Alors que la fin de 2023 est marquée par une canicule tardive, des prévisionnistes reçoivent des critiques les accusant d'en "faire trop". C'est le cas de l'association Météo Suivi Alsace qui a décidé de ne plus répondre à ces internautes considérés comme climatosceptiques voire complotistes.
"C'est normal, on est en été", "Chaude, ok. Caniculaire, faudrait quand même arrêter un moment", "Arrêtons le catastrophisme". Ces commentaires, ce sont ceux que reçoivent les prévisionnistes de Météo Suivi Alsace et Atmo-Risk. Depuis la mi-août 2023 et le début de l'épisode caniculaire en France, certains tentent de minimiser l'impact des températures exceptionnellement élevées.
Ce phénomène nouveau, qui inonde les réseaux sociaux, s'étend au niveau national. "C'est de plus en plus fréquent au fil des années et ce n'est pas seulement chez nous. Plusieurs de nos collègues et des médias sont attaqués de la même façon, que ce soit sur Twitter ou Facebook", constate Loïc Alter, prévisionniste et président de l'association Météo Suivi Alsace depuis dix ans.
Malgré leurs travaux détaillés et les relevés météorologiques dont disposent ces professionnels, il est difficile de se faire entendre. "Aujourd'hui, les fausses informations sont relayées très facilement. Certains vont y adhérer et cela provoque un effet cascade. Les prévisions que nous fournissons sont chiffrées et sourcées, et pourtant certains préfèrent rester sur leur position et nier l'impact du dérèglement climatique", ajoute-t-il.
Le dialogue impossible
En guise de réponse, Météo Suivi Alsace et Atmo-Risk font de la pédagogie. "On est là pour apporter notre expérience et expliquer les prévisions météo. Lorsqu'on voit ce genre de commentaire, on privilégie le dialogue. Au début, on essaye de répondre en apportant des preuves concrètes. Certains changent d'avis, d'autres campent sur leurs positions", explique Loïc Alter.
L'association reçoit également plusieurs messages privés frôlant parfois le harcèlement. "Ce sont, le plus souvent, des complotistes qui nous accusent de mentir. On essaye de leur mettre les chiffres sous le nez, mais ils répondent que tout est truqué et manipulé. On a donc abandonné", déplore-t-il.
Ce n'est pas à vous de décider ce qui est caniculaire ou chaud
Christophe Mertz, prévisionniste pour Atmo-Risk
Après avoir tenté la pédagogie et le calme, le dialogue est vite devenu impossible avec certains. Les prévisionnistes de Météo Suivi Alsace ont décidé de publier un message sur leur page Facebook en guise de protestation. "Difficile de gérer tant de commentaires négatifs ces jours-ci avec la canicule...On arrête donc de répondre à chacun au profit d’une publication plus générale adressée à ceux qui ne prennent pas la peine de lire les différentes publications avant de commenter le message tendance : normal, c’est l’été", peut-on lire.
Les responsables d'Atmo-Risk sont aussi en colère . À un commentaire disant que le mot "canicule est devenu une mode", Christophe Mertz ne mâche pas ses mots. "Regardez donc les températures archivées avant de dire de telles énormités. Je suis toujours stupéfait comme le 'ressenti' humain déforme ou 'oublie' les années récentes. Les 38° à Strasbourg de juillet et août 2022... les 36° de 2020, les 38.8° de juin 2019, les 38.7° d’août 2015... Ce n'est pas à vous de décider ce qui est caniculaire ou chaud", écrit-il.
La canicule tardive, un phénomène nouveau
Les prévisionnistes affirment avoir peur de ne plus être écoutés par une frange de la population. Un problème d'ampleur, alors même que le dérèglement climatique s'intensifie depuis une dizaine d'années. "Il faut que les gens comprennent que non, ce ne sont pas des températures estivales normales. En Alsace, on est 8 à 9 degrés au-dessus des moyennes pour une fin août", alerte Loïc Alter.
"D'autres nous disent qu'il faisait aussi chaud lorsqu'ils étaient plus jeunes, dans les années 1970-1980. Des canicules ont certes eu lieu à l'époque, mais aujourd'hui elles sont plus nombreuses, plus longues avec des températures plus élevées".
En effet, la canicule qui touche le pays depuis le 19 août est la plus tardive jamais observée en France depuis le début des relevés météo. "Ces épisodes caniculaires sont causés par le réchauffement climatique et vont se répéter dans les années à venir", prévoit-il.
En Alsace, le pic de chaleur atteint 36° et se poursuivra ce jeudi. Les orages arriveront en fin de semaine et seront accompagnés d'une baisse drastique des températures.