Une fédération d’associations anti-tabac lance un contentieux contre l’Etat qui ne contrôlerait pas assez les buralistes sur la vente aux jeunes mineurs. Le président des débitants de tabac du Bas-Rhin juge cette action inefficace et avance des solutions pour mieux encadrer la vente de tabac aux moins de 18 ans.
"Les buralistes transgressent impunément la loi en continuant de vendre des produits du tabac aux moins de 18 ans" : voilà ce que dénonce l’Alliance contre le tabac (ACT) en préambule de l’action contentieuse que cette fédération d’associations anti-tabac lance contre les services de l’Etat pour "leur incapacité à faire respecter l’interdiction de vente des produits du tabac aux mineurs par ces commerçants".
Selon ce collectif, deux tiers des buralistes vendraient cigarettes, puffs et vapoteuses à des clients mineurs. "Ils plongent ainsi les jeunes dans l’addiction à la nicotine dès le plus jeune âge, s’assurant une cliente fidèle et de long terme ainsi que des profits réguliers", dénonce l’ACT dans sa requête adressée au Conseil d’Etat, à lire dans son intégralité ci-dessous. Selon la fédération, chaque année, "plus de 200 000 jeunes tombent dans le piège de cette drogue au pouvoir addictif majeur" et ce malgré l’interdiction de la vente aux moins de 18 ans en vigueur depuis 2009.
"Nous ne sommes quand même pas totalement irresponsables", réagit avec vigueur Thierry Moreno, le président de la confédération des débitants de tabac du Bas-Rhin. "Nous sommes commerçants, mais beaucoup d’entre nous sont aussi parents. On n’a nullement l'intention d'inciter les jeunes à fumer".
L’Alliance contre le tabac ne s’en prend pas directement aux buralistes, mais à l’Etat et plus particulièrement aux douanes, qui ne contrôleraient et ne sanctionneraient pas assez les débitants de tabac. "Bien qu’il relève du devoir de l'État de protéger les jeunes de l’addiction à la nicotine, l’administration n’applique à l’égard des débitants de tabac qu’un contrôle très a minima et en dehors de toute transparence", déclare Martin Drago, responsable du plaidoyer de l’Alliance contre le tabac.
"Et comment contrôle-t-on la vente de ces produits sur Internet ?" s’insurge Thierry Moreno qui parle de discrimination de la profession. Près de la moitié de ces produits – notamment les cigarettes électroniques et les puffs très prisées par les jeunes – sont achetées en ligne ou proviennent du marché noir. C’est là que se fournissent les jeunes, et en dehors de tout contrôle. C’est là qu’il faut agir", observe le patron des buralistes bas-rhinois.
D'autant que le représentant des vendeurs de tabac se dit sensible au problème du tabagisme chez les jeunes. "La profession réfléchit activement à cette question", affirme Thierry Moreno.
"Je suis Bob" et détecteur d'âge
Certaines mesures ont déjà été mises en place. Comme le programme "Je suis BOB", pour "Buraliste officiellement bienveillant". Il s’agit d’une plateforme permettant aux débitants de tabac de vérifier leur bonne connaissance de la réglementation et des différentes interdictions. Ils peuvent aussi disposer de kits marketing – des sacs et des étuis de paquets de cigarettes - estampillés avec l’image du super-héros BOB. "On incite fortement nos collègues à participer à ce programme de mise à niveau des connaissances, ils ont ainsi des conseils pour gérer certaines situations délicates."
Car les buralistes peuvent se retrouver parfois à devoir jouer aux policiers face aux mineurs qui cherchent à se procurer des produits contenant du tabac. "Comment feriez-vous si vous habitiez au cœur d’un quartier populaire sensible ? Refuser une vente à un jeune peut vous attirer de gros ennuis. C’est un coup à voir les pneus de sa voiture crevés", constate Thierry Moreno.
Pour se prémunir, les débitants de tabac ont peut-être la solution technique : des détecteurs capables de déterminer l’âge d‘une personne en fonction de la physionomie de son visage. Un système déjà utilisé dans certains bars ou discothèques. "Si ça s’allume vert, c’est bon, détaille Thierry Moreno. Si c’est rouge, là on peut demander la pièce d’identité. Cela évite de laisser la seule appréciation au commerçant."
Pour Thierry Moreno, la démarche de l’ACT est trop ciblée et insuffisamment efficace. « Et vis-à-vis des parents qui fument devant les écoles, on fait quoi ? Pourquoi ne fait-on pas aussi des contrôles dans ce sens-là ? ». Pour lui, la prise de conscience doit être plus large et les parents doivent être davantage associés au combat. "Tout comme ils apprennent à leurs enfants à ne pas traverser au feu rouge, ils doivent leur inculquer que fumer peut aussi être un danger mortel", suggère-t-il.
Et de rappeler que les buralistes sont soumis à des contrats de gérance avec l’Etat, reconductibles tous les trois ans. "Aucun d’entre nous n’a envie de perdre sa licence, étant donné les sommes que l’on a investies pour ouvrir nos commerces", conclut Thierry Moreno, qui réclame que sa profession soit davantage associée aux réflexions menées pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes.