La sécheresse rend la récolte de miel catastrophique en Alsace, "on a des colonies entières d'abeilles qui disparaissent"

La saison apicole 2022 s'annonce au plus bas. La canicule de l'été a complètement perturbé la vie des ruches. Pas assez de fleurs, peu de nectar, les apiculteurs doivent déjà nourrir les abeilles qui manquent de nourriture naturelle pour espérer bien passer l'hiver.

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Le constat est sans appel au rucher du verger école de Kingersheim, dans le Haut-Rhin: "Les abeilles n'ont pas beaucoup de réserve, on doit impérativement les nourrir", déplore Michel Baguet, le président de la société des apiculteurs de Kingersheim (Haut-Rhin), en inspectant la dizaine de ruches de l'association apicole.

Nourrir les abeilles à cette époque de l'année, en plein mois d'août, c'est du jamais vu. "Normalement on commence à les nourrir à partir de fin septembre, début octobre pour qu’elles aient des provisions pour l’hiver. On leur donne soit du miel du début d’année dilué avec de l’eau, soit des sirops à base de sucre modifié", explique Michel Baguet.

Sauf que depuis deux mois, en raison de la sécheresse, il n'y a plus de nectar susceptible de subvenir aux besoins alimentaires des abeilles. La nature est complètement asséchée. La réaction en chaîne est impitoyable : pas de nectar, pas d'aliment pour les abeilles, pas de production de miel et surtout mort de la colonie. "Si on ne le fait pas elles meurent de faim. On a des colonies entières qui disparaissent pour cette raison", fait remarquer Michel Baguet.

A part quelques vallées bien humides plus ou moins à l'abri de la sécheresse et des températures caniculaires, le constat est le même sur toute l'Alsace. La récolte de miel de la saison 2022 s'annonce d'ores et déjà catastrophique. Selon le président de la confédération régionale des apiculteurs alsaciens, Daniel Bembenek, le volume de miel produit cette année devrait diminuer de moitié par rapport à une année normale, "si tant est qu'on puisse encore parler d'années normales, les années atypiques se succédant".

Une saison contrastée

Et pourtant le début de saison était encourageant, voire prometteur. "Cette année a très bien démarré avec un bon printemps et une météo favorable. Les apiculteurs alsaciens ont pu faire de bons miels de fleurs en quantité", observe Daniel Bembenek. En mai-juin les choses ont commencé à se gâter, notamment avec le miel d'acacia. A ce moment-là les abeilles ont commencé à être perturbées par la sécheresse. Puis avec les épisodes caniculaires qui ont suivi à partir de début juillet, les abeilles n'ont plus rien trouvé à butiner.

"Sauf dans certaines vallées, où on a fait un peu de miel de sapin fin mai-début juin, la tendance c'est plutôt : un bon miel de fleurs au printemps, un bon miel d’acacia à certains endroits, moins bons ailleurs. Pour les miels produits habituellement en été, miel de châtaignier, miel de forêt et de sapin, on en a pratiquement nulle part", résume Daniel Bembenek.

Pour les quelque 3.000 apiculteurs alsaciens, dont une trentaine exerçant en professionnel, la situation se complique d'année en année. La dernière bonne saison remonterait à 2020 selon le président de la confédération, l'appréciation étant toute relative. On consomme en France environ 45.000 tonnes par an, alors qu'on en produit 20.000 les bonnes années. "On était auto-suffisants en 1980", rappelle Daniel Bembenek.

Sale temps pour les abeilles

Pour l'apis meliferra, l'abeille qu'on élève pour son miel, l'été a été pourri. Quelle serait la bonne "recette" pour qu'elle passe l'hiver dans de bonnes conditions ? Pour Daniel Bembenek, il n'y a pas de secret : 

  • la ruche doit abriter suffisamment d’abeilles. Pour cela la reine doit pondre sans s'arrêter. En moyenne jusqu'à 2.000 œufs par jour. C'est à ce prix que la colonie peut se renouveler pour passer l'hiver.
  • les abeilles doivent doivent disposer de suffisamment de réserve. Le rôle de l’apiculteur, ici, est capital : c’est à lui de veiller à ce que tout se passe bien, notamment en trouvant les bons endroits mellifères. "Encore faut-il que ces endroits soient préservés, ce qui n'est pas gagné avec l'artificialisation des sols", souligne le président apiculteur. 

Après deux années difficiles, Michel Baguet n'est pas très optimiste. En 2023, il espère tout de même un printemps correct, pluvieux mais pas trop, avec des températures n'excédant pas 25 degrés. Et si possible un été pas trop chaud, se maintenant sous la barre des 30 degrés pour assurer du nectar à ses abeilles.

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