Au nord-ouest de l'Alsace, un projet de liaison routière, entre Lorentzen, Diemeringen et l’Autoroute A4, au sud de Sarre-Union, mobilise des villageois, membres d'association et naturalistes. Il veulent éviter la destruction de dizaines de hectares de terres au profit d'une route, comme cela se passe ailleurs en Alsace.
"On ne veut pas de ce qui s'est passé à Châtenois" disent sans détour les membres des associations de défense de la nature et de l'environnement, présents ce samedi 10 juin, à l'entrée de Lorentzen.
Parmi la centaine de personnes réunies, se trouvaient aussi des habitants de plusieurs villages alentour, désireux de comprendre ce qui est prévu.
Il s'agit en fait d'un projet de construction d'une nouvelle route, de 5,8 kilomètres, qui relierait l'A4 au sud de Sarre-Union et Rimsdorf, à Diemeringen et Lorentzen. Coût : 16 millions d'euros.
Particularité, le projet date des années 1970. C'est le Président Valéry Giscard D'Estaing qui avait promis cette liaison, au moment de l'inauguration de l'A 4. Un point qui pose problème aux défenseurs de la nature. Selon eux, rajouter cette route ne répond plus aux exigences environnementales actuelles que sont les objectifs de diminution des gaz à effet de serres et la réduction de l'artificialisation des terres, d'ici sept ans.
"Ce tracé, vieux de quarante-cinq ans, ne répond plus à la réduction des gaz à effet de serre que nous devons atteindre d'ici 2030. "
Gilbert Quirin, Membre de l’ANAB- Association Nature Alsace Bossue
La construction de cette route supprimerait 41 hectares de terres agricoles et naturelles, indique le rapport d'Alsace Nature. L'association de défense de l'environnement invite le plus grand nombre à consulter le dossier sur le site internet de la préfecture et à donner son avis par courrier électronique (pref-enquetes-publiques@bas-rhin.gouv.fr) avant le mardi 13 juin, midi. Le dossier papier est aussi visible en mairie de Diemeringen, aux jours et heures d’ouverture de la mairie.
Écouter les alertes lancées
Les personnes mobilisées à Lorentzen voudraient que cette fois, les considérations de protection de l'environnement soient prises en compte à temps. Ils évoquent les travaux du contournement de Châtenois, près de Sélestat, au centre de l'Alsace. Les travaux y ont duré quatre ans, jusqu'au 12 mai dernier. Ce jour-là, le Tribunal administratif de Strasbourg a décidé de prendre en compte les alertes lancées par Alsace Nature, quatre ans auparavant. Il ne restait plus que les enrobés et les murs anti-bruit à poser. Les zones naturelles avaient laissé place au tracé. Jugeant cet arrêt absurde à ce stade des travaux, les élus et des habitants ont manifesté pour la reprise des travaux.
De son côté, Alsace Nature, dépositaire du recours, a déclaré regretter le délai de 4 ans mis par la justice pour se prononcer sur le contournement de Châtenois, car il y avait urgence à sauver des espaces naturels désormais détruits. Mais le directeur de l'association, Stéphane Giraud, disait "regretter surtout que les pétitionnaires n’écoutent pas mieux les alertes lancées et qu’ils aient choisi de lancer les travaux alors que la situation n’était pas purgée juridiquement."
Une leçon qui sera prise en compte cette fois?
En Alsace-Bossue, les opposants au projet estiment que pour sauver la nature de la destruction, il faut se mobiliser à temps. Une pétition avec des signatures de citoyens contre le projet de route sera aussi remise mardi 13 juin à midi, en mairie de Diemeringen.
"On n'a pas besoin cette liaison, on a ce qu'il faut comme routes ici", estiment les uns. "Ce sera davantage de pollution et moins de nature", insistent les autres.
Roland Gissinger, président de l’Association Nature Alsace Bossue, quant à lui précise. "Les compensations proposées ne suffiraient pas, car certaines espèces ici sont déjà fragilisées par les pratiques agricoles et les changements climatiques et d'autres effectifs sont faibles. Tout changement, et en particulier la saignée qui serait faite au milieu de ces territoires, fractionnerait le biotope de ces espèces et les menacerait d'extinction."
Pour les zones humides, le compte n'y serait pas non plus selon lui, en matière de zones compensatoires. "Les mesures compensatoires pour les espèces aquatiques ne seront pas assez importantes pour empêcher la pollution d'arriver sur les ruisseaux qui hébergent ces espèces. Donc elles risquent d'être empoisonnées par des relargages liés à cette route. En hiver, il y a aura par exemple du sel de déneigement, 1.6 tonnes par passage, et toute l'année, des métaux lourds, du cadmium et du zinc entre autres, dégagés par le trafic. C'est surtout cela que l'on craint, parce que les espèces rares et protégées ici sont des espèces de milieux pauvres en pollution, qui ont besoin de milieux équilibrés et naturels."
À l’origine, cette route avait pour vocation de renforcer les liaisons entre la Moselle et l'Alsace. Aujourd'hui, si certains seraient ravis de gagner une dizaine de minutes pour rejoindre l'autoroute A4 depuis les villages de Diemeringen ou Lorentzen, d'autres voient une aberration dans un projet, pensé il y a 45 à 50 ans.
L'enquête publique, au titre de la loi sur l'eau est ouverte jusqu'au mardi 13 juin, midi.