Le bio a le moral en berne, "la demande a reculé de 40 à 50%"

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Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

Depuis deux ans, le Potager de Camille, regroupement de deux fermes bio, broie du noir. L'inflation, le désintérêt soudain des distributeurs pour ses produits, et l'augmentation des prix de l'énergie ont divisé ses revenus par deux. Et ce cas n'est de loin pas isolé.

Le Potager de Camille se situe à une trentaine de km au nord-ouest de Strasbourg, dans le petit village de Buswiller. Il s'agit du regroupement des fermes bio de Jean-Christophe Sussmann et de Julien Scharsch, deux amoureux de la terre qui cultivent avec passion des produits bio et naturels.

Leurs valeurs ne sont pas le rendement, mais le respect des clients, de la terre, de la qualité de l’eau utilisée, de la faune et de la biodiversité florale endémique pour leurs cultures. Ici, pas d’utilisation de pesticides ni d’engrais minéraux chimiques.

La rotation des cultures, les apports de matières organiques fraîches ou compostées, la culture de légumineuses et d’engrais verts sont privilégiés. Le désherbage repose essentiellement sur la présence de la luzerne dans la rotation, et l’utilisation d'outils mécaniques.

Pourtant, depuis deux ans, cette production 100 % bio rencontre de grandes difficultés, notamment à cause de l’inflation, au point de voir ses revenus divisés par deux. Avec la crise, le moral, la volonté et l’enthousiasme ont pris un bon coup ces dernières années.

Le désamour du bio

"Les difficultés ont commencé il y a environ deux ans, quand toutes les grandes surfaces se sont détournées du bio en même temps, en une courte période, se souvient Jean-Christophe Sussmann. La demande a reculé de 40 à 50 %. Ils ont retiré nos produits bio pour les remplacer par des produits 'premiers prix' importés d’Espagne et du Maroc, pour tenter de faire baisser l’inflation". 

Cette ferme, qui jusque-là fonctionnait très bien, a subi de plein fouet ce désintérêt, à la fois de la part des consommateurs, mais aussi de la part de ceux qui mettaient ses produits sur le marché. 
La situation est devenue compliquée pour toute la filière, avec une responsabilité de la grande distribution "qui a augmenté de façon considérable ses marges sur les produits bio, ce qui freine le consommateur qui n’a plus les moyens."

"Ils ont alors retiré nos produits bio de leurs paniers, pour les remplacer par des produits premiers prix, importés d’Espagne et du Maroc, moins chers et bon marché, pour baisser l’inflation, regrette l'agriculteur. C’est ainsi qu'a commencé le 'désamour du bio', comme ils l’appellent."

Voici deux ans, Jean-Christophe Sussmann et Julien Scharsch ont même dû jeter une grande partie de leur récolte, car elle leur était restée sur les bras lorsque, du jour au lendemain, les supermarchés ont cessé d’acheter leurs produits.

La hausse des charges

Des prix de vente à la hausse, l'inflation et la hausse des tarifs de l'énergie ont aggravé la situation. Les charges ont considérablement augmenté, à cause du prix des carburants, mais aussi de celui de l'électricité, qui a vu sa facture multipliée par quatre, alors que les légumes doivent être stockés en chambre froide. Pour les deux producteurs bio, le surcoût d’énergie est de 100 000 euros en une année. Ils tentent de maintenir le cap tant bien que mal, mais dans la douleur.
 
Ils ont dû s’adapter, en produisant beaucoup moins, pour ne pas devoir vendre leurs produits en dessous d’un certain seuil. Ils avaient ensemencé 40 hectares il y a deux ans, aujourd’hui ils ont réduit cette superficie de moitié. Et de leurs trente salariés, il n’en reste plus qu’une dizaine aujourd’hui.

Pour tenter de survivre, ils ont été obligés de développer d’autres produits, tels des plats cuisinés, comme les galettes de pommes de terre préparées par Albert, un ancien cuisinier qui les vend au magasin, le vendredi soir et le samedi matin.

Travailler à perte

Démoralisé, Jean-Christophe Sussmann songe parfois à recycler ses hangars ou à les louer, pour voir enfin le bout du tunnel. Les deux maraîchers sont aigris, car ils ont l’impression que le fond du problème est financier et politique et qu’à leur niveau, ils n’ont aucun pouvoir pour changer les choses. "Tout est pensé pour faire marcher les grandes industries, et rien n’est fait pour que les petits agriculteurs puissent survivre", lancent-ils, amers.

Et leur cas est loin d'être isolé. Certains maraîchers bio ont déjà cessé leur activité, ou sont passés en conventionnel. Par ailleurs, dès le 3 mai dernier, 432 dossiers pour bénéficier d’un plan d’aide d’urgence avaient été déposés, rien qu'en Alsace.

 
 
 
 
 

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