Néonicotinoïdes : quelles seraient les alternatives pour la culture de betteraves ?

Alors que de nouvelles variétés de betteraves sucrières tolérantes à la jaunisse (traitée jusque maintenant à coup de néonicotinoïdes) sont à l’étude, certains agriculteurs se demandent comment se passer de ces pesticides désormais interdits. 1730 exploitations sont réparties entre le Loiret, l'Eure-et-Loir et le Loir-et-Cher et cultivent la betterave.

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"Il n'y a actuellement pas d'alternative", affirme Alexandre Pelé, président de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves du Centre-Val de Loire, après la décision de la France de se plier à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne et de renoncer à autoriser l'utilisation des néonicotinoïdes par dérogation sur les semences de betteraves sucrières qui doivent être plantées en mars. "On va devoir passer un cap difficile : nous n'aurons pas assez de volumes pour écraser les coûts fixes et les solutions ne sont pas encore prêtes. Les biocontrôles fonctionnent en serre, mais pas encore dans les champs. Il y aura bientôt des variétés tolérantes, mais il faut encore attendre".

Il va falloir patienter

Le gouvernement a bien investi dans le PNRI (Plan National de Recherche et d'innovation) 7 millions d’euros, sur un total de 20 prévus en trois ans, mais, actuellement, les semenciers sont en discussion avec le CTPS (Comité Technique Permanent pour la Sélection des Plantes Cultivées) afin d'obtenir une inscription dérogatoire (en un an au lieu de deux) pour 7 variétés. 

Selon Bruno Labilloy, directeur agricole chez Cristal Union, l'une des deux coopératives sucrières françaises, "ces variétés résistantes aux virus de la jaunisse ne seront commercialisées qu'en 2025-26. Je me félicite que le Ministre de l’Agriculture, conscient du préjudice, alors même qu’en Allemagne l'une des 5 substances de la famille des néonicotinoïdes, l'acétamipride, reste autorisée, propose un système d’indemnisations pour les betteraviers en cas d’impact lourd."

De nouvelles méthodes agronomiques, sans chimie, plus coûteuses, sont donc expérimentées. Les chercheurs planchent sur des plantes dites "compagnes", qui viennent perturber le cycle des pucerons afin de retarder la "pression virale".

Parmi les différents essais, l’"avoine rude" donne de bons résultats mais il faut encore identifier les dates de semis et de destruction optimales. D’autres tests sont en cours. Bruno Labilloy table sur ces recherches : "Ce n'est pas parce qu'on cherche que l'on trouve. Notre coopérative contribue au plan des 75 "fermes-pilotes d'expérimentation" initié par le PNRI ; nous en avons 15."

Dans ce programme, les agriculteurs betteraviers participent aux recherches de solutions alternatives aux néonicotinoïdes en mettant une partie de leurs surfaces pour réaliser des essais

Parmi elles, celle de Julien Ferrière, à Outarville (Loiret). Il cultive 170 hectares, dont 12 de betteraves bio. Ce sera sa quatrième récolte cette année. "Nous effectuons plus de travail de désherbage en bio, avec, par conséquent, beaucoup plus de main-d'œuvre nécessaire : il me faut de 9 à 13 personnes. Mais, face à la jaunisse, il n'y a pas grand-chose à faire, si ce n'est utiliser du savon noir, qui a une efficacité relative. J'expérimente aussi des bandes fleuries sur le côté pour attirer les auxiliaires. Une autre solution avancée est de faire des semis plus tardivement." En France, les betteraviers bio représentent à peine 0,6% de l'ensemble des planteurs, "un marché marginal".

Dans l'Eure-et-Loir, à Sancheville, Jérôme Fontaine participe également au programme des fermes-pilotes. Il a fait le choix du bio, il y a 10 ans, car la manière de cultiver en conventionnel ne lui convenait pas. Il cultive 13 ou 14 plantes différentes, en rotation.

Sa méthode pour lutter contre la jaunisse, c'est de lisser les risques : "Si je me prends une gamelle sur une culture, il y en a une autre. Je fais d'ailleurs toujours des betteraves rouges à côté, les pucerons vont sur une sorte de betterave ou sur une autre… Je ne mets pas tous mes œufs dans le même panier".  

Et les résultats sont là : dès la première année, il récoltait 90 tonnes de betteraves bio à l'hectare, alors qu'en conventionnel, on est aux alentours de 100 tonnes. Certes, il n'en cultive que 5 hectares maximum.

Pour lui, les pertes sont donc moindres en cas de jaunisse. "Je comprends la colère des betteraviers conventionnels, car la recherche a trop tardé à se faire, vu que les produits toxiques étaient autorisés : c'était facile de traiter... Une vraie politique de l'autruche ! Sans solution, les conventionnels vont traiter les pucerons par voie aérienne avec trois insecticides différents et pour une efficacité moindre", s'énerve-t-il. "Je suis désabusé, parfois... Nous ne sommes pas sur les mêmes logiques de marché : pour eux 40% de baisse c'est catastrophique. Et leurs marges de manœuvre sont limitées. Il faudrait avant tout une cohérence au niveau européen."

Jérôme Fontaine avance également une dernière solution, celle des assurances. "La jaunisse, c'est une fois tous les 5 ans : pourquoi n'y aurait-il pas des assurances comme pour les aléas climatiques ?"

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