Éternel militant politique dont le combat aura duré plus d'un demi-siècle, celui qui incarne les événements d’Aleria en août 1975, est décédé à l'âge de 84 ans ce vendredi à Ajaccio des suites d'une maladie. C’est ainsi qu’une page de l’histoire insulaire se tourne.
Sur twitter, sur son blog, « Edmond » comme beaucoup l’appellent en Corse, ne manquait jamais une occasion de commenter l’actualité.
Précarité, relations avec l’Etat, l’actualité en Corse, sur le Continent ou à l’étranger… rien ne lui échappait même à 84 ans.
Militant inépuisable de la cause corse, il est partisan d’une autonomie pour l’île. Humaniste, il est convaincu que seul le rapport de force politique et le dialogue permettront à sa cause d’avancer, il sera pourtant au cœur du drame d’Aleria en août 1975.
L’occupation d’une cave viticole par une vingtaine de militants de l’ARC, créée 8 ans plus tôt, se solde dans le sang. Deux gendarmes tués et un blessé grave parmi les occupants qui entendaient dénoncer « le scandale de la chaptalisation et la politique injuste de l’Etat au profit des rapatriés d’Algérie et au détriment des jeunes insulaires».
L’homme d’Aleria
Le discours prononcé à Corte quelques jours avant les événements d’Aleria par le charismatique Docteur Simeoni sera analysé comme un blanc-seing aux actions violentes qui ont déjà débuté avec des séries d’attentats et des velléités de franchir un cap de la part des militants étudiants.
Face à la fermeture affichée du gouvernement il affirmera à la tribune le 17 août 1975 sous un chapiteau bondé : « L’ARC peut offrir aujourd’hui au peuple corse, avec l’esprit de sacrifice au service d’une cause sacrée, la liberté et le sang de ses militants ».
Des propos prémonitoires qui allaient se vérifier quelques jours plus tard à Aleria puis durant 40 ans, après la création du FLNC. Dans son camp comme chez ses opposants ses positions sur la violence entre les actes et les discours lui vaudront de nombreuses critiques.
Edmond Simeoni fera d’ailleurs acte de repentance en 1987 au théâtre de Bastia sur les choix qui ont pu être les siens quant à la violence politique au cours de son parcours militant.
Il regrettera notamment la mort des deux gendarmes lors de l'assaut d'Aleria pour prôner de manière exclusive la lutte démocratique.
Le leader n'accèdera jamais au pouvoir
Il a côtoyé le pouvoir en étant élu plusieurs fois notamment à l'Assemblée de Corse (voir rappel ci-dessous) sans vouloir franchir le pas, sans pouvoir y accéder mais en ouvrant la voie à une autre génération bien des années plus tard.
Celle empruntée par son fils, Gilles - à la tête de la famille nationaliste dite modérée - qui mettra fin à la dynastie des Zuccarelli en remportant l’élection municipale de Bastia en 2014, puis détrônera Paul Giacobbi en 2015 plaçant pour la première fois l’union nationaliste à la tête de l’Assemblée de Corse. Edmond Simeoni fera d'ailleurs un discours au soir de la victoire dans les rues de Bastia.
Un parcours que son père a suivi de près, toujours militant, toujours critique et au commentaire avisé. Edmond Simeoni restera actif au sein de Corsica Diaspora, le réseau des corses de l’extérieur qu’il a crée en 2004, auquel il croyait beaucoup pour développer l’île.
La dernière reconnaissance pour le militant, c’était le 28 novembre de cette année avec le remise du prix Coppieters des mains du président Catalan Roger Torrent « pour son engagement politique ayant contribué à l’émancipation du peuple corse ».
Les hommages émanent de toutes parts pour saluer la mémoire d'Edmond Simeoni.
En 2016, lors d'un entretien exclusif donné à France 3 Corse ViaStella, il envisageait sa mort avec sérénité et imaginait l'héritage qu'il laisserait derrière lui. "Peut-être ce que l'on retiendra de ma vie, c'est une allergie totale à l'injustice".
L’homme, le militant autonomiste infatigable, n’aura pas vu de son vivant l’aboutissement de son combat pour l'île. Au-delà des clivages, il est considéré comme le père du nationalisme moderne, il fait indéniablement partie aujourd'hui de l’histoire de la Corse.
Edmond Simeoni en quelques dates...
Né en 1934 à Corte, il milite dès les années 60 pour la défense des intérêts de la Corse.
Pendant ses études de médecine à Marseille il rencontre Lucie, qui deviendra son épouse et la mère de ses deux enfants Marc et Gilles Simeoni. Il aura ensuite 5 petits-enfants.
1960, il crée l’Association des étudiants corses de Marseille pour protester contre l’expérimentation nucléaire prévue en Balagne, à l’Argentella.
1965, il s’installe à Bastia comme gastro-entérologue et continue à militer.
1967 il fait partie des fondateurs de l’Action Regionaliste Corse. L’ARC deviendra en 1973 Azzione per a Rinascita di a Corsica qui la même année s’oppose au déversement des boues rouges en Méditerranée.
Août 1975, il mène l’occupation de la cave d’Aleria.
Janvier 1977, il sort de prison après un an et 6 mois de détention.
1977, il participe à la création de l’Union du Peuple Corse – UPC.
1982, élu avec avec 6 autres nationalistes à la première Assemblée de Corse.
1983, il est élu conseiller municipal de Bastia. Un an plus tard, il démissionne après un infarctus.
1987, il participe à la création du collectif anti-raciste « Avà Basta ».
1992, il mène la coalition Corsica Nazione qui obtient 9 sièges à l’Assemblée de Corse mais démissionne dénonçant le poids trop important du FLNC sur l’union.
2004, il mène la coalition Unione Naziunale et obtient 17,34% des suffrages et 8 sièges.
2004, création de l’association Corsica Diaspora.