Selon une enquête publiée ce dimanche par L'Obs, le retraité aurait été assassiné par erreur, victime d'une guerre entre deux clans pour prendre le contrôle de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse-du-Sud et de ses marchés.
Une nouvelle guerre pour le contrôle d'Ajaccio. C'est ce qu'avance L'Obs, ce dimanche, dans une enquête consacrée à l'assassinat de Jean Livrelli le 23 août 2018.
Ce jour-là, ce retraité de 67 ans, est pris pour cible alors qu'il se rend à une partie de chasse au volant de son pick-up noir Nissan. Pour ses amis, c'est la stupeur, personne ne lui a jamais connu d'ennuis.
Selon eux, vite rejoints par les enquêteurs, cet assassinat ne peut être qu'une erreur des tireurs. Car un autre homme conduit un véhicule similaire dans la région : Alain Lucchini.
Âgé de 61 ans, cet ancien nationaliste et figure du banditisme insulaire a déjà échappé une tentative d'assassinat il y a 10 ans. Les gendarmes sont dessaisis de l'enquête au profit de la police judiciaire. Dans le même temps, une juge de Jirs (juridiction interrégionale spécialisée) de Marseille est désignée pour diriger l'enquête.
Proche de dirigeants de la CCI, mais pas d'"intérêts personnels"
Si Alain Lucchini était la véritable cible des tireurs le 23 août 2018, selon L'Obs, une seconde guerre pour prendre le contrôle de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) serait en train de se jouer. Une guerre qui opposerait le clan qui serait mené par Guy Orsoni d'un côté, et la bande dite du "Petit Bar" de l'autre. L'institution gère les aéroports et les ports de l'île, les marchés de la sécurité et maîtrise les investissements dans les entreprises insulaires. "Elle représente aujourd’hui 6 millions d’euros d’investissement par an, hors marchés de la sécurité, et contrôle plus de 9 000 entreprises", écrit L'Obs.
Pourquoi viser Alain Lucchini ? Parce que l'homme d'affaires, ancien proche d'Alain Orsoni, se serait rapproché du clan adverse depuis que sa fille a épousé un des membres présumé du Petit Bar, suppose l'hebdomadaire.
De plus l'homme, entendu longuement par les enquêteurs quelques jours après l'assassinat de Jean Livrelli, affirme être proche des dirigeants de la CCI, mais pas pour "des intérêts personnels".
Contrôle sur l'économie ?
Information de l'hebdomadaire, lors de son audition, l'ancien militant nationaliste évoque également, à la grande surprise des policiers, sa proximité avec Jean-Christophe Angelini, nouveau maire de Porto-Vecchio et président de l'agence de développement économique de la Corse (Adec). Le numéro trois de la Collectivité de Corse est donc en lien avec la CCI.Si Alain Lucchini assure être "son conseiller", il n'apparaîtrait sur aucun organigramme officiel. Interrogé par L'Obs, le président de l'Adec, nie tout rôle officiel à l'ancien militant nationaliste. "Les liens très anciens qui nous unissent sont relatifs à nos engagements politiques dans le cadre de la lutte pour le mouvement national et rien d'autre."
Les enquêteurs, eux, restent convaincus que la CCI est au cœur de l'assassinat de Jean Livrelli. Dans une note de synthèse qu'a pu consulter L'Obs, ils écrivent : "Alain Lucchini exerce un contrôle total sur deux organismes aux ramifications économiques et politiques très importantes, la Chambre de Commerce et l’Adec. […] Œuvrant à chaque nouvelle élection ou changement de président, il [Alain Lucchini] garde la mainmise sur la chambre en y plaçant ses amis."
9 mises en examen
Depuis l'ouverture de l'enquête sur l'assassinat de Jean Livrelli, neuf personnes ont été mises en examen.En décembre 2019, Guy Orsoni, Anto Simonu Moretti, deux hommes fichés au grand banditisme, et Olivier Delmonte sont poursuivis pour "assassinat en bande organisée". Marc-Marie Mattei et Christophe Scipilliti sont eux poursuivis pour "association de malfaiteurs".
En septembre dernier, Marc-Antoine Mattei, Charles-François Mattei, Jean-Toussaint Voglimacci et François-Xavier de Peretti ont également été mis en examen par un juge d'instruction de la Jirs de Marseille dans ce dossier. Les deux premiers pour "assassinat en bande organisée", les deux autres pour "association de malfaiteurs".
L'enquête se poursuit.