parmi eux, peu d'accidentés de la Saint-Sylvestre, mais "beaucoup de patients âgés", souffrant notamment du covid-19 ou de grippe, selon un urgentiste.

Les urgences toujours sur la corde raide

Voyant le verre à moitié plein, l'Agence régionale de santé du Centre-Val de Loire fait cependant remarquer que "ce sont près de 23% de passages aux urgences en moins qui ont été constatés" fin 2023, par rapport à la fin d’année 2022. "Pour le Loiret, ce sont 19% de passages en moins qui sont constatés."

Pour l'agence de santé, "cela peut être lié à un moindre impact des épidémies saisonnières, mais aussi à une orientation des patients différente, grâce notamment à la régulation du 15 et aux informations largement diffusées sur l’accès aux urgences".

L’impression de tension est pour autant réelle, due à des difficultés en ressources humaines, notamment sur le personnel paramédical (essentiellement un manque d’infirmiers)

ARS Centre-Val de Loire

Par ailleurs, avec le vieillissement de la population, davantage de patients arrivant aux urgences sont "très âgés ou pluripathologiques", explique l'ARS. Pour ces derniers, "l’orientation dans le système de santé prend souvent davantage de temps, compliquant la tâche des services d’urgences".

"On n'est pas en capacité d'assurer le service avec le personnel qu'on a", lâche pour sa part Grégory Quinet, secrétaire départemental de Sud Santé dans le Loiret. Alors, lorsqu'il y a des "pics" comme lors de ce week-end de trois jours, le service arrive vite à saturation. Outre 112 lits fermés depuis 2022, cet hôpital manque de plus en plus de médecins dans certaines spécialités, explique le syndicaliste. Ce qui fait peser des craintes sur le service de réanimation néo-natale et, à terme, sur la maternité. Contactée par France 3, la direction du CHU "ne souhaite pas pour l'instant s'exprimer sur la situation".

Des lits en moins, des patients en plus

Ce manque de soignant est à mettre en parallèle de moyens et de conditions de travail qui se dégradent à travers tout l'hôpital, insiste Grégory Quinet. Et touche aussi les métiers liés à l'administration ou à la manutention, sans lesquels un centre hospitalier ne peut fonctionner.

Ce n'est pas seulement la souffrance des soignants, c'est une souffrance hospitalière : en blanchisserie, en repas, en logistique, dans l'administratif, on demande aux gens de faire toujours plus avec moins

Grégory Quinet, Sud Santé Loiret

De fait, le constat n'est ni local, ni neuf. Depuis l'an 2000, la France a perdu près de 90 000 lits au sein des établissements publics, soit une baisse de 28% en un peu plus de 20 ans. Ces chiffres proviennent de la Direction de la recherche, des études de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé, qui réalise chaque année une "enquête administrative exhaustive obligatoire" sur les établissements de santé.

En région Centre-Val de Loire, dont Orléans est capitale, et qui est réputée pour être le plus grand désert médical de France, 4100 lits ont été supprimés dans le public, soit une baisse d'un peu moins de 30%, qui a notamment touché le Loir-et-Cher (44%) et le Cher (40%). 

"Il est important de prendre en compte le fait que l’offre de soins a suivi l’évolution des prises en charges depuis 10 ans", nuance pour sa part l'ARS, interrogée sur la baisse des lits entre 2013 et 2023. Notamment : "des durées d’hospitalisation plus courtes, le développement des prises en charge en ambulatoire (entrée à l’hôpital le matin, sortie le soir), et une intensité de soins plus importante sur les lits hospitaliers".

En outre, "les effectifs hospitaliers ont progressé depuis 2013", et les prises en charges le plus légères faisant moins l'objet d'hospitalisation, certains lits sont économisés. "Le nombre de lits est un indicateur à manier avec prudence". 

Il n'empêche que ces économies ont principalement lieu dans l'hôpital public. Les établissements de santé privés, lucratif comme non lucratif, n'ont pas connu le même effondrement du nombre de lits. Dans le privé lucratif, les lits ont même légèrement augmenté entre 2000 et 2020, avant de s'affaisser depuis.

Problèmes de personnel

L'autre difficulté de l'hôpital public, c'est une grande difficulté à recruter. Des lits considérés comme ouvertes ont ainsi plus de mal à être pourvus en personnel. Comme l'indique l'ARS, pour assurer la continuité du service, certains établissements "peuvent aussi choisir de fermer certaines activités temporairement pour permettre à un maximum d’agents de poser des congés et qu’ils soient ensuite présents le restant de l’année".

De son côté, via le Ségur de la santé, le gouvernement a prévu en 2022 un "investissement massif" de 19 milliards d'euros étalés jusqu'en 2029. Néanmoins, la situation risque de mettre du temps à se rétablir : pour pallier le manque chronique de soignants, il faut encore les former. Comme à Orléans, justement, où la fac de médecine fondée en 2022 mettra près d'une décennie à voir ses jeunes docteurs s'installer.

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