Entre l'ex-préfète de Corse et le président de l'exécutif, cela n'a jamais été le grand amour. La lettre adressée à Gilles Simeoni le 31 janvier dernier vient le rappeler. La cause de cette nouvelle polémique, un hommage au préfet Erignac. Gilles Simeoni dénonce "une mise en cause indigne".
Le ton est protocolaire, mais le propos est virulent.
La raison du courroux exprimé par Josiane Chevalier dans un courrier en date du 31 janvier dernier, c'est un concert.
Un concert auquel Gilles Simeoni se serait opposé.
Pas de concert en mémoire de Claude Erignac
Et pas n'importe quel concert.Celle qui était encore préfète de Corse il y a quelques jours souhaitait rendre hommage à son prédécesseur, Claude Erignac, abattu le 6 février 1998 à Ajaccio.
Chaque année, les commémorations ont lieu, mais "vingt-deux ans après cette tragédie, [Josiane Chevalier] souhaitait donner une autre forme à cet hommage en organisant un concert en mémoire de Monsieur Erignac dans les salons de la préfecture le soir du 6 février".
Pour vous, le lâche assassinat d'un préfet au service de la Corse ne mérite pas un concert - Josiane Chevalier
Selon Josiane Chevalier, Gilles Simeoni aurait refusé de donner son accord pour que ce concert se déroule à cette date.
La lettre, qui jusque-là se contentait d'exposer les faits, prend, dans ses dernières lignes, une autre tournure :
"Je suis profondément choquée par le caractère dénué de toute humanité que revêt votre décision. Alors que vous veillez à commémorer systématiquement les événements qui ont marqué l'histoire de la Corse, je constate que, pour vous, le lâche assassinat d'un préfet engagé au service de la Corse ne mérite pas un concert (...)".
L'intégralité du courrier adressé par Josiane Chevalier à Gilles Simeoni
Gilles Simeoni parle de "mensonges"
Le président de l'exécutif n'a pas tardé à répondre.Pas à Josiane Chevalier, mais à son successeur, Franck Robine, qui a pris ses fonctions hier.
Et qui, à peine arrivé, avait pris soin de fleurir la plaque en hommage à Claude Erignac.
Gilles Simeoni y juge "fallacieuse et inexacte" la présentation de la situation, et parle d'"assertion radicalement fausse".
Selon lui, les échanges entre son Cabinet et celui de Josiane Chevalier étaient une procédure normale pour s'assurer que tout puisse se dérouler dans les meilleures conditions.
Chacun des mots est délibérément blessant, méprisant, et insultant - Gilles Simeoni
Gilles Simeoni affirme que leur dernier échange concernait "un retour de la part des musiciens pour savoir s'il leur était possible de jouer compte tendu des délais réduits".
"Suite à ce mail, nous n'avons plus eu aucune information, ni écrite, ni orale, sur le projet de concert, ceci jusqu'à un coup de téléphone informant [le Cabinet de Gilles Simeoni] de ce que le projet était abandonné, sans autre précision."
Selon l'élu nationaliste, les affirmations de Josiane Chevalier sont "purement et simplement mensongères, et ce mensonge est d'une gravité particulière eu égard au caractère douloureux des faits dont il s'agit".
Parole contre parole
Jusque-là, c'est parole contre parole, version contre version.Mais il y a autre chose, dans le courrier de Josiane Chevalier, qui semble avoir particulièrement irrité Gilles Simeoni.
Sa conclusion :
"Alors que vous prônez la paix, l'apaisement, la bienveillance pour "sortir d'un conflit" qui opposerait la Corse au reste de la France, je constate que pour vous l'exécution sordide d'un préfet apprécié de la population et la douleur infligée à sa famille ne justifient pas ce geste d'humanité qui s'inscrirait dans cette philosophie d'apaisement."
Pour le président de l'exécutif, "chacun des mots est délibérément blessant, méprisant, et insultant, en ce qu'il vise à remettre en cause la sincérité de mon attachement à des éléments fondateur de mon engagement public :
Les valeurs universelles de démocratie, le caractère sacré de toute vie humaine, le respect dû aux morts et la compassion acquise à leurs familles, le refus de toutes les violences, la volonté de tourner la page de la logique de conflit pour enraciner celle de l'apaisement et de la paix".
Gilles Simeoni rappelle à ce titre qu'il avait participé à la cérémonie d'hommage au préfet Erignac dès son élection, en 2017, ce qui avait fait débat dans le camp nationaliste.
Il assistera cette année encore aux commémorations.
"Je ne peux donc accepter ni cette mise en cause indigne, ni le mensonge initial qui lui sert de prétexte."
L'intégralité du courrier adressé par Gilles Simeoni à Franck Robine
Une polémique qui a tout du règlement de comptes
Difficile, en l'état, de savoir qui dit vrai.Mais une chose est sûre, la tonalité de l'échange, et les innombrables sous-entendus, et attaques frontales, rappellent à quel point la cohabitation entre celle qui a été préfète de Corse durant près de deux ans, et la majorité nationaliste aux affaires, a été rugueuse...
Les paillotes et le dossier des autorisations temporaires du domaine d'occupation maritime, le contrat de la fibre optique, la crise des déchets...
Autant de dossiers où l'Etat et la région se sont affrontés, et pas vraiment à fleurets mouchetés.
Jusqu'à la fin, et même au-delà, l'incompatibilité d'humeur a été flagrante...
Reste à savoir, désormais, comment se passera la cohabitation avec Franck Robine, le successeur de Josiane Chevalier.
Une collaboration qui ne débute pas sous les meilleurs auspices.
Gilles Simeoni a demandé au nouveau préfet de Corse si l'Etat "considère que la lettre qui développe ce mensonge et cette mise en cause a valablement été écrite en son nom".
Franck Robine lui aurait assuré par téléphone ne pas être solidaire de ce courrier.