Alsace : des viticulteurs exclus de l'appellation riesling, une pétition est lancée

Depuis le 1er août 2023, seuls les vins secs peuvent encore être étiquetés riesling, en Alsace. La modification du cahier des charges de l'appellation doit offrir une meilleure visibilité aux consommateurs, mais provoque la colère de nombreux vignerons, dont Pierre Gassmann. Il a lancé une pétition.

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Le décret a été publié au Journal Officiel, le 1er août (voir ce lien, page 14) : "les vins d'Alsace, susceptibles de bénéficier de la dénomination en usage "riesling" présentent, après fermentation, une teneur en sucres fermentescibles (glucose et fructose) inférieure ou égale à 4 grammes par litre". Autrement dit, un vin "demi-sec", "moelleux" ou "doux" ne peut plus être appelé riesling. 

Cette modification du cahier des charges de l'appellation avait été votée lors de l'assemblée générale de l'association des viticulteurs d'Alsace (AVA) en mars 2022. Son président, Gilles Ehrhart, avançait à l'époque un "besoin de lisibilité et d’affirmation de ce que sont nos rieslings", alors même que peu de temps auparavant, un autre décret obligeait les étiquettes à afficher les termes "sec", "demi-sec", "moelleux" ou "doux". Cela vaut désormais pour tous les cépages, mais plus pour le riesling, donc, obligatoirement sec.

Une "aberration", que veut dénoncer Pierre Gassmann, vigneron à Rorschwihr. Pour lui, la mesure ne sert que les "intérêts industriels", sans tenir compte du lieu de production, de la nature géologique du terroir ou du mode de mise en marché. Le Synvira, syndicat des vignerons indépendants qui représentent deux tiers des vinificateurs en Alsace, avait d'ailleurs voté à l'unanimité contre. 

Une "négation" de l'histoire du riesling en Alsace

"On est face à un vrai choix, affirme Pierre Gassmann : soit on opte pour un vin standardisé, soit on défend une identité. Nous, nous tenons à faire des vins de lieu, avec une identité et un caractère. Cela nécessite évidemment beaucoup d'efforts : pour avoir des vins complexes aromatiquement et gustativement, il faut un raisin naturellement riche en antioxydants. On le cueille donc mûr, quand la vigne est jaune. Par conséquent, c'est très compliqué de faire naturellement du vin sec. Les coopérateurs, eux, préfèrent vendre chaque année le même produit, récolté tôt et poussé à l'aide de levures, c'est beaucoup plus facile. C'est David contre Goliath."

"Le monde entier nous envie et nous, on casse tout"

Pierre Gassmann, vigneron

Pour le vigneron, obliger tous les rieslings à être secs est une négation de l'histoire plurielle du cépage dans la région. Selon lui, la richesse de la production alsacienne tient justement à son exceptionnelle diversité. "Le monde entier nous envie et nous, on casse tout", peste-t-il, affirmant que sur des sols argileux et marno-calcaires, soit trois quarts du vignoble alsacien, élaborer des vins secs est tout simplement impossible.

Et de toute façon contre-productif, car les vins issus de raisins mûrs sur ces terroirs sont "rares dans le monde et confèrent à l'Alsace une particularité qui est reconnue et enviée aux quatre coins de la planète. On devrait vendanger maintenant pour avoir du riesling sec, mais il serait imbuvable, il n'aurait pas de goût. Or, pour moi, faire du vin, ce n'est pas utiliser des levures pour le faire pousser en fermentation, comme le font les coopératives. On accepte leur modèle industriel mais ce n'est pas à elles de faire leur diktat. On veut juste avoir le droit de travailler comme on aime".

Sauver le soldat riesling... et des exploitations viticoles

Les coopératives, elles, sont relativement discrètes sur la question. La maison Bestheim indique tout juste n'être ni opposée, ni favorable au nouveau décret : "Nos rieslings sont déjà secs. Il y a une loi européenne qui stipule que le taux de sucre doit être inférieur à 5 grammes par litre, nous étions plutôt favorables au maintien de cette loi-là."

Une manière de botter en touche, estime Pierre Gassmann. Il craint que de nombreux vignerons soient exclus de l'appellation riesling, alors qu'ailleurs dans le monde, les producteurs sont toujours autorisés à faire figurer les mentions "doux", "moelleux" et "demi-sec" sur les bouteilles. Une concurrence faussée, selon lui.

"Nos clients vont être désorientés, car ils ne trouveront plus notre riesling."

Pierre Gassmann, viticulteur

"En plus, dans de nombreux pays, on ne boit pas exclusivement du vin sec, explique-t-il. Nous ne pourrons plus vendre notre riesling au Brésil, à Taiwan, aux Philippines, en Russie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, en Inde que nous fournissons actuellement, alors que leur cuisine et leur culture ne se tournent pas vers les vins secs et acides. Nos clients vont être désorientés, car ils ne trouveront plus notre riesling."

Il assure que la survie de certaines exploitations viticoles est en jeu. D'autant plus que l'avancée du réchauffement climatique est encore moins propice à l'élaboration de vins secs. 

Pour "sauver le soldat riesling", Pierre Gassmann appelle donc professionnels et grand public à témoigner leur soutien (voir post Facebook ci-dessous). Il a lancé une pétition.

Car le nouveau décret doit encore être validé par l’INAO, l'nstitut national de l’origine et de la qualité, pour être effectif. Les opposants ont deux mois pour se faire entendre. De nombreux sommeliers auraient déjà manifesté leur désaccord avec cette nouvelle réglementation. 

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