Alors que s'ouvre le procès en appel du scandale du Mediator, de nombreuses victimes de ce médicament n'ont pas pu assister à cette nouvelle épreuve judiciaire. Marie, 62 ans témoigne pour France 3 Centre Val de Loire de l'épreuve qu'elle subit depuis des années.
"C'est un poison, c'est ..." Les explications de Marie, 62 ans, se cassent dans un sanglot. Cela a beau faire presque 20 ans que cette ancienne aide-soignante a pris du Mediator pour la première fois, les souvenirs n'en demeurent pas moins douloureux. Comme des milliers de femmes, c'est sur prescription de son médecin traitant que Marie commence à prendre ce médicament des laboratoires Servier "pour arrêter de prendre du poids, et pour éviter d'avoir du diabète".
Depuis lundi 9 janvier et pour six mois, les laboratoires Servier comparaissent devant la cour d'appel de Paris pour avoir continuer à vendre le Mediator, un médicament commercialisé comme antidiabétique et prescrit comme coupe-faim qui a causé la mort et rendu handicapés des milliers de patients souffrant de graves pathologies cardiaques et pulmonaires. Si Marie s'est constituée partie civile, comme 6400 autres victimes, elle n'assistera pas à ce second procès ne pouvant se déplacer à cause de ses problèmes de santé.
De graves problèmes liés à la prise du Mediator
Après avoir pris le Mediator pendant quatre ans, le récit de Marie est une longue descente aux enfers. "J'ai commencé à être essoufflée et à avoir de l'œdème aux membres inférieurs. J'avais aussi des problèmes respiratoires, j'ai arrêté de fumer car j'ai cru que cette dernière cigarette allait m'être fatale, décrit Marie. J'ai vu la mort de près."
Jusqu'alors la patiente est restée dans le flou et ne met pas encore de mots sur son mal-être. Ce n'est que lorsqu'elle reçoit une lettre de la CPAM qu'elle réalise enfin. "La lettre demandait aux personnes ayant pris le Mediator de faire des examens. Ce que j'ai fait." On lui révèle qu'elle souffre d'une double valvulopathie. "Ensuite, les choses se sont enchainées. J'ai eu beaucoup de difficultés respiratoires, mais aussi une hypothyroïdie qui fait prendre du poids et du cholestérol que je n'avais pas avant non plus."
De cette simple prescription pour perdre du poids la vie de Marie se renverse. "Je n'ai plus une vie normale, je ne peux plus faire les magasins seule, je ne peux plus faire de sorties avec mes enfants, décrit cette maman de trois jeunes gens. C'est un poison qui va me pourrir la vie jusqu'à la fin de mes jours."
Servier pointé du doigt comme responsable
Son mari est en colère, lui aussi. Il estime que les laboratoires Servier qui ont commercialisé le médicament sont responsables et "dangereux". "Le pire c'est quand on sait que c'est un poison et que l'on continue à le commercialiser."
A l'issue du premier procès, l'avocat de Marie négocie un accord avec les laboratoires Servier aux alentours de 25 000 euros. A cause du procès en appel, il a fallu les rembourser, explique son époux. "L'argent ne règlera pas la vie que je mène, rapporte-t-elle, consternée. Si un jour je dois me payer une femme de ménage parce que je n'en suis plus capable ou si je fois acheter un fauteuil roulant ça ne suffira peut-être pas. Ce n'est rien comparé au préjudice qu'on a subi."
En première instance, le groupe Servier et l'ex numéro 2, Jean-Philippe Seta, avaient été condamnés pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires" et avaient respectivement écopé d'une amende de 2,7 millions d’euro et de quatre ans de prison avec sursis et 90 600 euros d’amende. Le groupe devait indemniser les victimes à hauteur de 180 millions d’euros (dont 158 au titre de la tromperie).
Marie n'attend pas grand chose de ce nouveau procès. "Ils peuvent me donner tout l'argent qu'ils veulent, ils m'ont pris ma vie." La seule question qui anime cette femme de 62 ans concerne sa descendance. "Je veux juste vivre le plus longtemps possible pour voir mes enfants et petits-enfants grandir et peut-être se marier."