Avec 245 sièges à l’Assemblée nationale, les députés LREM et leurs alliés ont perdu la majorité absolue et leur capacité à faire passer les réformes voulues par le président de la République. Entre déception et résignation, les parlementaires du Centre-Val de Loire, qui ont fait pourtant un bon score dans la région, s’attendent déjà à des négociations ardues.
Dans un bar de Chartres, Guillaume Kasbarian, député LREM sortant de la 1re circonscription d’Eure-et-Loir fête sa victoire avec ses sympathisants ce dimanche soir. Il fait partie des 13 représentants de la majorité présidentielle en Centre-Val de Loire à être réélus.
Dans la région, le groupe Ensemble ! gagne même un siège, car si Nadia Essayan et Philippe Chalumeau ont été battus, trois nouveaux députés font leur apparition : Henri Alfandari (Horizons - 3e circo d’Indre-et-Loire), Christophe Marion (LREM – 3e circo du Loir-et-Cher) et Anthony Brosse (LREM – 5e circo du Loiret).
Si la majorité présidentielle résiste bien dans notre région, ce n’est pas le cas sur l’Hexagone. Les députés LREM et leurs alliés sont passés de 350 à 245 sièges à l’Assemblée nationale, perdant ainsi leur majorité absolue.
"Vote sanction"
Les parlementaires de la région le reconnaissent aisément. Guillaume Kasbarian se dit "déçu", tandis que le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau (MoDem), réélu dans la 1re circonscription du Loir-et-Cher, parle de "configuration difficile". Caroline Janvier (LREM), réélue dans la 2e circonscription du Loiret, n’hésite pas à parler de "vote sanction pour la majorité avec beaucoup de poids lourds qui ont été désavoués".
En direct ce dimanche soir sur France 3 Centre-Val de Loire, cette dernière imagine déjà la nécessité de modifier les réformes. "Clairement, il va falloir qu’on amende notre projet, assène-t-elle. Il va falloir qu’on ouvre des discussions, des échanges, qu’il y ait une forme de gouvernement, une pratique politique qui soit différente que ce qui a été pendant cinq ans, parce qu’il va falloir qu’on prenne tout simplement en compte le choix des électeurs ce soir."
Un point de vue partagé par Guillaume Kasbarian : "Dès demain, ça va être très sportif, pressent-il. Nous avons fait campagne pour avoir une majorité absolue pour une bonne raison : c’était pour pouvoir avancer vite, voter les réformes rapidement et les appliquer le plus vite possible […]. Avec une majorité relative, bien sûr ce sera plus long, il y aura un travail parlementaire qui prendra beaucoup de temps, ce sera des négociations, et les Français vont découvrir qu'une majorité relative, ça prend beaucoup de temps. »
"Pas la même vision de la France"
Interrogé sur le risque d’immobilisme face aux autres groupes parlementaires, il se veut cependant optimiste : "J’ai été rapporteur à deux reprises, j’ai réussi à conclure des accords avec des sénateurs qui n’étaient pas de mon bord politique mais qui pour autant voulaient discuter, avancer […].Par contre, oui, il y aura une opposition extrémiste avec laquelle on n’arrivera pas à discuter."
L’opposition extrémiste dont il parle, c’est le Rassemblement national mais aussi la Nupes, qui réunit la France insoumise, le PCF, le PS et les écologistes. François Jolivet (Horizons), réélu dans la 1re circonscription de l’Indre, rappelle d’ailleurs que ces partis ne partagent pas les mêmes opinions sur certains sujets comme le nucléaire.
"Je ne connais pas la composition du groupe LFI en nombre, du groupe écologiste, du groupe parti socialiste, et du groupe communiste, je ne sais pas qui est supérieur à qui et ces gens qui s’étaient associés pour cet accord électoral ne partagent pas la même vision de la France", déclarait-il ce dimanche soir en direct sur France 3 Centre-Val de Loire. Une façon de remettre en question l’opposition réelle du second groupe de l’Hémicycle qui compte 133 députés.
"Pas question de se renier ni de draguer"
Si tous s’accordent sur la nécessité de trouver des accords pour obtenir la majorité absolue – à savoir 289 voix – créer des alliances n’est pas chose aisée, notamment avec la droite traditionnelle.
Interrogé en direct ce dimanche soir sur France 3 Centre-Val de Loire, Marc Fesneau a réagi vivement à la question du présentateur Benoît Bruère pour savoir si la majorité présidentielle allait "draguer les Républicains".
"La question n’est pas de draguer, la question pour moi c’est de regarder l’intérêt du pays, assure-t-il. On a des sujets majeurs : le pouvoir d’achat, l’inflation, les problèmes de désertification médicale qui sont si importants dans cette région […]. Nous avons devant nous des difficultés immenses, je ne doute pas qu’il y a un certain nombre de gens qui prendront leurs responsabilités sans se renier. Ce n’est pas la question de se renier ni de draguer, c’est la question de l’intérêt du pays, c’est ça qui est en jeu à partir de ce soir."
Recours au 49-3 ou dissolution ?
Si les alliances ou les accords s'avèrent rapidement impossibles, les alternatives sont limitées. Interrogé par la présentatrice Rebecca Benbourek sur un recours accru au très décrié article 49-3 de la Constitution, le politologue Pierre Allorant admet que "c’est toujours une possibilité". Mais il nuance immédiatement après : "On ne peut pas utiliser le 49-3 pour tous les projets du gouvernement". S’il croit au dialogue, il reste sceptique sur le consensus.
Il donne pour exemple la réforme des retraites qui fait polémique : "60 ans ? 64 ans ? 65 ans ? Comment demain avec cette Assemblée nationale et le Sénat […] vous faites passer la réforme emblématique du président de la République ? Aujourd’hui c’est impossible."
L’autre possibilité est la dissolution par le chef de l’Etat. Interrogée ce lundi 20 juin sur France Inter sur cette l'éventualité, la porte-parole du gouvernement a répondu par la négative. "Au moment où je vous parle, non", a-t-elle déclaré.