Depuis 1er janvier 2023, malgré le bouclier tarifaire qui limite la hausse du prix du gaz à 15% pour les particuliers, de nombreux foyers vivant en copropriété ont vu leurs factures exploser. Comme dans certaines entreprises, leurs contrats ont été réévalués.
Alors que le bouclier tarifaire est censé limiter la hausse du prix du gaz à 15% pour les particuliers, les factures de certains copropriétaires ont littéralement explosé. La faute à des contrats arrivés à échéance et qui ont été renouvelés au prix fort.
Alain* est président du conseil syndical d'une petite copropriété de l'Eurométropole de Strasbourg, chauffée au gaz collectif. Comme tous les autres habitants de son immeuble, il n'en croit pas ses yeux : "Notre gestionnaire d'immeuble, le syndic Foncia, nous a indiqués en novembre que nos factures annuelles allaient passer pour l'immeuble de 10.000 à 100.000 euros. On a halluciné!"
Ce qui explique cette hausse, ce sont les négociations entre Foncia, qui gère près de 180 copropriétés à Strasbourg et ses alentours, et Électricité de Strasbourg, leur fournisseur de gaz : "On avait un contrat à prix fixe à 20 euros du mégawattheure. Et là, avec les prix qui explosent, le nouveau contrat est à 172 euros. C'est pratiquement multiplié par dix", s'indigne Alain.
L'État remboursera, mais aux occupants de payer d'abord
Avec ce contrat à prix fixe au tarif de marché, les occupants de l'immeuble ne peuvent pas bénéficier du bouclier tarifaire, réservé aux contrats au tarif réglementé (dont sont exclus la plupart des copropriétés et qui prendra fin pour tout le monde au 1er juillet 2023) ou au contrat indexé au tarif réglementé (TRVG) : "du coup, on va d'abord payer plein pot !", continue le président du conseil syndical.
Les factures ont d'abord été multipliées, mais devraient tenir compte des reversement des fournisseurs dans un second temps.
Commission de régulation de l'énergie (CRE)
Contactée par France 3 Alsace, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) explique que les copropriétés ne bénéficiaient pas du bouclier tarifaire en 2022, mais qu'un décret avait été pris "pour leur faire bénéficier de conditions équivalentes". Et de continuer : "Ce décret prévoit en revanche un reversement des aides aux fournisseurs plus tardif. C'est sans doute pourquoi les factures ont d'abord été multipliées, mais devraient tenir compte des reversement des fournisseurs dans un second temps."
Foncia demande d'abord aux habitants du logement d'avancer les frais. Puis l'État remboursera au fournisseur, qui reversera la somme à Foncia, et enfin aux copropriétaires.
Des charges qui s'envolent, mais ce n'est pas tout
Laurent* vit au deuxième étage, dans le même immeuble qu'Alain : "Sans mauvais jeu de mot, c'est la douche froide. Non seulement les appels de charges ont été multipliés par deux au 1er janvier, ce qui fait passer mes charges par trimestre de 550 à 1.280 euros, mais en plus, Foncia nous demande une avance de trésorerie exceptionnelle."
C'est dans un mail du 22 décembre que Laurent apprend que cette avance de trésorerie est exigée "afin d'éviter tout risque de défaut de paiement, et [...] de coupure immédiate et sans préavis [du gaz]." Pour son cas personnel, Laurent doit avancer 520 euros, soit au total près de 1800 euros d'un coup si on ajoute les frais liés à l'augmentation du prix du gaz, à payer avant le 5 janvier.
Foncia invoque l'incertitude des prochains mois
Contacté à ce sujet, Foncia s'explique : "Pour 2023, nous avons un problème de trésorerie. Le tarif qui a été renégocié court sur 15 mois, et on ne sait pas de quoi l'hiver sera fait. Si on retrouve les -10°C qu'on a connus mi-décembre, on n'est pas sûr de pouvoir tout payer. C'est pour cela qu'on demande cette avance", précise Stefan Konzack-Wenger, le président de Foncia Alsace-Bourgogne-Franche-Comté.
Le risque de non-paiement est réel, c'est certain.
Stefan Konzack-WengerPrésident de Foncia Alsace-Bourgogne-Franche-Comté
Sauf que beaucoup des occupants de l'immeuble ne peuvent pas se permettre d'avancer autant d'argent en une seule fois : "Le risque de non-paiement est réel, c'est certain. Si on fait face à un problème collectif, et que tous les logements d'un immeuble ne peuvent pas payer, la question d'un coupure du gaz pourrait se poser", lance Stefan Konzack-Wenger.
Ce dernier ajoute qu'à terme, cette avance sera bien remboursée par l'État, mais qu'il faut d'abord que les propriétaires mettent la main à la poche pour faire face à cette "incertitude" : "Dès lors que l'aide de l'État sera touchée, l'avance de trésorerie sera remboursée", assure le président qui estime que le délai sera de quelques mois.
Tout le monde s'y perd
Sur le prix du gaz lui-même, le remboursement ne pourra pas couvrir tous les frais, comme pour le cas de Laurent. A ce sujet, la CRE précise que "les contrats signés par les copropriétés ne sont pas toujours des contrats indexés TRVG. Du coup, la compensation peut s'avérer, dans certains cas, insuffisante pour ramener le niveau des offres de ces consommateurs au niveau gelé du TRVG."
Et Laurent de continuer : "On nous parle de remboursements. Mais sur quelles modalités et sur quelles bases ils seront calculés ? Et quand est-ce qu'ils auront lieu ? Je crois avoir compris que sur les 172 euros du mégawattheure, je serai remboursé sur la base d'environ 80 euros (le TRVG), ce qui limite la casse. Je ne suis même pas sûr d'avoir bien compris. Mais ça reste une multiplication par quatre, 300% par rapport au tarif précédent, alors que le gouvernement affirme contenir la hausse à 15%. Surtout, on ne sait pas à qui s'adresser, vers qui se tourner..."
Les propriétaires les moins assidus ne vont s'en rendre compte qu'au dernier moment.
AlainPrésident du conseil syndical
Alain confirme : "Au-delà de cette problématique financière, les copropriétaires se sentent perdus, et ont besoin d'y voir plus clair dans cette histoire. On nous annonce ça comme ça, il y a très peu de communication. Les propriétaires les moins assidus ne vont s'en rendre compte qu'au dernier moment".
En guise d'information, le syndicat, après adressé des appels de fonds sans explications, a envoyé un mail intitulé "100 éco-gestes", renvoyant vers un lien inactif. "Service minimum !!! " se désole Danielle, une voisine de palier.
Contactée par France 3 Alsace, l'association UFC-Que Choisir avoue que ses spécialistes sont eux aussi dans le flou, en attendant des précisions de l'État. Nous sommes toujours en attente des éclaircissements d'Électricité de Strasbourg, qui n'a pas encore répondu à nos questions en raison d'un "contexte très mouvant". En attendant, le Médiateur de l'énergie offre quelques informations sur une page dédiée.
∗ Les prénoms ont été modifiés