En Alsace, les producteurs de fruits et légumes de plein champs font tous le même constat : les températures sont anormalement élevées en ce début d'automne 2023 et les conséquences sont visibles sur les récoltes. Dans le monde animal aussi, des modifications existent.
Ce mois de septembre 2023 est le plus chaud enregistré depuis que les services météorologiques font des relevés en France. L'impact est sensible pour les humains, mais également pour les plantes et les animaux. Dans leurs champs de pleine terre, les producteurs de fruits et légumes le constatent : les cultures sont impactées.
Nathan Gsell, troisième génération de producteurs d’arbres fruitiers à La Pommeraie à Colmar, l'affirme d'emblée : "Ce qui est frappant cette année, c’est la sécheresse qui dure depuis quelques mois. Les arbres ont toujours leurs feuilles et ont donc encore besoin d’eau, malgré la fin de la récolte. Habituellement, la pluviométrie est plus importante à cette saison."
"Cette année on doit encore arroser, alors que normalement à cette période, ce n’est plus nécessaire."
Nathan Gsell, producteur d'arbres fruitiers
Autre constatation pour le jeune producteur, les différentes variétés de fruits arrivent à maturité de manière plus groupée, cette année. "Ça désorganise les chantiers, on doit s'organiser pour cueillir plus rapidement." Cela concerne les pommes, dont c'est la période de récolte en automne, et c'était le cas précédemment pour les différentes variétés de mirabelles et de quetsches.
Normalement, les arboriculteurs plantent des variétés précoces, des variétés de pleine saison et des variétés tardives, pour étaler les récoltes. Mais ces écarts sont de plus en plus réduits. "Quand les variétés tardives sont mûres plus tôt, il faut les cueillir, on ne peut pas attendre."
Quelles conséquences ont ces chaleurs automnales excessives sur les arbres ? "Aujourd'hui, il est difficile de connaitre les réelles conséquences" reconnait le jeune producteur de fruits, "mais l’arbre est en situation de stress, car il fait sec, et le vent assèche sol et feuilles."
Même constat chez le maraîcher Lilian Boullard de Planète Légumes, à Sainte-croix en Plaine, dans le Haut-Rhin. "Les températures anormalement élevées induisent beaucoup d'imprévus", explique-t-il, "Certaines plantes arrivent à maturité, alors qu'elles sont prévues pour plus tard, comme les courges par exemple."
Comme le producteur de fruits, le maraîcher regrette de devoir relancer l'arrosage et déplore la persistance de certaines maladies estivales, comme l'oïdium. Pour lui, c'est une situation inhabituelle.
Les animaux aussi sont perturbés
Au centre de soins de la faune sauvage, les soigneurs s'attendaient par exemple à voir arriver des petits hérissons, issus de la deuxième portée, favorisée par le beau temps. Mais ça n'est pas le cas, alors sans tirer de conclusion, ils s'interrogent simplement. Les femelles auraient-elles fait moins de petits à cause de la chaleur, ou alors les hérisonneaux, ou choupissons s'en sortent-ils mieux parce qu'ils trouvent encore plus de nourriture, grâce aux beaux jours qui se prolongent dans l'arrière-saison ?
Les oiseaux sont également impactés par ces chaleurs supérieures à la normale. Mais eux en font déjà les frais depuis plusieurs années et ont commencé à changer certaines de leurs habitudes.
Ceux qui migrent en fonction de la chaleur nécessaire pour trouver de la nourriture ou pour se reproduire, ont déjà modifié leurs comportements. Certains migrent moins loin, comme les grues ou les cigognes, simplement parce qu'elles trouvent de la nourriture là où auparavant c'était impossible, à cause de températures trop basses, de la neige ou du gel. Certains d'entre eux migrent aussi plus tôt, pour éviter la concurrence d'autres espèces, au moment d'arriver sur leur zone de reproduction.
Les mésanges, qui ne migrent pas, nichent et pondent aussi plus tôt dans l'année. Ainsi, elles devancent d'autres espèces insectivores comme elles. Elles trouvent alors suffisamment de chenilles, larves et autres délicatesses, pour nourrir leurs petits.
Ceux qui, comme les pigeons ramiers ou la chouette effraie, mangent des campagnols, n'ont pas ces problèmes. Ces rongeurs prolifèrent et les oiseaux qui s'en nourrissent pourraient coloniser la France d'ici 20 ou 30 ans.
Question de survie pour certaines espèces
Selon Christophe Hervé, directeur de la Ligue protectrice des oiseaux (LPO ALsace), "Certaines espèces vont tirer leur épingle du jeu, d'autres pas ". D'autres encore, comme les rapaces qui nidifient en montagne et pondent de toute façon plus tard vers la fin d'année, se déplacent parce qu'il fait meilleur ailleurs. Les aires de répartitions se modifient au fur et à mesure. Parfois, c'est pour éviter la concurrence, parfois, c'est pour donner plus de chances aux petits se survivre.
Les modifications de températures vont encore transformer bien des comportements et appeler des adaptations. Les oiseaux sont des champions dans ce domaine. Mais le risque de la concurrence entre espèces pourra engendrer d'autres comportements, non de fuite et de décalage d'aire de reproduction et de vie, mais des attitudes plus agressives, de destruction d'autres espèces, comme entre la mésange charbonnière et le gobe-mouches.
Des observations dans ce sens sont en cours à l'Institut des sciences de la vie évolutive de Groningue, aux Pays-Bas. Le bouleversement climatique n'a pas fini de nous poser question, et si les réponses ne sont pas évidentes dans toutes les situations, il est certain que nous devrons y trouver les réponses les plus adaptées possibles, tant pour l'humain que le monde animal et végétal.