Ce vendredi 18 novembre, l'Assemblée de Corse organise une session extraordinaire consacrée à la mafia, au terme de laquelle les élus territoriaux devront adopter une résolution. Suivez le déroulé de la journée.
14h15 : La session de l'Assemblée de Corse est levée pour une heure. Les débats de la matinée ont pris du retard par rapport au programme initial : environ une heure et quart de plus que le temps prévu, repoussant automatiquement le temps de la commission permanente, des ateliers autour de cinq thématiques, et de l'annonce, en fin de journée, d'une ou plusieurs potentielles résolutions.
Interrogé quelques minutes après la fin des débats matinaux, André Paccou, délégué régional de la Ligue des droits de l'Homme estime qu'ils ont été "nécessaires et utiles".
On a des vécus, mais les vécus ne sont pas suffisants. Il faut maintenant qu’on analyse et qu’on mette les choses en perspective dans un projet de société.
André Paccou, LDH
"Je crois que ce moment de débat est aussi un rapport démocratique face à la criminalité organisée. Ce débat ouvre des perspectives de réflexion. Le fait qu’il puisse se prolonger va permettre d’affiner les analyses dont on a encore besoin. Parce que c’est ce qui ressort beaucoup de ce matin : un besoin de mieux comprendre la réalité. On a des vécus, mais les vécus ne sont pas suffisants, il faut maintenant qu’on analyse et qu’on mette les choses en perspective dans un projet de société."
Pour la section corse de la LDH, "la société corse doit savoir se défendre aussi avec ses outils." Et l’un de ses outils, reprend André Paccou, "c’est la société civile, c’est la citoyenneté. La société corse doit savoir se défendre par rapport aux agressions de la criminalité. Je le rappelle : ce n’est pas la société corse qui est dangereuse, c’est la société corse qui est en danger."
Un débat qui "n'était pas à la hauteur des enjeux"
De son côté, Pierre-Laurent Santelli, membre du collectif Massimu Susini, se dit globalement assez déçu de la teneur des débats. "On a trouvé que ce n'était pas à la hauteur des enjeux. On avait l'impression d'assister à un débat parallèle. Ne parlons même pas des fausses pistes, qui consistent à dire qu'on demande des mesures spécifiques pour la Corse alors qu'il n'en est rien..."
Similairement au collectif Maffia no a vita iè, les membres du comité Massimu Susini pressent, presque depuis leur création, pour la reconnaissance d'un délit de fait mafieux, sur le modèle italien, qui serait inscrit au code pénal.
Pierre-Laurent Santelli regrette, ce vendredi matin, une presque fin de non-recevoir sur ce point de la part du président de l'Exécutif.
"Il a balayé d'un revers de la main toute évolution. Pareillement sur les demandes plus spécifiques que nous avions fait, notamment sur l'urbanisme. Nous avons eu une fin de non-recevoir là aussi, ce qui ne présage rien de bon pour les débats à venir. On espère que les débats futurs seront d'un autre niveau et qu'on pourra s'exprimer plus librement, parce que nous avons l'impression que ce n'est pas le cas en ce moment."
"On aurait bien voulu intervenir"
Même déception pour les membres de Maffia no vità iè. "On aurait bien voulu intervenir parce que l'excuse a été de dire qu’il n’y a que les élus qui parlent, soupire Léo Battesti. Mais j'ai vu des gens qui sont autant élus que moi qui ont parlé aujourd'hui. Et je ne le regrette pas, parce que le président Bucchini, c'est quelqu'un que j'aime beaucoup et je respecte. Mais on voit qu'on peut faire des entorses quand on le veut."
Léo Battesti se dit "surpris de voir ces blocages qu’il y a d'emblée." Gilles Simeoni, poursuit-il, "bloque un peu le jeu en disant “on ne touche pas à ça”, en faisant des citations du type : “il faut défendre les libertés”. Mais quelle liberté menaçons-nous ? Nous, au contraire, nous voulons protéger les libertés fondamentales. Il va y avoir des débats. On le fera fraternellement parce que nous essayons de construire, mais nous sommes intransigeants sur certains débats. Parfois, il faut que les idées soient opposées pour que les gens se fassent leur propre opinion."
"Si on parle du passé, on doit examiner le passé sous tous ses aspects"
14h : Jean Biancucci, du groupe Femu a Corsica, répond à Jean-Martin Mondoloni, qui évoquait, plus tôt dans le cadre de ces débats, "l'histoire" des élus de l'hémicycle, et le fait que certains "ont légitimé la violence".
"En qui concerne le passé, indique Jean Biancucci, je ne partage pas ce qui a été dit, pour quelques raisons qui sont des raisons simples. Si on parle du passé, on doit examiner le passé sous tous ses aspects."
"Je n’ai pas entendu parler de clans. Et pourtant. Je n’ai pas entendu parler de fraude électorale. Et pourtant. Je n’ai pas entendu parler de bourrage des urnes. Et pourtant. Je n’ai pas entendu parler de police parallèle. Et pourtant. On pourrait en rajouter. On peut respecter ce que les uns et les autres ont à dire, mais on peut ne pas être d’accord", tranche-t-il.
"Nous devons porter notre action fortement, élaborer des garde-fous"
13h30 : Conseillère non-alignée, Josepha Giacometti-Piredda parle d'une certaine "infantilisation" de la Corse. "La proximité que l'on nous renvoie comme une tare génétique ferait de nous des gens incapables d'autogestion et de justice."
Des propos dénoncés par l'élue Corsica Libera. "Nous sommes capables de penser et d'élaborer des cadres. D'autres pays de petite taille le font. Nous ne devons pas céder à cette infantilisation, qui est dangereuse. Nous devons porter notre action fortement, élaborer des garde-fous. Et nous avons commencé ce travail en tant qu'élus sous les précédentes mandatures, alors que les auditions s’entamaient suite à la création des collectifs et à l'assassinat de Massimu Susini."
En tant qu'élus, nous devons prendre part, toute notre part, à l'œuvre de transparence dans nos actions, pour ne pas que s'installe entre notre peuple et ses représentants, défiance et suspicion.
Josepha Giacometti-Piredda, représentante Corsica Libera
Les élus territoriaux, renchérit-elle, doivent prendre "toute leur part dans l'œuvre de transparence" pour ne pas laisser penser "que nous aurions un doute sur nous-mêmes". "Personnellement, je n'en ai pas. En tant qu'élus, nous devons prendre part, toute notre part, à l'œuvre de transparence dans nos actions, pour ne pas que s'installe entre notre peuple et ses représentants, défiance et suspicion."
"Ces flux financiers issus de cette spéculation constituent pour les bandes mafieuses une source de profits énorme"
13h15 : Don Joseph Luccioni, benjamin de cette Assemblée de Corse, et issu de la liste "Fà populu inseme", revient notamment sur les liens qui peuvent exister entre la spéculation immobilière et les bandes mafieuses.
"Ces flux financiers issus de cette spéculation éhontée et effrénée constituent pour les bandes mafieuses une source de profits énorme, au détriment de dizaine de milliers de jeunes corses, dépossédés de leurs terres, qui ne parviennent pas à se loger et donc à vivre sur leur propre sol. Voici une conséquence très concrète et tangible de ces dérives mafieuses sur notre jeunesse."
Un point d'autant plus sensible, poursuit-il, considérant "le lien viscéral qui unit le peuple corse à sa terre."
Une situation qu'il juge inacceptable, et qui, rappelle-t-il, a "déjà produit, et peut-être produira encore, un profond sentiment d’injustice, qui pourra conduire à la révolte légitime qu’on a déjà connu."
"N'attendons pas de l'Etat, attendons de nous-même"
12h30 : "N'attendons pas de l'État, attendons de nous-même", souffle Paul-Félix Benedetti, leader du groupe Core in Fronte.
"Moi, j'attends, et je le dis, un État Corse, demain, un État fort, un État humain. Qui donnera des règles. Et des interdits. Mais dans l'absolu, l'État nous a abandonnés. Il a laissé faire. Il a pris les voyous Corses il y a 30 ans pour faire le sale boulot, dans la tradition du SAC. Ça a été ça, l'héritage de la gangrène qui nous a aujourd'hui amenés sur les voies du chaos."
Aujourd'hui en Corse, un jeune a le droit de se révolter plus qu'avant.
Paul-Félix Benedetti, Core in Fronte
L'élu indépendantiste estime qu'aujourd'hui, il n'existe pas d'autres moyens "que de sortir par le haut. Le haut, c'est la règle opposable. C'est à l'aune de la rédaction du nouveau PADDUC, de comprendre que malheureusement, il faut qu'il soit encore plus explicite que le premier. Qu'il fixe des interdits, qu'il y ait un temps mort, au moins d'une dizaine d'années. On ne peut pas avoir une économie où il y a chaque année 6000 constructions qu'aucun Corse ne puisse acheter. Qu'on se sente dépossédés. Qu’un jeune de 30 ans aujourd'hui ne voit pas d'avenir."
Faute de quoi "ça va être la révolte, la révolution permanente. La lutte pour vivre, pour manger. Le combat du quotidien, qui est légitime. Aujourd'hui en Corse, un jeune a le droit de se révolter plus qu'avant. La société, elle est parasitaire, inégalitaire, injuste et on est en train de leur voler leur avenir. Et on est presque en train de leur expliquer qu'il ne faut plus être comme ça, que c'est du passé."
"On ne réglera pas le problème qu’au travers de la répression, et qu'il faut s'attaquer aux causes et aux sources"
12h15 : "Nous sommes dans un système pénal, le système pénal français, qui est déjà extrêmement répressif. Nous sommes soumis à une législation pénale qui est d'ores et déjà très complet. Et qui permet de répondre à toutes les situations pénalement répréhensibles", détaille Julia Tiberi.
Aujourd'hui, poursuit-elle, le groupe Avanzemu "n'est pas convaincu de la pertinence d'une nouvelle législation ou de la création d'une nouvelle infraction qui viendrait s'ajouter aux mille-feuilles législatifs existants."
Si un jour nous parvenons à ce que les jeunes admirent les travailleurs qui triment pour vivre, plutôt que le voyou, alors nous aurons gagné le combat culturel et éducatif.
Julia Tiberi, Avanzemu
Parmi les priorités à venir, accroître, "évidemment, notre action éducative et pédagogique à destination de la jeunesse. Parce que nous sommes persuadés qu'on ne réglera pas le problème qu’au travers de la répression, et qu'il faut s'attaquer aux causes et aux sources. Il faut mettre les moyens dans la formation, l'apprentissage, la pédagogie... Il faut éduquer nos jeunes, même si le changement doit se produire sur plusieurs générations."
"Et si un jour, espère Julia Tiberi, nous parvenons à ce que les jeunes intègrent pleinement la valeur travail, le principe de la de la méritocratie, si un jour nous parvenons à ce que les jeunes admirent les aides-soignants, les agriculteurs, les travailleurs qui triment pour vivre, peut-être chichement, mais honnêtement, plutôt que le voyou, alors nous aurons gagné le combat culturel et éducatif, qui est peut-être la manière la plus sûre et la plus pérenne d'éradiquer la criminalité organisée et le système mafia."
"Nous avons un travail à faire immense sur le rôle et la place de l’argent dans notre société"
12h : Les prises de paroles se succèdent au sein de l'Assemblée. Jean-Martin Mondoloni, président du groupe d'opposition "Un soffiu Novu", estime notamment que parmi les travaux qui devront être accomplis par les élus territoriaux, il y aura la tâche de "démontrer à la jeunesse qu’on ne peut pas ériger les voyous en icônes."
"L’esthétisation contemporaine du voyou comme repère sociétal majeur est dans les esprits de beaucoup de nos jeunes. Nous avons un devoir de lutte contre cette fabrication de l’image, nous avons un travail à faire immense sur le rôle et la place de l’argent dans notre société."
"Prenons garde aux amalgames, à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, précise néanmoins Jean-Martin Mondoloni. C’est l’argent sale qui rend sale, c’est l’argent fou qui rend fou. Il n’est pas utile de rappeler que l’argent n’est pas forcément une valeur dépréciative, c’est l’usage qu’on en fait qui pose problème, c’est l’argent facile. On peut être riche et vertueux. On peut être pauvre et empreint de tous les vices."
Oui, à un moment donné, l’Etat s’est probablement trompé de cible, ou en tous cas a mis beaucoup plus d’efforts dans la violence politique, que dans la violence de droit commun.
Jean-Martin Mondolini, Un Soffiu Novu
L'élu de droite admet une certaine responsabilité de l'Etat dans le développement d'une criminalité organisée en Corse. "Oui, à un moment donné, l’Etat s’est probablement trompé de cible, ou en tous cas a mis beaucoup plus d’efforts dans une forme de violence - et c’est moi qui vous le dis -, qui à l’époque était la violence politique, que dans la violence de droit commun."
Comment, alors, aujourd'hui, assurer la lutte contre ces gangs criminels ? "Tout cela est une question de moyens. Mettons-nous d’accord sur l’idée qu’on ne peut pas combattre dérive mafieuse si il y a, s’il n’y a pas plus de moyens."
"La Corse n’a pas besoin de plus de République, elle a besoin de mieux de République"
Pour le groupe Un Soffiu Novu, "nous l’avons toujours dit : la Corse n’a pas besoin de plus de République, elle a besoin de mieux de République. Si on demande des moyens exceptionnels à l’Etat, il faut assumer le fait qu’on demande aussi plus de moyens de répression. Je n’ai pas l’impression que nous soyons forcément tous d’accord dessus, ou du moins sur la charge symbolique à laquelle on recoure quand on parle de ces choses-là."
Face à une violence "dont on est en train de dire qu’elle serait d’exception, peut-être faudrait-il des moyens d’exception, respectueux évidemment du droit de la défense. Cet équilibre peut-il être atteint ? Cela fera partie de nos travaux."
Jean-Martin Mondoloni en appelle aux élus territoriaux : "Il faut sortir de nos contradictions, en tous cas de nos injonctions paradoxales. On ne peut pas dire : il faut plus de justice et plus de police, et vouloir moins de présence de l’Etat en Corse. Il va falloir qu’on soit clairs sur ce sujet."
Il y a dans cet hémicycle des gens qui ont légitimé la violence, des gens qui ont renoncé, et des gens qui n’y ont jamais adhéré.
Jean-Martin Mondoloni, Un Soffiu Novu
Au terme de cette journée, une résolution commune est attendue. Peut-être, indique l'élu de droite, ne sera-t-elle pas une unique résolution, mais plusieurs résolutions, émanant de divers groupes, significatives de divergences de points de vue sur les moyens d'action et l'arsenal nécessaires.
L'occasion pour Jean-Martin Mondoloni d'évoquer, au passage, "que chacun à son fil de l’histoire. Qu’il y a dans cet hémicycle des gens qui ont légitimé la violence, des gens qui ont renoncé, et des gens qui n’y ont jamais adhéré. Et ce promontoire-là, peut-être voyons nous les choses de façons différentes."
Avant de conclure : "J’ai envie de dire à ceux qui nous regardent, et doivent se demander : sont-ils utiles aujourd’hui ? À quoi sert ce débat ? Que ce débat est nécessaire, ne serait-ce que pour une chose : libérer la parole. Car le mutisme, à bien des égards, vaut complicité. Si aujourd’hui nous libérons la parole, en nous disant les choses avec respect, compassion, mais le devoir d’exigence qu’imposent certaines vérités, alors je pense que nous évacuerons le soupçon de complicité qui anime certains esprits et alimentent certaines âmes souvent malveillantes à [l'égard des élus territoriaux, ndlr]".
11h : Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif, prend à son tour la parole face à un hémicycle très rempli, où l'on note très peu d'absents parmi les élus territoriaux et la présence des collectifs anti-mafia dans les tribunes.
Cette session, rappelle-t-il, devait être organisée il y a maintenant 3 ans, avant même les sollicitations et demandes dans ce sens émanant des collectifs et comité anti-mafia, notamment. "Nous avions pris la décision ensemble de l'organiser dès septembre 2019."
Un rendez-vous différé, du fait, dans un premier temps, de la crise sanitaire. "Nous avions tous dit à ce moment-là, que ce moment solennel ne pouvait pas se faire autrement qu'en présentiel." Puis à nouveau reporté au vu du calendrier des élections territoriales, "le débat était trop important pour être potentiellement pollué par des enjeux électoraux."
Reprogrammée au printemps 2022, la session a une nouvelle fois dû être décalée, du fait de l'agression mortelle d'Yvan Colonna, et des événements qui en ont découlé.
Après des années d'attente, la session extraordinaire sur la mafia se tient enfin à l'Assemblée de Corse. Elle aura notamment pour objectif, accentue Gilles Simeoni, que les élus de la Corse, "ceux qui ont été désignés par le suffrage universel, s'expriment publiquement sur les dérives mafieuses. Que notre parole soit portée et entendue", et qu'elle puisse donner lieu à des actions concrètes.
Plus encore, plus qu'un espace de discussion, la session d’aujourd’hui doit être le début d’un cycle de travail, insiste le président du Conseil exécutif.
Nous pouvons bien sûr nous interroger sur l'efficacité, non seulement des instruments répressifs, mais aussi de celles et ceux qui ont la charge de la politique pénale.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse
Concernant l'action judiciaire, en Corse, dans le cadre des affaires de grande criminalité, "nous n’avons pas de statistiques généralisées, regrette-t-il, puisque le procureur général de Bastia a communiqué en reconnaissant qu’il était dans l’impossibilité de donner les statistiques de ces affaires."
Gilles Simeoni s'en rapporte ainsi à des données transmises par voie de presse en 2013 : "En janvier 2013, la presse rappelait qu’entre 2005 et 2013, il y a eu 94 assassinats en Corse. Le taux de poursuite était lui de 4%, le taux d'élucidation, de 0 et quelques %. Ce qui veut dire que 94 personnes sont mortes prématurément assassinées, que 94 familles ont été plongées dans le désarroi le plus absolu, et ne savent aujourd'hui toujours pas qui et pourquoi."
Des statistiques qui doivent "bien sûr nous interroger sur l'efficacité, non seulement des instruments répressifs, mais aussi de celles et ceux qui ont la charge de la politique pénale."
"Moi, je vous dis qu'il n'y a personne qui vient me tenir le bras"
S'adressant directement aux collectifs présents en tribune, et notamment les associations de défense de l'environnement, sur la question de l'urbanisme et des parfois très polémiques - et régulièrement attaqués au civil ou pénal - permis de construire, Gilles Simeoni se veut ferme.
"Nous avons proposé à plusieurs préfets de Corse successifs de mettre en place une commission dans laquelle la Collectivité de Corse aurait accès à l'intégralité des permis, pour que nous puissions identifier les permis éventuellement litigieux, notamment parce qu'ils contreviennent aux règles du PADDUC mais pas seulement. Cela nous a été refusé par l'Etat."
Les Corses, je vous le dis en vous regardant, peuvent avoir confiance en moi, et avoir confiance en nous, pour que nous fassions en permanence prévaloir l'intérêt général.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse
"Peut-être pouvons-nous faire mieux, reprend-t-il. Mais je n'accepte pas, en tant que président du Conseil exécutif, que nous soyons stigmatisés sur cet aspect-là où nous sommes irréprochables. Parce qu'au delà des textes et des techniques juridiques, il y a une question politique : est-ce-qu'aujourd'hui, quand moi, président du Conseil exécutif, je prends une décision, que ce soit dans le domaine de l'urbanisme, que ce soit dans le domaine des transports, que ce soit dans le domaine des déchets, dans n'importe quel domaine... Lorsque moi, président du Conseil, ou lorsque les élus de l'Assemblée de Corse votent, est ce qu'il y a quelqu'un qui vient nous dire à l'oreille, mafieux ou pas mafieux, tu vas faire comme ça ?"
"Moi je vous dis qu'il n'y a personne qui vient me tenir le bras, martèle-t-il. Et que les Corses, je vous le dis en vous regardant, peuvent avoir confiance en moi, et avoir confiance en nous, pour que nous fassions en permanence prévaloir l'intérêt général."
10h30 : La session extraordinaire de l'Assemblée s'est ouverte, avec un peu de retard, par un discours introductif tenu par Marie-Antoinette Maupertuis. La présidente de l'Assemblée de Corse parle d'une session "difficile, mais nécessaire".
"Oui, notre tâche sera difficile aujourd'hui. Mais il est de notre responsabilité collective de débattre des dérives qui portent atteintes à la vie humaine humaine, aux libertés sociales, et sapent toute idée de progrès", entame-t-elle.
Oui, il existe aujourd'hui en Corse une frange de la population, une petite frange de la population, qui fait passer ses intérêts avant ceux de la Corse.
Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse
"Oui, il existe aujourd'hui en Corse une frange de la population, une petite frange de la population, qui fait passer ses intérêts avant ceux de la Corse et qui empêche les uns d'entreprendre, les autres de développer, et parfois certains de respirer. Cela est suffisamment grave pour que nous en débattions."
Un discours directement suivi d'une retranscription des auditions préparatoires organisées au cours des dernières semaines avec les différents acteurs publics, élus, collectifs, associations, au sujet de la mafia et des revendications de lutte portées.
"Les termes ne font plus peur. Ce qui fait peur, désormais, c'est précisément cette mafia"
10h : "Tamanta strappata", il était temps. Un peu plus de trois ans après la création de Maffia nò a Vita iè, la tenue d'une session extraordinaire consacrée à la mafia à l'Assemblée de Corse, ce vendredi 18 novembre, est accueillie avec un enthousiasme non-dissimulé par Léo Battesti, l'un des membres fondateurs du collectif.
À quelques minutes de son ouverture, il se félicite d'une grande première en Corse, "et je crois même dans l'affaire institutionnelle française au sens global, qu'on tient une session sur la mafia. Cela prouve que les idées ont vraiment avancé, que les termes ne font plus peur. Au contraire, ce qui fait peur, désormais, c'est précisément cette mafia, et nous avons intérêt à nous organiser."
La tenue de ce débat - reporté à plusieurs reprises - avait été annoncée cet été par le président du Conseil exécutif, faisant suite à plusieurs demandes des deux collectifs antimafia insulaires, Massimu Susini et Maffia nò a Vita iè, ainsi qu’à une question orale posée par le groupe Core in Fronte.
Invités à assister en tribune au débat général, ce matin - sans pouvoir s'exprimer directement dans l'hémicycle -, puis aux ateliers d'échange sur diverses thématiques dans l'après-midi, les collectifs anti-mafia espèrent là une première étape, un point de départ vers la mise en place d'actions ciblées à l'encontre de cette grande criminalité qui frappe, selon eux, le territoire corse.
"Nous savons que la première condition, c'est la parole. Cette parole, nous l'avons pris, nous les collectifs, il y a 3 ans, un moment où la Corse se taisait complètement, évoquait à travers des euphémismes, voyou, etc... Non, il y a un système mafieux parce qu'il y a une porosité", insiste Léo Battesti.
Le but des collectifs anti-mafia, "c'est de ne plus exister"
Dans ce cadre, et alors que les services de l'Etat, invités, ne seront pas présents pour cette session extraordinaire, il indique regretter "les circonvolutions du parquet général à Bastia", quand le procureur général près de la cour d'appel de Bastia, Jean-Jacques Fagni, a reconnu des "méthodes mafieuses", sans parler de mafia.
"Ce sont eux qui ont toutes les armes régaliennes pour lutter, donc j'espère que ce ne sera que partie remise. Mais dans tous les cas, c'est très bien qu'il y ait une session. Beaucoup de gens sont sceptiques. Mais qu'il y ait cela, c'est bien, c'est un principe, c'est un symbole fort, et une crédibilité extraordinaire au combat qui est mené par des citoyens contre le système mafieux. Nous, notre but, c'est de ne plus exister. Nous n'avons pas d'autres visées, et nous n'avons rien à y gagner", conclut Léo Battesti.
Également invités - de dernière minute, 36 heures seulement avant son ouverture - à assister à la session, les membres de l'association de défense de l'environnement U Levante indiquent compter parler du sujet sur lequel ils sont spécialisés, à savoir l'urbanisme.
"Nous attendons un débat sur les problèmes qui sont la cause de la mafia. Nous parlons depuis plus de dix ans de l'existence d'une mafia en Corse, il est grand temps de l'aborder", insiste Michèle Salotti, porte-parole de l'association.