Femme, médecin, déportée et résistante, Adélaïde Hautval a reçu la médaille des Justes, mais reste une figure peu connue. Daniel Cling lui consacre un documentaire, à voir en replay sur France 3 Grand Est. Voici trois bonnes raisons de le regarder.
Adelaïde Hautval n'a pas l'exposition médiatique qu'elle mérite. Le réalisateur Daniel Cling vient réparer cette lacune et nous livre un documentaire biographique sur cette femme médecin, psychiatre, déportée au camp d'Auschwitz-Birkenau, qui a su s'opposer aux ordres des nazis. Voici trois bonnes raisons de voir son documentaire "Adélaïde H, une résistante alsacienne" diffusé sur France 3 Grand Est en replay. https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/emissions/france-vrai-0
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1. Parce que le temps des femmes est venu
Oui, il est grand temps de citer, au milieu de tous ces héros masculins, les figures féminines qui ont su résister à la barbarie nazie lors de la Seconde Guerre Mondiale. Déjà la panthéonisation de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz avait rappelé que le combat contre le IIIe Reich n'était pas qu'affaire d'hommes; il est toujours heureux d'évoquer et d'évoquer encore, celles qui ont participé à la résistance. Parmi ces femmes d'exception, Adélaïde Hautval, médecin psychiatre, déportée pour s'être interposée, en prison, entre une famille juive et des soldats brutaux. Une réaction humaine, courageuse face à la malveillance ordinaire en temps de guerre. Un simple geste de secours, dont peu de gens furent capable, chacun tentant de se protéger tant bien que mal, dans cette terrible période. "Puisque vous les défendez, vous partagerez leur sort.", lui dit alors un officier nazi. Il lui fit coudre sur son manteau un substitut à l'étoile jaune sur lequel était inscrit : "amie des juifs".
2. Parce qu'il faut montrer les actes de rébellion positifs
Adelaïde Hautval, appelée Haïdi par ses proches, a peu témoigné sur son vécu dans les camps. Les membres de sa famille, qui témoignent dans le documentaire de Daniel Cling, ne s'en plaignent pas, pourtant ils regrettent de ne pouvoir combler les vides dans le récit de la vie de leur parente. Peu de paroles, juste des actes. Un modèle qui devrait en inspirer plus d'un.
La femme médecin, réquisitionnée au camp d'extermination d'Auschwitz Birkenau a tenu tête aux médecins nazis, qui lui demandaient de participer à leurs expériences sur les déportés. Même face au terrifiant Josef Mengele, elle a su dire non. C'est ce qu'elle est allée expliquer à Londres, au procès du docteur Dering en 1964, dans un des rares témoignages qu'elle ait fait. Forte de ses convictions humanistes, elle suivait simplement une ligne de conduite intègre, sans se soucier de son propre sort. Par conséquent, elle était capable de refuser les ordres nazis, ce que le docteur Dering, déporté également n'a pas été capable de faire. Son petit-neveu Christophe Keller conclut "Elle était la preuve vivante qu'il y avait toujours un choix et que même en risquant sa vie, on pouvait toujours dire non." Elle dira un peu plus tard : "Je suis convaincue que tous les actes terribles dans le monde débutent par de simples actes de lâcheté. Sauf exception de l'ordre de la dégénérescence mentale, on ne devient pas une brute, un tortionnaire du jour au lendemain." Les petites gouttes de lâcheté qui deviennent des fleuves de cruauté.
3. Parce que l'Histoire peut bégayer
Et qu'il faut des voix comme celle d'Haïdi pour l'en empêcher. Lorsqu'à Paris, le 17 octobre 1961, la répression policière se déchaine sur la manifestation des travailleurs algériens, la femme engagée y reconnaît les mécanismes de la répression d'état, les mêmes rouages utilisés par le IIIe Reich. Ceux-là même qui provoquait la déportation des juifs sous le régime de Vichy. Elle réagit alors : "Le refus de tirer des leçons de ce qui était arrivé ne pouvait que permettre au crime de renaître. Il y a dix ans encore, ce qui se passe actuellement chez nous aurait été impensable. Qu'il est donc difficile et douloureux de voir la consécration presqu'officielle de tels crimes, de se résoudre à admettre que le mal est chez nous, dans notre propre maison."
On ne peut s'empêcher de se demander ce qu'elle dirait face à l'actualité contemporaine.