Ce vendredi 22 novembre, la première pierre de la centrale du Ricanto a été posée à Ajaccio. Cette nouvelle installation, alimentée par un combustible d'origine végétale, doit remplacer d'ici 2027 l'une des dernières centrales de France fonctionnant au fioul lourd. En marge de cet évènement, le Président-Directeur général du groupe EDF Luc Rémont a accordé un entretien à nos équipes.
France 3 Corse ViaStella : Ce vendredi 22 novembre, la première pierre de la centrale du Ricanto a été posée, après de nombreux contretemps dans ce dossier...
Luc Rémont, Président-Directeur général du groupe EDF : Il a fallu du temps pour mettre d'accord tous les acteurs sur la façon dont le territoire corse va envisager l'avenir pour assurer sa stabilité électrique et sa décarbonation. Cela a fait l'objet de beaucoup de travail dans un très bon esprit entre la Collectivité de Corse, la Commission de régulation de l'énergie qui a joué un rôle fondamental pour assurer que ce projet puisse se faire économiquement, EDF qui va le réaliser et les services de l'État qui ont contribué à le préparer avec l'ensemble des acteurs, et la programmation pluriannuelle de l'énergie qui nous permet de nous projeter vers l'avenir. Tout cela mis bout à bout, on arrive à cette première pierre. Ça peut paraître long, mais c'est nécessaire pour aller tous ensemble vers une stabilité électrique, une réponse à la demande électrique de la Corse des années qui viennent, avec l'objectif de décarboner le territoire.
Ce retard est également dû aux atermoiements sur le choix du combustible : le gaz naturel a été longtemps envisagé et c'est finalement la biomasse liquide, issue de la culture du colza, qui a été choisie. C'est un combustible vertueux, notamment pour ce qui concerne les rejets de gaz à effet de serre, mais les microparticules suscitent des interrogations au niveau sanitaire. Que pouvez-vous en dire ?
Cela ne pose pas de souci particulier. C'est meilleur pour la qualité de l’air, de très loin, par rapport au fioul lourd. C'est vraiment le choix d'une biomasse liquide, que nous connaissons bien chez EDF, qui permet d'assurer cette production stable, commandable, qui est nécessaire pour la stabilité électrique, mais dans des conditions qui sont infiniment meilleures que ce que nous sommes capables de faire aujourd'hui. C'est bien cela le progrès fondamental qui est atteint par le déploiement du projet du Ricanto.
Le reportage de Marc-Antoine Renucci, Mathias Landry et Yann Benard :
Vous l'avez dit, vous utilisez déjà ce combustible, notamment à La Réunion. Or, il y a des difficultés d'approvisionnement, en raison de l'insularité. Ce problème pourrait donc aussi se poser en Corse. Quel bilan peut-on faire sur ce point ?
Il n'y a pas plus de difficultés d'approvisionnement que pour ce qui concerne le fioul lourd. Il faut toujours aller chercher évidemment cette ressource, mais il existe une filière d'approvisionnement. Nous la connaissons, nous la pratiquons. Nous travaillons avec les industriels qui réalisent la transformation du colza en biomasse liquide pour assurer une filière qui soit une filière de développement durable et nous allons continuer de travailler dans cet esprit pour approvisionner la future centrale du Ricanto.
Un budget de 800 millions d'euros, est-ce conséquent pour une entreprise comme EDF ?
C'est un gros investissement pour EDF qui ne se limite pas à la centrale du Ricanto puisque dans les cinq ans qui viennent, les projets que nous portons sur le territoire de la Corse montent à largement plus d'un milliard d'euros. Il y a le Ricanto, il y a aussi le projet Sacoi 3 qui va nous conduire à continuer de renforcer les connexions avec la Sardaigne et l’Italie et l’interconnexion sur le territoire de la Corse de ces liaisons. Et puis il y a d’autres projets qui nous permettent d’augmenter la résilience du système électrique corse et c’est l’ensemble de ces projets qui va nous amener à contribuer à décarboner l'électricité utilisée par le territoire et apporter toute l'électricité nécessaire à nos clients en Corse.
Le but, c'est que la centrale du Ricanto soit livrée avant la fin 2027.
Luc Rémont, PDG d'EDF
La livraison est prévue pour mi-2027, mais il y a une dérogation qui permet d'utiliser la centrale du Vazzio jusqu'à 2030. Pourrait-il y avoir quelques retards concernant la mise en service de la centrale du Ricanto ?
Le but, c'est que la centrale du Ricanto soit livrée avant la fin 2027. C'est ce que j'ai dit ce matin devant les autorités du territoire, devant le président de l’Exécutif Gilles Simeoni, devant la ministre du Partenariat avec les territoires qui était également présente. Nous nous sommes engagés à livrer fin 2027, nous tiendrons cet engagement. Bien sûr, il y aura un passage sans couture, comme on dit, entre la centrale du Vazzio et la centrale du Ricanto, de sorte que nous assurions la stabilité électrique en permanence.
Cette centrale pourrait-elle être convertie, par exemple, au gaz naturel ?
Non, ce sont vraiment des technologies différentes. C'est une centrale à bioliquide et elle est destinée à fonctionner pour sa durée de vie au bioliquide.
Concernant la production d'électricité en Corse, on sait que ce sont les barrages hydroélectriques notamment qui permettent la production d'énergies renouvelables. Il n’y a plus de projets ces dernières années, comment peut-on l'expliquer ?
Au travers de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui a été discutée entre tous les acteurs, il y a la possibilité d'aller chercher par exemple, les stations de transfert d'énergie par pompage, ce qui est une façon de stocker de l'énergie, de stocker de l'électricité. Ce dont nous avons besoin le plus pour la Corse dans les années qui viennent, une fois qu'on aura mis en place le Ricanto, quand on aura converti également à la biomasse liquide la centrale de Lucciana, ce sont des éléments qui permettent d'assurer la stabilité du système pour absorber les renouvelables et les fluctuations de la demande. Nous sommes capables de relancer des projets dans cette direction si évidemment les pouvoirs publics et la Commission de régulation de l'énergie parviennent à un accord.
Des vents forts ont touché l'île ces 20 et 21 novembre. Ce vendredi matin, 8 000 foyers sont encore privés d'électricité en Corse. Faudra-t-il faire un effort sur le réseau insulaire ?
Nous fournissons un effort permanent sur les réseaux, tous les jours. Évidemment, on ne peut pas se satisfaire d'avoir 8 000 foyers qui, du fait de la tempête, sont privés d'électricité, même quelques heures. Mais je vous garantis que tous les salariés d'EDF en Corse, auxquels je tire vraiment un grand coup de chapeau, sont extrêmement motivés, sont sur le pont, la nuit, le jour, pour assurer la résilience du réseau. Nous continuons d'investir pour assurer la meilleure résilience possible et puis également pour raccorder les différentes productions nouvelles qui viennent arriver sur le réseau. C’est beaucoup de travail et des investissements avec des équipes qui, comme sur la production, sont extrêmement motivées, engagées et qui ont à cœur de faire réussir la Corse et, évidemment, l'électricité en Corse.
L'entretien réalisé par Marc-Antoine Renucci, Mathias Landry et Yann Benard :