Malgré son avance acquise au premier tour, François Filoni a dû s'avouer vaincu face à Paul-André Colombani dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud. Cependant, le score du délégué territorial du RN le conforte dans sa position de leader du parti d'extrême droite dans l'île. Retour sur son parcours politique.
Les 16 509 voix obtenues ce dimanche 7 juillet par François Filoni dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud n'auront pas suffi à lui ouvrir les portes de l'Assemblée nationale.
S'il avait, au premier tour, devancé de plus de 3 300 voix le député sortant, Paul-André Colombani, le candidat du Rassemblement national est cette fois distancé de 7 460 voix par l'autonomiste.
"Je ne vois pas ce résultat comme un échec, a-t-il réagi ce dimanche soir à notre micro. Je le vois de manière positive : je fais 13 600 voix au premier tour, je passe à 16 500 au second. Cela signifie que j'ai une progression. C'est un mouvement qui est jeune en Corse. Il faut être réaliste : en face de moi, j'avais quand même le député sortant - que je félicite pour son élection - et un attelage avec toutes les composantes qui existent en politique. Ce n'est donc pas un pari perdu. On est dans une progression phénoménale par rapport aux premières élections législatives où on faisait 2 ou 3%. On devient le premier parti de Corse. On est en train de s'enraciner au niveau local. On en a fait la démonstration."
Fort de son avance au soir du premier tour, François Filoni aurait pu espérer signer la plus belle victoire de sa carrière politique qu’il avait pourtant commencée à l’opposé de l’échiquier. C’était en 1984, lorsque l'enfant des Salines, à Ajaccio, s’était présenté à une élection cantonale sous la bannière rouge du Parti communiste.
"C'était une première incartade dans ce domaine-là, mais on me le reproche encore aujourd'hui", nous avait-il confié en juin 2021 à l’occasion d’un portrait que nous lui avions consacré.
Une première apparition sur la scène politique insulaire qui en appellera beaucoup d’autres pour l’ancien agent EDF de la centrale du Vazzio, une entreprise au sein de laquelle il s’est aussi employé à défendre les salariés, d’abord dans les rangs de la CGT.
Son portrait réalisé par Marie-France Giuliani :
En parallèle de son engagement syndical, qui le verra prendre part activement aux grandes grèves de 1989 dans l’île - et siéger pendant 22 ans en tant que juge prud’homal (un record) avec l’étiquette CGT, FO puis CFTC -, François Filoni va d’abord connaître plusieurs revers électoraux : aux Municipales de 1995 en tant que candidat d’une liste de "gauche progressiste", puis aux Législatives de 1997, aux Municipales partielles de 2000 et aux Législatives de 2002. Trois scrutins où il porte la démarche "d’une gauche 100% républicaine" pour le Mouvement des Citoyens de Jean-Pierre Chevènement.
Désaccords et basculement
Entre-temps, en mars 2001, à Ajaccio, il fait partie de la liste d'union de la gauche conduite par Simon Renucci qui s'empare de la maison carrée. François Filoni fait ainsi son entrée au conseil municipal.
Deux ans plus tard, en désaccord avec la majorité ajaccienne, il quitte ses fonctions et fonde son parti Ajaccio Énergie. Une étape qui marque un premier basculement à droite pour celui qui se présente alors comme un candidat "anti-système et anti-clientélisme". Un leitmotiv qu’il défendra aux Municipales de 2008 et 2014 dans la cité impériale. En vain. Il ne convaincra pas plus de 7 % des électeurs sur les deux scrutins. Dans cet intervalle, il avait envisagé en 2010 une candidature aux élections territoriales avec Jean-François Baccarelli sur une liste écologiste, avant de finalement renoncer.
La Municipale de 2014 ayant été invalidée à Ajaccio, il confirme son ancrage à droite en rejoignant la liste de Laurent Marcangeli, alors à l’UMP, pour le scrutin de 2015.
Élu maire d’Ajaccio, ce dernier le nomme adjoint à la propreté urbaine et à la police nationale. Une mission au cours de laquelle François Filoni n’aura de cesse de dénoncer l’incivisme. Cependant, il ne l’assurera pas jusqu’à son terme : de nouveau en rupture avec la majorité, il démissionne en 2018.
Vers le Rassemblement national
C’est à la suite de cette nouvelle rupture qu’il se rapproche du Rassemblement national. En mars 2020, toujours à Ajaccio, il obtient 4,48% voix aux Municipales sur une liste sans étiquette soutenue par le RN et sa présidente d'alors, Marine Le Pen. Un énième changement de cap qu’il décrit alors comme un "choix sociétal" et qui lui vaudra quelques commentaires acerbes de la part ses détracteurs, certains louant, ironiquement, "ses facultés d'adaptation remarquables".
"Son parcours politique décrit pertinemment ce qu'il est, soit une forme d'instabilité, nous avait confié en 2021, sous couvert d'anonymat, un homme un temps au premier plan de la vie politique insulaire. C'est quelqu'un de surprenant qui sait faire le meilleur comme le pire. Il ne manque pas de qualités pour être altruiste, mais il manque de structuration et aujourd'hui les gens ont besoin de cohérence. Mon sentiment envers lui oscille entre indulgence et incompréhension."
"J’assume complètement mon parcours", nous avait alors répondu François Filoni, qualifiant les attaques à son encontre de "caricatures".
"Il est persévérant et tourné vers les autres, disait de lui Nathaly Antona, sa fidèle alliée du Rassemblement national dans l'île, décédée le 18 juin dernier, après avoir été élue sur la liste du RN aux Européennes. Les gens qui le critiquent ne le connaissent pas et ne savent pas ce qu'il a fait, ni ce pour quoi il s'investit, bien souvent de manière gracieuse que ce soit pour les gens, sa ville et maintenant pour son île. Il a de très bonnes idées, parfois un peu en avance sur son temps et c'est ce qui crée une incompréhension chez les gens."
Constante progression
Ces quatre dernières années, François Filoni s'est inscrit comme le relais de Marine Le Pen et Jordan Bardella dans l’île.
Décrit par ses soutiens comme "autodidacte et endurant", l'homme de 66 ans, qui avait enfilé la veste de délégué territorial du RN en Corse, n’a cessé de battre le pavé dans les quartiers populaires de la deuxième circonscription du Pumonti.
Des Salines à Ajaccio à Pifano à Porto-Vecchio, il tracte, affiche et délivre les messages de son parti axés sur la justice sociale, l’immigration et l’insécurité. Sans oublier de rappeler que le RN est opposé à toute évolution institutionnelle de l'île. Un paradoxe dans une région où les autonomistes ont été reconduits à trois reprises au pouvoir depuis décembre 2015.
Son engagement, dopé par les scores de son parti au niveau national, a également progressivement trouvé un écho dans les urnes en Corse : depuis les 4,25% obtenus aux Territoriales de 2021 sous l’étiquette du Rassemblement national, les résultats de François Filoni sont en constante progression dans une région où sa formation politique est arrivée en tête des Présidentielles en 2022 puis des récentes Européennes.
Pour le parti d'extrême droite, dans l'île, il ne restait plus qu’à confirmer ces scores-là lors d’un scrutin uninominal où l'implantation locale est déterminante. Celle de François Filoni, bien que solide, n'aura donc pas suffi, face à un député sortant qui a bénéficié de l'appel à faire barrage au Rassemblement national.