Conséquences de la sécheresse : grosses pertes dans les élevages d'escargots en Alsace

La sécheresse de cette année 2022 impacte de nombreuses cultures et élevages. Notamment les élevages... d'escargots. En Alsace, où ce gastéropode tient une belle place sur les tables de fêtes, les éleveurs s'inquiètent.

Qui évoque les conséquences de la sécheresse, cite souvent les dégâts sur les grandes cultures et grands élevages. Mais il existe des petites bêtes qui souffrent beaucoup aussi de l'excès de chaleur de cet été 2022 : les escargots. 

Selon les éleveurs, ils déplorent 20 à 35 pourcent de pertes dans leurs parcs en cette mi-août : "Au-dessus de 23 degrés de chaleur, les escargots se mettent en estivation, explique Margaux Hoffstetter, hélicicultrice à Largitzen dans le Sundgau. Ils entrent en dormance pour se protéger de la bactérie Pseudomonas et se réveillent quand les températures redescendent sous 23 degrés." Le problème avec ces périodes de longues chaleurs et de canicules, c'est qu'ils ne se réveillent pas pour se nourrir et finissent par dessécher dans leurs coquilles.

Margaux Hoffstetter élève 200 000 escargots sur sept ares de prairies ; elle estime déjà à 30 % ses pertes pour cette année, et uniquement "si la remontée des températures annoncée pour le week-end prochain ne dure pas".

La solution pour lutter contre cette chaleur excessive consiste à les arroser durant la nuit. "Mais surtout pas pendant la journée, précise Margaux, sinon ils grillent directement sur les planches... malheureusement l'arrosage des quinze derniers jours n'a pas suffi."

Moins de quantité mais une bonne qualité 

Beaucoup d'éleveurs transforment les escargots eux même à la ferme, et les vendent sur place. En verrine, en coquille, à l’alsacienne ou à la bourguignonne, en bouillon ou dans une version croustillante au beurre persillé et au comté, sous forme de tartinade à mettre sur du pain, à l’ail d'ours, aux tomates ou encore à la crème avec de la bière, des champignon et des lardons... les déclinaisons de l'escargot ne manquent pas en Alsace, où ce petit gastéropode est très apprécié sur les tables de fête de fin d'année.

On en récoltera moins, mais le travail ne changera pas, et les escargots seront quand même bons.

Margaux Hoffstetter

Hélicicultrice à Largitzen, dans le Sundgau

On ne saura vraiment à combien s'élèvent leurs pertes qu'en septembre, au moment de la récolte. La productrice sundgauvienne n'a pas de doute : " On en récoltera moins, mais le travail ne changera pas et ils seront bons quand-même. " Quant aux ventes, ses stocks devraient lui permette de tenir jusqu’à Noël et au Nouvel An, car, comme pour tous les producteurs locaux, cette période de fêtes représente 80 % de leur chiffre d'affaires.

Plus haut en Alsace, du côté d'Ebersheim au nord-est de Sélestat, Michaël Meyer est propriétaire d'un élevage d'escargots depuis 2015. Dans ses quatre parcs de dix-sept ares (1700 mètres carrés), il élève 400 000 escargots. Il est lui aussi confronté au problème de la sécheresse, mais cette année "c'est plus grave que les autres années, car l'arrosage nocturne attire les rats, eux aussi (plus que les années sans canicule) en manque d'humidité et de nourriture".

Délicat équilibre pour réussir un élevage d'escargots

Excès de chaleur ou excès d'eau, les deux phénomènes gâchent la vie des escargots et des  héliciculteurs. "Déjà habituellement, les rats aiment les escargots, regrette l'éleveur d'Ebersheim, mais cet été, c'est terrible. J'ai une connaissance ailleurs en France, dont l'élevage, sous filet, est même attaqué par les oiseaux à cause de la sécheresse. Ils foncent sur les filets, les percent et viennent boire dans les flaques laissées par l'arrosage nocturne. Bien sûr, ils en profitent aussi pour manger les escargots."

L'an dernier il a  perdu trente pourcent de son élevage, cette année, ce sera encore plus. "A partir du 15 août, tous les ans, ça commence à être risqué à cause de cette bactérie qui se développe avec la chaleur, mais quand il pleut trop c'est un problème aussi. Avec l'excès d'humidité ce sont d'autres bactéries qui se développent. Comme c'était le cas en 2021, il a fait d'abord trop froid, puis trop humide."

De l'avis des éleveurs alsaciens, construire des abris pour protéger les élevages du soleil et de la pluie coûterait beaucoup trop cher. A quoi s'ajoute un autre motif d'inquiétude pour Michaël Meyer cette année : "Moi ce qui me pose question aussi, c'est la baisse du pouvoir d'achat de nos consommateurs. Auront-ils les moyens de s'offrir des escargots sur leurs tables de fête? " En effet, l'augmentation des produits de base impacte aussi ces producteurs dans leurs préparations culinaires. "Depuis l'an dernier, le prix du beurre a doublé, sans parler du prix de la main d'œuvre..." conclut le producteur d'Ebersheim. 

Bref, y aura-t-il des escargots à Noël et Nouvel An en Alsace ? Sans aucun doute. Mais peut-être pas de quoi faire une indigestion.