Semi-liberté d'Alain Ferrandi : la demande rejetée en appel

Ce mardi, la cour d'appel antiterroriste de Paris a rejeté la demande d'aménagement de peine formulée par Alain Ferrandi. C'est la deuxième fois que cette juridiction statue contre le projet de semi-liberté du détenu corse condamné pour l'assassinat du Préfet Erignac.

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Ce mardi, la demande d'une semi-liberté probatoire à une libération conditionnelle d'Alain Ferrandi a été refusée par la cour d'appel antiterroriste de Paris.

"Suivant les réquisitions du procureur général de Paris, la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris a, ce jour, infirmé la décision rendue en première instance et rejeté la demande d'aménagement de peine formulée par Alain Ferrandi", indique dans un communiqué le Parquet général de la cour d'appel de Paris.

Contactée en fin de matinée, Françoise Davideau, avocate d'Alain Ferrandi, a réagi à cette décision de justice : "Faute d'arguments, c'est la Loi du Talion qui est appliquée pour une décision pernicieuse et perverse reposant essentiellement sur les conséquences de l'assassinat de monsieur Colonna et, plus généralement, sur des risques de violences futures en Corse. En fait, la libération de monsieur Ferrandi dépend de la situation socio-économique de l'île dont il est donc responsable de là où il est depuis 24 ans...

Initialement, cette décision avait été mise en délibéré au 19 mai avant d'être prorogée à ce mardi 24 mai.

En première instance, le 24 février dernier, le tribunal d'application des peines antiterroriste (Tapat) avait donné son accord au projet de semi-liberté du détenu corse condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac. Dès le lendemain, le Parquet national antiterroriste (Pnat) avait fait appel de cette décision, suspendant de facto sa mise en application.

"Trouble grave à l'ordre public"

Dans son arrêt rendu ce mardi, la cour d’appel antiterroriste a motivé sa décision en soulignant le fait que "la libération conditionnelle d’Alain Ferrandi était susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public". 

En guise de justification, il est fait référence aux manifestations émaillées de violences survenues en Corse à la suite de l'assassinat d'Yvan Colonna à la centrale d'Arles, le 2 mars dernier.

Pour la juridiction d'appel, "ces événements ont été marqués par la réapparition de revendications autonomistes menaçantes, particulièrement hostiles à l'autorité de l'État et Yvan Colonna a été érigé en un véritable héros de la cause nationaliste." 

En fin d'après-midi, dans un communiqué, Maître Davideau, avocate d'Alain Ferrandi, est revenue sur ces motifs : "Il ne faut pas manquer d’audace pour lui opposer les défaillances de l’État ayant conduit à l’assassinat d’Yvan Colonna, instrumentaliser de façon spécieuse les émeutes qui s’en sont suivies, les difficultés et inefficiences des "dialogues" entre la Corse, les élus et les pouvoirs publics, l’autonomie proposée par les représentants de l’État eux-mêmes. Ce qui constitue un barbarisme juridique et judiciaire en termes d’aménagement de peine. C’est une dérive inacceptable qui viole très gravement les droits de l’homme, et qui inquiète."

Pour l'avocate inscrite au barreau de Paris, cette décision revêt "un caractère strictement politique" et "repose sur les événements "violents" postérieurs au jugement du Tapat, survenus en conséquence de l’assassinat d’Yvan Colonna".

Une note des renseignements

Le jugement de première instance concernant l'aménagement de peine d'Alain Ferrandi était intervenu le 24 février, avant l'agression mortelle d'Yvan Colonna à la centrale d'Arles. 

À l'audience, le Tapat avait donné son accord à son projet de semi-liberté en arguant que "le trouble à l'ordre public que serait susceptible de causer cette libération conditionnelle ne saurait se confondre avec l'opinion publique". Il était notamment écrit que "même s'il est incontestable que M. Ferrandi peut représenter malgré lui un symbole politique pour certains (...), il ne peut se voir refuser un aménagement de peine au regard de cette hypothèse qui lui est extérieure, dès lors qu'il a à titre personnel évolué, critiqué son acte et profondément remis en cause la nature du combat qu'il a mené". 

De plus, le Tapat avait mis en avant deux expertises récentes et deux évaluations pluridisciplinaires du Centre National d'Evaluation (CNE) qui "écartaient l'éventuelle dangerosité actuelle" du détenu corse. 

Ce mardi, les juges de la cour d'appel sont allés à l'encontre de ces arguments de première instance.

Ils ont également mentionné une note des services de renseignements datant du 15 juin 2021 et faisant état "de la résurgence de mouvements nationalistes à compter de 2019, avec l'apparition de plusieurs groupes clandestins, voire de commandos armés, (...) alors qu'en 2014, le FLNC (Union des combattants) avait déposé les armes, entamé un processus de démilitarisation et une sortie progressive de la clandestinité". Et d'ajouter : "ces événements constituent la parfaite démonstration des craintes évoquées par la présente chambre dans l'arrêt du 9 janvier 2020 (première demande refusée à Alain Ferrandi, ndlr), dont la motivation parait toujours pertinente car ils ne révèlent pas seulement la colère et l'indignation des citoyens corses mais ils révèlent aussi l'intensification et le durcissement d'un courant nationaliste justifiant des actions violentes pour arriver à ses fins".

En première instance, ces événements évoqués par le procureur de la République antiterroriste avaient été qualifiés de "sporadiques". Pour le Tapat, ils "étaient sans aucun rapport avec la situation politique en Corse en 1998", au moment de l'assassinat du préfet Erignac. Et de souligner que "la libération aujourd'hui de M. Alain Ferrandi ne la troublera pas davantage que celle des autres personnes condamnées dans cette affaire, puis libérées". 

Deuxième refus

Conditionnable depuis le 25 mai 2017, date de la fin de sa peine de sûreté, Alain Ferrandi (61 ans) s'était déjà vu refuser son projet de semi-liberté une première fois.

Fin mai 2019, une demande similaire avait été rejetée en première instance par le tribunal d'application des peines. La décision avait été ensuite confirmée en appel en janvier 2020. Là aussi, le "risque de trouble à l'ordre public" faisait partie des motifs de l'arrêt rendu par la cour d'appel antiterroriste.

Le projet présenté par Alain Ferrandi prévoyait déjà un travail en journée et un retour le soir à la prison de Borgo où il est désormais détenu avec Pierre Alessandri depuis le 11 avril.

Réclamé de longue date par les deux hommes auparavant incarcérés à la centrale de Poissy (Yvelines), leur rapprochement au centre pénitentiaire de Borgo était intervenu après la levée de leur statut de DPS (Détenu particulièrement signalé). Celui-ci avait été prononcé par le Premier ministre dans un contexte marqué par de vives tensions dans l'île à la suite de l'agression mortelle d'Yvan Colonna.

Troisième demande pour Pierre Alessandri 

Lui aussi condamné à la réclusion criminelle à perpétuité dans cette même affaire, Pierre Alessandri (63 ans) est également conditionnable depuis cinq ans.

Le 12 mai dernier, son projet de semi-liberté a été accepté en première instance avant que le parquet national antiterroriste (PNAT) ne fasse immédiatement appel de  la décision, suspendant là aussi sa mise en application.

C'est la troisième fois que Pierre Alessandri dépose une demande similaire devant le tribunal d'application des peines antiterroriste. Les deux premières avaient été acceptées en première instance avant d'être, elles aussi, contestées par le Pnat puis infirmées en appel.

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