Le pape François est attendu à Ajaccio le 15 décembre. Un déplacement pour lequel plus de 100.000 personnes sont attendues... Mais qui n'enthousiasme pas tout le monde.
La venue du pape en Corse, une félicité pour tous ? "Quand je vois tous ces gens qui ne vont jamais à l'église, qui sont incapables de citer un passage de la Bible et qui ne connaissent même pas la moitié des dix commandements s'extasier à l'idée de voir passer le pape François, je ne comprends pas", souffle Anthony, la vingtaine. Attablé sur la terrasse d'un café de la place du marché de Bastia, ce jeune graphiste ne masque pas son désintérêt quant au passage du souverain pontife dans la cité impériale, le 15 décembre prochain.
"On parle littéralement d'un octogénaire qui va défiler dans un fauteuil roulant réaménagé. Si ça les intéresse à ce point-là, pas besoin de bloquer le centre-ville, il suffit de passer une tête en maison de retraite", grince-t-il, volontairement cynique.
Avant de - très légèrement - tempérer ses propos : "J'exagère peut-être un peu, mais le fond est quand même vrai : tout le monde se presse à l'idée de voir le pape sans réfléchir à ce que ça va vraiment leur apporter. Moi, je peux leur dire : rien du tout. Si ce n'est de l'argent en moins pour ceux qui ont pris des transports et la chambre d'hôtel, et des heures d'embouteillage pour partir et revenir. Tout ça pour voir un homme en blanc au loin et dire à la table du repas qu'on y était. Je ne sais pas, moi, ça me semble un peu ridicule."
Tout le monde se presse à l'idée de voir le pape sans réfléchir à ce que ça va vraiment leur apporter. Moi, je peux leur dire : rien du tout.
Un budget qui questionne
Pour Carole, 57 ans, plus que la démarche d'assister au loin à la déambulation de la délégation vaticane, au coude-à-coude avec les dizaines de milliers de personnes cherchant toutes à se tenir au plus près, c'est surtout le coût prévisionnel du déplacement qui lui semble démesuré. "J'ai lu que sa venue devrait représenter autour de 2 millions d'euros. 2 millions pour une seule journée, ce n'est pas rien pour un territoire comme la Corse."
Avec 18,3 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté (données Insee 2023), l'île est le territoire le plus pauvre de la France métropolitaine. "Les millions qu'ils veulent mettre dans une seule journée de promenade du pape, ils feraient mieux de les investir dans la population", râle Sauveur, employé dans la restauration.
Lui qui réside dans les quartiers Sud de Bastia et se dit régulièrement confronté aux fins de mois difficiles peste tout particulièrement contre l'appel aux dons passé par l'Eglise de Corse pour aider à financer ce déplacement pontifical.
Faire appel à la générosité des gens, c'est un peu indécent.
"J'ai du mal à payer mon loyer, mes voisins n'osent pas activer le chauffage et préfèrent grelotter parce qu'ils ont peur de la facture d'électricité, et on va venir nous demander de donner de l'argent pour le compte du Vatican, qui est bien assez riche comme ça ? Soyons sérieux." À côté de lui, Hana, sa compagne, acquiesce. "Faire appel à la générosité des gens, c'est un peu indécent".
Elle se définit comme croyante, mais pas pratiquante. Le pape, cela lui aurait "bien plu" de le voir à Ajaccio. Mais ça, c'était avant qu'elle découvre les invitations à mettre la main au porte-monnaie. "Et puis de toute façon, cette hérésie collective, ça ne m'attire pas. Me retrouver noyée parmi tous ces gens, non merci."
Les derniers résistants
Pour Antoine*, originaire de Haute-Corse, enfin, la venue du Saint-Siège en Corse est surtout synonyme de l'annulation de sa compétition de crossfit, qu'il avait pourtant, pour rester dans le thème, religieusement préparée, et qu'il attendait avec une certaine impatience. Manque de chance, celle-ci était planifiée de longue date à Ajaccio le même week-end que le passage, annoncé plus tard, du pape François. De quoi le faire grincer des dents.
Le trentenaire, de manière générale assez critique avec le fonctionnement des instances du Vatican, attend désormais le report de son événement sportif. Comme toutes les autres personnes interrogées, il restera chez lui, le 15 décembre, à défaut de faire l'aller-retour pour tenter d'apercevoir le pape. La folie papale n'atteindra donc pas tous les foyers insulaires.