Selon un rapport du Réseau Action Climat France, publié ce jeudi 19 septembre, l'île devrait être fortement touchée par l'impact du changement climatique dans les prochaines années. Les risques d'incendies et de submersions marines pourraient être multipliés et la biodiversité affectée.
"Des risques du fond des mers au sommet des montagnes."
L'intitulé du rapport de Réseau Action Climat France sur l'impact du réchauffement climatique en Corse donne le ton.
Publié ce jeudi 19 septembre, le document fait partie d'un ensemble de près de 100 pages qui s'intéresse, région par région, aux conséquences du changement climatique.
Et le chapitre qui concerne l'île a de quoi inquiéter.
La zone côtière de la Corse sera soumise à un climat qui ressemble à celui de Tunis aujourd’hui.
Réseau Action Climat France
Selon le rapport, la hausse des températures devrait s'accélérer en Corse. Dès 2050, elles pourraient atteindre +1,4 à +1,9 °C par rapport à la période comprise entre 1976 et 2005. "La zone côtière de la Corse sera alors soumise à un climat qui ressemble à celui de Tunis aujourd’hui", illustre le document.
En fin de siècle, le réchauffement de la Corse atteindrait jusqu’à +4 °C, et plus encore en montagne, selon le scenario le plus pessimiste.
Dans ce contexte, les jours de fortes chaleurs pourraient se multiplier : "d’ici 2100, la Corse connaîtra 35 à 63 journées chaudes (dont la température dépasse les 25 °C) supplémentaires par an par rapport à la fin du XXe siècle, selon notre niveau d’émissions de gaz à effet de serre".
Les zones autour des massifs montagneux d’Évisa et de Zonza seraient les plus exposées de l’île, selon Réseau Action Climat, qui se réfère à une étude de l'Insee.
Les nuits tropicales, c’est-à-dire celles dont la température ne descend pas sous les 20 °C, devraient, elles aussi, être plus nombreuses. "D’ici 2050, 9 habitants sur 10 connaîtront plus de 30 nuits tropicales par an, avec de réelles répercussions sur les organismes, qui récupèrent mal lors de ces épisodes de chaleur", prévoit le rapport, qui rappelle "le risque majeur de santé publique", dans une région qui abrite la population la plus âgée de France.
Outre la fréquence, l'intensité des épisodes de chaleur serait également en passe de s'accentuer. Si le record actuel, enregistré à Sartène en 2009, est de 43,4 °C, il devrait être "largement dépassé" dans les décennies à venir, pour s'établir à "46 °C, voire plus".
"Conséquences désastreuses" sur les écosystèmes
À un tel rythme, les conséquences sur les écosystèmes sont "désastreuses", juge le Réseau Action Climat, "tout comme sur le cycle de l’eau".
Ainsi la baisse de l'enneigement, l'inégale répartition des épisodes de pluies ainsi que la baisse du taux d'humidité des sols - trois phénomènes liés au changement climatique - entraînent "l’augmentation, en fréquence et en intensité, des épisodes de sécheresse".
Alors que la fréquence des années considérées comme sèches est passée d’une année sur cinq à une année sur deux depuis les années 90, cette tendance devrait se poursuivre. Ainsi à Ajaccio, les périodes de sécheresses "seront plus longues de 2 jours si le réchauffement est maintenu en dessous de 2 °C, et de 11 jours si les émissions de gaz à effet de serre restent élevées".
Elles seront par ailleurs "plus étendues sur l’année, s’allongeant avant et après l’été, pouvant entraîner des restrictions d’usages de plus en plus fréquentes".
De quoi affecter sérieusement l'agriculture insulaire, déjà touchée par les différents épisodes de sécheresse.
Les risques d'incendies et de submersions multipliés
Ces épisodes de sécheresse et de fortes chaleurs alimentent le risque de feux de forêts.
Celui-ci devrait augmenter de 10 à 30 % d’ici la fin du siècle, selon les estimations du Cerema, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.
"Les données de Météo-France indiquent que le nombre de jours à fort risque d’incendie, déjà compris entre 5 et 50 jours dans les années 70, devrait augmenter de 4 à 25 jours supplémentaires", souligne le Réseau Action Climat.
Les littoraux seront, pour leur part, encore davantage en proie aux risques de submersion marine et à l’érosion des sols, "deux phénomènes aggravés par l’élévation du niveau de la mer". À Porticcio par exemple, le rapport estime que l'on perdrait "3 à 6 mètres de plage pour une hausse du niveau de la mer de 30 centimètres". Et d'ajouter : "À ce rythme, 10 à 20 % de la plage pourraient avoir disparu en 2050".
"L’ensemble de ces risques, combiné aux épisodes de canicule, ont un impact négatif sur l’attractivité touristique de la Corse", analyse le document, tout en rappelant que la consommation liée à ce secteur représente "39 % du PIB de la région en 2017, soit 5 fois plus que la moyenne nationale".
La biodiversité en danger
C'est à un véritable "bouleversement des écosystèmes" qu'il faut s'attendre, entre hausse des températures, stress hydrique et événements climatiques extrêmes.
Les milieux d’eau douce sont "particulièrement affectés par la baisse du débit des cours d’eau ainsi que leur réchauffement", relève le rapport, qui cite l'exemple des anguilles : "plus habituées aux eaux chaudes, elles remontent petit à petit les cours d’eau, ce qui menace les truites".
Dans le milieu marin, même problématique : "on observe de plus en plus d’espèces habituées aux eaux chaudes comme le mérou blanc ou le barracuda, et certaines qui posent problème dans d’autres régions méditerranéennes, à l’image du poisson ballon ou du poisson pierre".
Idem pour les herbiers marins, particulièrement menacés. Ainsi, l'emblématique réserve naturelle de Scandola aurait déjà perdu "70 % de son effectif corallien". Une tendance qui, comme pour l'ensemble des autres phénomènes, pourrait s'aggraver.