L'Assemblée nationale a adopté mardi soir, après plus de quatre heures de vifs débats entre la gauche et l'UMP, le principe de l'expérimentation de salles de consommation de drogue à moindre risque, communément appelées "salles de shoot". Avec Bordeaux et Paris, Strasbourg a décidé de se lancer.
La salle sera située dans l'enceinte de l'hôpital civil. Sa gestion est confiée à l'association Ithaque qui accueille depuis vingt ans les personnes dépendantes à la drogue.
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Le reportage de R. Dinckel - P. dezempte - X. Chatel. Interviews : Danièle Bader-Ledit\
Directrice Ithaque - Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg chargé de la santé - Philippe, 36 ans - Mohamed, 54 ans
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©F3 Alsace
L'Assemblée nationale vote la possible expérimentation de "salles de shoot" 2015
L'Assemblée nationale a adopté mardi soir, après plus de 4 heures de vifs débats entre la gauche et l'UMP, le principe de l'expérimentation de salles de consommationde drogue à moindre risque, communément appelées "salles de shoot", pendant six ans maximum. Soutenu par tous les groupes de gauche, l'article 9 du projet de loi de modernisation du système de santé, porteur de cette mesure, a été adopté par 50 voix contre 24, en première lecture.
"Aidez plutôt les toxicomanes à guérir qu'à s'autodétruire", a lancé le député UMP de Paris Philippe Goujon, son collègue Yannick Moreau déclarant que , "si on osait, on pourrait même appeler +antichambres de la mort+" ces "salles de shoot". Ces salles, déjà expérimentées dans une dizaine d'autres pays (la plus ancienne en Suisse a été créée il y a trente ans), sont destinées à des toxicomanes majeurs précarisés, qui se droguent dans des conditions d'hygiène précaires, souvent dans la rue ou des halls d'immeuble, selon la majorité.
"Des gens qui ont disparu des radars de notre société" et échappent à tous les dispostifs existants, selon la présidente PS de la commission des Affaires sociales Catherine Lemorton, pharmacienne de profession "avec 15 ans d'expérience dans un réseau de réduction des risques à Toulouse". Outre une réduction des risques liés aux injections (infection au VIH, hépatite C...) et une amélioration de l'accès aux soins des usagers de drogues les plus marginalisés, ces salles ont aussi entre autres objectifs une diminution des nuisances dans l'espace public.
Il s'agira de locaux gérés par les professionnels des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogue (Carrud), où sera autorisée la consommation des substances illicites apportées par ces toxicomanes dans la limite de leur consommation, sous la supervision d'une équipe pluridisciplinaire, avec des professionnels de santé et du secteur médico-social. Les toxicomanes détenant pour leur seul usage et consommant des stupéfiants dans ces salles ne pourront être poursuivis pour usage et détention illicite. De même, les professionnels intervenant dans ces salles ne pourront pas être poursuivis pour complicité d'usage illicite de stupéfiants notamment, s'ils agissent conformément à leur mission de supervision.
Le coût de ces salles est estimé à environ 800.000 euros par an, si l'on se base sur le projet d'expérimentation parisien, a indiqué la ministre de la Santé Marisol Touraine, soulignant face aux critiques de la droite que le gouvernement consacrait par ailleurs 388 millions d'euros par an à la prévention et à la lutte contre les addictions. L'UMP, qui a défendu moults amendements de suppression et prôné plutôt sevrage et abstinence, a dénoncé ces salles comme inefficaces à diminuer le nombre de toxicomanes ou à les sortir de leur addiction, comme Bernard Debré, médecin de profession.
Le groupe, qui les a considérées comme un feu vert à de "paradis artificiels officiels" et "une première marche vers la dépénalisation" de la drogue, a alerté sur des risques de possibles overdoses à l'intérieur et de "zones de non droit" à l'extérieur. Ses orateurs ont aussi reproché à la majorité de vouloir de se donner "bonne conscience" mais aussi de faire preuve de contradiction, après avoir "stigmatisé l'alcool et le tabac" par de précédentes mesures de ce projet de loi débattues la semaine dernière. La députée FN Marion Maréchal-Le Pen a critiqué un "signal catastrophique envoyé à la population française puisque l'Etat va organiser une violation de la loi". "Arrêtez de vouloir faire peur: il ne s'agit nullement d'ouvrir des salles partout en France pour toujours, mais de répondre à des réalités", a lancé la "députée de la gare du Nord" Seybah Dagoma (PS). Outre Paris, deux autres villes pourraient utiliser cette possibilité.
L'écologiste Jean-Louis Roumégas, qui a affirmé avoir récemment vu en pleine après-midi à Montpellier deux personnes se droguant derrière une voiture, avec des seringues à même le sol, a défendu une mesure "pragmatique". Quant au gouvernement, sa position contre "la dépénalisation des drogues douces n'a jamais varié depuis 2012", a assuré la ministre.