Ils sont juges consulaires depuis cette semaine. Quelles affaires jugent-ils quand ils siègent à la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg ? Qui sont les 12 nouveaux juges ? Explications à travers le portrait de deux de ces 12 juges, Julie et Axel.
Julie Simon a 33 ans, elle est gérante d'une société à Haguenau, dont dépendent deux salons d'esthétique, et elle a quatre salariés. Elle a un DUT de carrières juridiques. Mais cela ne lui suffit pas: à 30 ans, elle a décidé de reprendre ses études de droit. Elle prépare maintenant son master de droit, tout en continuant son travail. Elle est aussi assesseure au tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) de Strasbourg depuis quatre ans.
Une fonction bénévole qui lui permet de rester dans le droit en jugeant des rentes d'invalidité, d'incapacité et des accidents du travail. Et ce n'était toujours pas assez, la voilà donc juge consulaire de la chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg, une fonction également bénévole. Elle a été installée dans cette nouvelle fonction jeudi 25 janvier, lors de la rentrée judiciaire, au côté des onze autres nouveaux juges consulaires et de trois anciens juges consulaires.
L'audience
Une audience commerciale a lieu en présence de deux juges consulaires non professionnels et d'un juge professionnel (un magistrat du TGI). Le nombre impair permet de pouvoir trancher en cas de désaccord des juges. Pour les procédures plus complexes de redressement ou de liquidation judiciaire, leur tâche c'est de juger le dossier et de superviser aussi la procédure pour le compte de la justice en rendant des ordonnances : c'est-à-dire que les juges vont décider par exemple de la vente de biens ou de locaux appartenant à une entreprise en faillite, ou ils vont devoir trancher en cas de contestation des créanciers de l'entreprise.15 juges consulaires cette année
C'est un peu le hasard, si cette année, ils sont quinze à prendre cette fonction. Les élections de juges consulaires ont lieu tous les deux ans à Strasbourg et généralement ce sont 4-5 juges qui sont élus à chaque fois. Mais là, des départs prématurés ont augmenté le nombre de juges élus. C'est assez exceptionnel que 15 juges consulaires prennent leurs fonctions en même temps. Ils partent pour une mandature de quatorze ans, c'est-à-dire deux ans de formation puis trois mandatures de quatre ans. Trois juges sur les 15 ont déjà terminé une première mandature de quatorze ans : après une césure de deux ans, les voilà qui repartent pour quatorze ans à la chambre commerciale. Mais ce seront les derniers. Une loi de 2016 interdit désormais de rester plus de quatorze ans dans une même juridiction.
Julie Simon est très heureuse d'être juge consulaire, elle peut ainsi entrer encore un peu plus dans ce monde judiciaire qu'elle affectionne tout particulièrement.
Axel Sitruk a 42 ans, et c'est la première fois qu'il se porte candidat. Il est donc élu juge consulaire pour la première fois aussi. Ingénieur Systèmes et Réseaux, il est co-gérant d'une société d'informatique, Sylaxe, située Port du Rhin, à Strasbourg, créée en 2006. Il emploie diz personnes. Il est membre du syndicat patronal CPME depuis 3 ans, et son syndicat a demandé à ses adhérents de se porter volontaire pour cet engagement judiciaire, et l'idée lui a plu. Il mesure la grande responsabilité qui lui incombe.
Election
Les nouveaux juges consulaires ont été élu au mois d'octobre 2017, par un collège composé de juges consulaires en exercice et d'anciens juges, environ 90 personnes, selon Jeannot Klein, président de la compagnie des juges consulaires. Sont éligibles les femmes et les hommes de plus de 30 ans, inscrits comme dirigeants d'entreprise au registre du commerce et des sociétés ou alors salariés cadres dans une grande entreprise.
Formation
Les deux premières années ils seront surtout en formation. L'Ecole nationale de la Magistrature (ENM) de Bordeaux se déplace à Strasbourg pour leur dispenser une journée de formation par mois environ. La formation est très proche de celle qu'ont suivie les magistrats professionnels. Ils seront amenés, dès à présent, à rendre la justice commerciale (litiges et contentieux commerciaux). Par contre, ils devront attendre deux années de plus pour pouvoir être présent dans les procédures collectives, c'est-à-dire les sauvegardes, redressements ou liquidations judiciaires. Cette deuxième partie de leur mission leur permettra d'avoir le titre de juge commissaire. La charge de travail sera alors plus forte, environ une journée de travail par semaine. Il leur faudra à la fois être présent aux audiences (réparties entre tous les juges consulaires) et étudier les dossiers avant le jugement.Spécificités en Alsace et en Moselle
Il y a 134 tribunaux commerciaux en France et sept juridictions échevinées en Alsace et en Moselle. C'est un héritage du droit allemand, conservé dans le droit local au 19e siècle : en Alsace et en Moselle, ce sont les chambres commerciales des Tribunaux de Grande Instance qui jugent les affaires commerciales, contrairement au reste de la France qui dispose de Tribunaux commerciaux. Et l'échevinage signifie qu'un juge professionnel siège à côté de deux juges non professionnels. Alors qu'ailleurs en France, ce seront donc trois juges consulaires, tous bénévoles et non professionnels, qui jugent ces affaires. Les juridictions échevinées sont au nombre de sept : Mulhouse, Colmar, Strasbourg, Saverne, Metz, Sarreguemines et Thionville. Autre différence, les procédures sont écrites en Alsace-Moselle alors qu'elles sont orales dans le reste de la France, c'est-à-dire que seuls les documents rédigés sont pris en compte dans les juridictions échevinées, et les plaidoiries viennent en plus de ces documents uniquement.Enfin, les élections de juges consulaires ont lieu tous les ans. Mais à Strasbourg, et uniquement dans ce TGI, elles ont lieu tous les deux ans. Une spécificité strasbourgeoise supplémentaire...