Le verger-école de Sausheim sert pour des cours de taille durant l'hiver. Mais à l’automne, les bénévoles qui l’entretiennent récoltent les fruits, pressent du jus, et accueillent aussi les écoles avoisinantes pour familiariser les enfants avec la nature.
C’est un petit coin de paradis, à l’écart du centre-ville. Une belle prairie bien entretenue, surmontée de longues rangées d’arbres fruitiers basses tiges. 400 au total, principalement des pommiers. Les bénévoles qui bichonnent ce verger, créé en 1987, y travaillent toute l'année.
Pour eux, l'automne est une période particulièrement laborieuse, qui les réunit au moins trois fois par semaine : le jeudi pour la cueillette, le lundi pour presser le jus, et le samedi matin pour vendre leurs produits sur place. “En nombre d’heures, nous totalisons un bon plein temps” rigole le président, Hubert Freytag.
Une fois l’an, ils accueillent aussi plusieurs écoles du secteur. Une journée pour faire découvrir, ou redécouvrir, aux enfants les plaisirs de la cueillette et de la transformation. Et leur rappeler que la nature qui les entoure offre des trésors, et des saveurs incomparables.
Cueillir les pommes à l'arbre
Pluie du matin n'arrête pas le pèlerin. Malgré la météo très humide, l'arrivée des CM1 et CM2 bilingues de l’école élémentaire du Centre est très joyeuse. Rapidement, ils se répartissent entre plusieurs ateliers. Et dès l'arrêt des dernières gouttes, un petit groupe s’élance vers le verger, et les cris fusent : "Eh, elles sont violettes, les pommes !” - “On dirait des pêches, celles-là sont énormes !"
Au bout d’une rangée, un membre de l'association les attend avec un genre de petit sécateur, l'épinette, qui permet de cueillir les fruits avec délicatesse. Les directives sont écoutées avec attention : “Il faut y aller doucement, et toujours s’y prendre à deux mains. Parce que si on casse ce petit bout de branche, l’an prochain il n'y aura pas de pomme." A tour de rôle, chaque s’acquitte de sa tâche avec sérieux.
“Sausheim, ça reste un peu la campagne, précise leur enseignante, Céline Meister. Mais les enfants ne savent pas tout. Par exemple le nombre de variétés de pommes – 74, rien que dans ce verger. Ils apprennent plein de choses."
Le nom de variétés comme idared, melrose, mc intosh, rubinette, jonagold, ontario ou goldrush leur est parfaitement inconnu. "Je ne connais que la pomme verte, et la rouge. Et la pomme cloche", reconnaît Inaya, 9 ans. Et Alexandre, 10 ans, découvre que "ce n'est pas parce que les pommes sont rouges qu'elles sont mûres. C'est quand les pépins sont un peu foncés."
"Ici on traite le moins possible, précise le bénévole. Il peut donc y avoir des taches. Mais si une pomme n'est pas belle, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas bonne." "Elle est très sucrée", confirme Victor, 10 ans, qui croque à pleines dents dans la sienne, entouré de copains qui, eux aussi, se régalent.
Broyage et pressage
Sous le chapiteau, un autre groupe s'initie au broyage, avec un autre membre de l'association. "Vous avez tous le droit de jeter quelques pommes dans l'appareil. Il va les transformer en broyat, et c'est avec ça qu'on fera du jus". A nouveau, c'est le défilé devant la machine. Et, gestes délicats ou très énergiques, chaque enfant dépose quelques fruits dans le grand entonnoir, un peu comme s'il nourrissait un petit monstre. Et à l'autre bout sort une sorte de bouillie, destinée au pressoir.
Un peu plus loin, un autre groupe découvre la technique du pressage. Ils entourent un petit appareil garni d'un filtre de métal doublé d'un filtre en tissu. "A l'intérieur, il y a un ballon qu'on va remplir d'eau. Il va presser le broyat contre la paroi, et qu'est-ce qui va se passer ? Il va en sortir du jus" détaille Richard Bialas, également membre des arboriculteurs de Sausheim. "Et c'est magique, ça coule tout seul."
L'ensemble du mécanisme étonne Sophie, 9 ans, car elle pensait "qu'on faisait tout à la main." Le bénévole explique aussi aux enfants les secrets de la pasteurisation, mais leur révélant qu'on peut aussi "boire le jus tout de suite". Et que tout frais, il est encore bien meilleur.
Les maternelles aussi sont de la partie
Après les grands, c'est au tour des maternelles de voir les secrets du verger. Ils sont trop petits pour lancer eux-mêmes les pommes dans le broyeur, mais du côté du pressoir, les frimousses sont extrêmement attentives. Ils découvrent aussi la structure d'une ruche, et le lien indissociable entre les abeilles et la fructification.
"Ils ne savent pas qu'il faut des abeilles pour avoir des pommes. Or sans elles, il n'y a rien" rappelle Michel De La Torre, membre de l'association. Pour lui, ce moment d'accueil et de partage avec les plus jeunes est toujours un grand plaisir. "On le fait depuis plusieurs années. C'est intéressant pour les enfants, et c'est une joie pour nous" sourit-il.
Les enseignants aussi apprécient ce genre de visite. "Nous travaillons avec les petits sur leur environnement proche, explique Muriel Walter, la directrice de l'école maternelle du Sud. Pour qu'avec les parents, ils puissent y retourner, et faire des découvertes. Voir la nature, les insectes..."
"Mes enfants s'y connaissent un peu, nous avons un petit jardin, précise Daniel Wolf, un papa accompagnateur. Ils connaissent les tomates, et les fraises, ce genre de choses. Mais des pommes sur un arbre, pour eux, c'est une première."
Chaque année, pour fin septembre ou début octobre, certaines classes réalisent aussi des dessins et d'autres œuvres d'art plastique, pour décorer l'exposition fruitière proposée par l'association des arboriculteurs.
Une fin de visite à savourer
Pour terminer la visite, les grands listent tous les délices réalisables à base de pommes. Tartes, "pomme au four", "pomme séchée", "pomme d'amour", "crêpe", "elmali" (biscuits turcs). "Y a plein de façons de les faire, résume Zadig, 9 ans. Du jus, des compotes… plein de choses."
En repartant, chaque enfant reçoit encore un fruit pour la route. Et tous le croquent immédiatement, sans aucune récrimination malgré la présence de peau et de pépins. Seules fusent, de ci-de là, des petites phrases comme "elle est bonne", ou "c'est presque du jus !"
Objectif largement atteint, donc, par les membres de l'association, ravis. "On parle beaucoup de nature et de biodiversité, s'exclame Richard Bialas. Et pour les enfants, cueillir une pomme sur l'arbre, la déguster, boire du jus frais, c'est le premier pas."
Mais les arboriculteurs de Sausheim souhaiteraient que leur verger-école soit davantage connu. "On voudrait que les parents s'y intéressent, ainsi que les grands-parents. Et peut-être que l'un ou l'autre grand-père pourrait venir grossir nos rangs."
L'association des Arboriculteurs et bouilleurs de cru de Sausheim est l'une des 52 associations membres de la fédération des Arboriculteurs du Haut-Rhin. Elle compte environ 90 membres, dont 25 actifs. Le verger-école de 33 ares comprend principalement des pommiers basses tiges, "mais aussi quelques cerisiers et quelques poiriers" précise Hubert Freytag.
Durant l'automne, chaque samedi matin, les particuliers peuvent y venir acheter des pommes et du jus. Et en hiver, suivre des cours de taille.