Angoissés par les menaces nucléaires de Vladimir Poutine et le bombardement de la centrale ukrainienne de Zaporijia, de nombreux Européens cherchent à se procurer des pastilles d'iode. Mais selon les autorités, il ne sert à rien de se ruer dans les pharmacies.
Depuis quelques jours, le phénomène est le même en Allemagne, en Belgique comme en France. Les menaces d'attaques nucléaires brandies par le Kremlin, puis le bombardement de la plus grande centrale européenne, Zaporijia, en Ukraine, dans la nuit du 3 au 4 mars dernier, inquiètent les Européens.
Beaucoup tentent donc d'acheter des pastilles d'iode dans les pharmacies, afin de se prémunir d'un éventuel risque d'exposition à la radioactivité. Une initiative inutile, selon les autorités.
Partout, celles-ci se veulent rassurantes et tiennent le même discours : prendre de l'iode en amont ne sert à rien et peut même être dangereux pour la santé. Mais en cas de risque pour l'ensemble de la population, ces capsules seraient distribuées directement par les pouvoirs publics.
Un mouvement qui dépasse les frontières
Outre-Rhin, dans le Land du Bade-Wurtemberg, principalement dans la région de Stuttgart, de nombreuses pharmacies notent une très forte demande de pastilles d'iode, racontent nos confrères du SWR.
Mais l'association des pharmaciens allemands rappelle qu'ingérer de l'iode peut entraîner des risques pour la santé. Et que les autorités conservent des millions de tablettes de pastilles d'iode, qui seraient distribuées à la population en cas de guerre nucléaire.
En Belgique, rien que le 3 mars dernier, les pharmacies ont vendu près de 60.000 boîtes de dix pastilles d'iode. Mais là aussi, l'AFCN (Agence fédérale belge de contrôle nucléaire) rappelle que "la situation actuelle ne nécessite aucunement la prise de ces comprimés, ou de s'en procurer rapidement."
Côté français, l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) a publié un article sur son site internet, afin de "mettre fin aux idées reçues" liées à la prise d'iode stable en situation d'urgence. Article également relayé par l'USPO (Union de syndicats des pharmaciens d'officines).
Quatre mises au point
L'iode se fixe sur la glande thyroïde. Prendre des comprimés d'iode stable permet de saturer la thyroïde, afin de l'empêcher d'absorber de l'iode radioactif éventuellement respiré ou ingéré en cas d'accident ou d'attaque nucléaire. Et ainsi, de réduire les risques de développer un cancer. Mais…
- point essentiel : en cas d'accident nucléaire, l'iode stable doit uniquement être administré sur instruction des autorités. Sa distribution est l'une des trois mesures que peut prendre le préfet, "à l'échelle des départements et des régions" avec la mise à l'abri et l'évacuation de la population. "L'Etat dispose de réserves suffisantes pour couvrir l'ensemble de la population" assure l'IRSN. Et dans cette éventualité, "tous les moyens (télévision, radio, véhicules avec haut-parleur…) seront utilisés pour donner la consigne de prise d’iode, sous la responsabilité du préfet."
- prendre des pastilles d'iode à titre préventif est inutile, voire dangereux. "Les comprimés d'iode stable doivent être administrés (…) au plus tôt une heure avant l'exposition à la radioactivité, et au plus tard dans les 6 à 12 heures qui suivent" rappelle l'IRSN. "Plus tôt, leur efficacité sera considérablement réduite. Plus tard, au-delà de 24 heures, leurs effets secondaires sont plus graves que les bénéfices attendus."
- les pastilles d'iode stable ne protègent pas de tous les dangers d'une exposition à la radioactivité. "Le médicament va empêcher la thyroïde d'absorber l'iode radioactif rejeté dans l'environnement" explique encore l'IRSN. En revanche, il "ne protège pas contre les autres éléments radioactifs (comme le césium 134 ou le césium 137) potentiellement rejetés."
- attention aux risques de l'automédication. Ingérer de l'iode sans contrôle médical peut provoquer des effets secondaires thyroïdiens et cardiaques.
Dernière précision : en France, toutes les pharmacies ne vendent pas des pastilles d'iode, mais uniquement celles qui se trouvent dans un rayon de 20 kilomètres autour des centrales nucléaires.