La qualité sans la quantité : au domaine viticole Montemagni, le raisin subit le changement climatique

A l'exploitation viticole Montemagni, les vendanges ont commencé depuis plusieurs jours déjà. La qualité du raisin est bonne, la quantité, en revanche, est moindre. Le résultat d'un facteur qui touche aujourd'hui toutes les exploitations de l'île : le réchauffement climatique.

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A Patrimonio, il n’est pas encore 9h et ce mardi matin, on s’active pour ramasser le raisin blanc. Le thermomètre affiche déjà plus de 25°C et au domaine Montemagni, pour éviter un pénible travail dû aux températures caniculaires, les vendangeurs se lèvent plus tôt. "On a décalé le ramassage de une, deux heures. La machine ramasse à 4h30 du matin", explique Aurélie Melleray, directrice technique sur le domaine. Au pied des montagnes s’étalent les 82 hectares de vignes de l’exploitation. Rosé, rouge, blanc et orange, ici, on produit quatre cépages principaux. Et cette année, la récolte porte ses fruits."On ne peut être que très heureux d’avoir une si jolie récolte, si saine", sourit Aurélie Melleray. 

Une récolte de belle qualité

Et pour cause : le printemps pluvieux a permis de fournir le feuillage des pieds de vigne, qui jouent un rôle non négligeable dans le développement des grappes. "On a un magnifique feuillage, décrit la spécialiste. C’est rare qu’à cette époque, le feuillage soit si vert. On a vraiment un écran foliaire important, ce qui permet de protéger les grappes du soleil, elles ne se dessèchent pas. Cela permet une très belle maturation. Ce qui fait une année exceptionnelle, c’est ce printemps qui nous a donné des pluies."

Dans ce domaine familial vieux de plus de 170 ans où quatre générations travaillent ensemble, 100% des pieds sont "bios". Par chance, les maladies qui accompagnent les météos humides comme le mildiou ou l’oïdium ont été évitées. "Vu qu’on est tout en bio, on a été plus que jamais vigilants. On devait tout le temps passer dans les vignes, vérifier, faire des surveillances, traiter s’il y avait des risques. On s’en est très bien sortis parce qu’on n’a pas eu d’oïdium ni de mildiou."  Laurent Bianchini, chef de culture, souligne l’avantage du lieu. "On a une région assez ventilée, sujette à moins de maladies. On a maintenu avec du souffre, juste en poudre". 

Mais des quantités réduites

C’est la vingtième année que la jeune femme, qui a fait des études agronomes à Corte et y enseigne, entre autres, l’œnologie, travaille dans l’exploitation. Aujourd’hui, elle se félicite de la qualité du raisin cette année, pourtant, le succès est en demi-teinte. Cette année sur ce clos, la quantité, notamment de raisin blanc, encaisse des pertes non négligeables. "Le froid du printemps, certains épisodes un peu venteux, font qu’on a très peu de récoltes. En blanc, on va être à moins 50%, ce qui est historique", se désole-t-elle. "Il va falloir sélectionner les marchés puisqu’on aura beaucoup moins." Sur le rouge ou le rosé, les chiffres sont moins affolants mais la directrice technique craint des quantités diminuées de "20, 25%".  "Au niveau de la floraison, on n’a pas eu la sortie attendue", détaille-t-elle.

Autre souci cette année, les grains sont bien moins juteux que d’habitude, il faut donc plus de quantité de raisin pour produire le même nombre de bouteilles. "Les peaux sont très épaisses", décrit Aurélie Melleray. Le résultat, selon elle, du réchauffement climatique. "La plante se défend, il y a moins de pulpe et la pulpe est bien gélatineuse, c’est qu’elle est très riche en pectine. C’est embêtant pour la clarification."

Le réchauffement climatique, un élément perturbateur de plus en plus pesant

Depuis plusieurs années, le domaine essuie les revers du changement climatique, et cette saison ne fait pas exception. "Le raisin mûrit de manière très rapide, en accéléré. Les maturations se sont emballées cette année", explique Aurélie Melleray. Alors que les clients sont de plus en plus demandeurs de "vins légers", dans l’exploitation, les salariés ont travaillé le feuillage pour favoriser la protection des grappes. Ils ont aussi commencé les récoltes plus tôt, le 7 août contre le 9 août l’an dernier, pour "conserver des degrés corrects et pas trop hauts" ainsi que "des acidités naturelles".

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Aurélie Melleray, directrice technique au domaine Montemagni, dresse un premier état des lieux de la récolte de raisin sur l'exploitation. ©Colette Aubert - France TV

Aujourd’hui, Aurélie Melleray tire la sonnette d’alarme : impossible lors des vendanges de prévoir quelles parcelles vont mûrir en premier, et pas le choix, "il faut être très réactif" dans le ramassage des grappes. "On va scinder les équipes, regrette Aurélie Melleray. On préfère faire une journée une couleur mais là on va devoir rentrer deux ou trois types de produits dans la même journée pour vraiment cueillir à maturité." "Aujourd’hui, c’est au jour le jour. On passe dans les vignes, on quadrille la vigne, on prélève le raisin, on mélange et on broie tout, et on voit à peu près le sucre potentiel qu’il y a dans le raisin", complète Laurent Bianchini.

Au total, au printemps pour la préparation des vignes et cet été pour les récoltes, huit personnes supplémentaires ont été embauchées sur l’exploitation pour répondre aux besoins. Heureusement, une variable limite (un peu) l'impact du réchauffement climatique ici : "le sol plutôt calcaire de Patrimonio, qui "éponge" l'eau" selon Aurélie Melleray. "On s'en sort mieux que sur un terrain granitique", affirme la directrice technique. 

A priori, un bon millésime cette année

Au domaine Montemagni, les vendanges devraient durer encore "quatre semaines" environ selon Laurent Bianchini. Mais les calendriers ne sont pas les mêmes dans toutes les exploitations. Dans certaines, elles commencent tout juste. Selon Nathalie Uscidda, directrice générale du Centre de Recherche Viticole de Corse (CRVI), par rapport à 2022 dans l’ensemble, "la maturité des raisins est plus tardive de 10 à 15 jours." La production, elle "semble satisfaisante". "Si les conditions météo restent clémentes, on devrait avoir un très joli millésime", affirme Nathalie Uscidda.

Toutefois, la directrice générale plaide la prudence. "En Corse, il y a une grande diversité de terroirs et de cépages", et donc autant de résultats possibles selon les exploitations." Pour l’instant, le CRVI ne veut pas tirer de conclusion hâtive. "Les vendanges sont toujours dépendantes des conditions météorologiques. On aura les véritables chiffres quand tout le monde aura récolté."

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