Témoignages. Pauvreté : "le 15 du mois, je ne sais pas ce que je vais pouvoir mettre dans l'assiette"

Publié le Mis à jour le Écrit par Florence Grandon

Caritas a sorti un rapport pour faire le point sur la pauvreté en Alsace. Plus de 85% des personnes accueillies et suivies par Caritas ont moins de 800 euros de revenus par an. Les mères célibataires mais aussi les retraités, la pauvreté touche tous les âges. Louis et Christelle ont accepté de nous parler de leurs difficultés au quotidien.

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Louis est retraité et touche une très petite retraite après une opération et des problèmes de santé. Christelle est aide-ménagère, elle a une fille de huit ans et elle s'est mariée récemment. Tous deux ont du mal à subvenir à leurs besoins, ils sont obligés de demander une aide alimentaire à Caritas, un soulagement dans leur quotidien difficile.

Louis à Oberkuzenhausen se sent isolé et peu soutenu

Louis n'a pas peur des mots. "Je suis dans une précarité très profonde. Le 15 du mois, on n'a plus rien". Il vit avec sa femme à Oberkuzenhausen, près de Soultz-sur-Foret, dans le Nord du Bas-Rhin.

A 62 ans, il touche une petite retraite de 299 euros par mois pour son activité en France. Il a travaillé de longues années en Allemagne, "mais pour toucher ma retraite allemande, il faut que j'attende d'avoir 67 ans. Si je la touche maintenant, ils enlèveront 10 ou 15%, donc je préfère attendre. Même comme ça, je n'arriverai pas à 1000 euros, je serai loin en dessous, mais ça sera plus confortable qu'aujourd'hui."

Si Louis est dans cette situation, c'est à cause de graves problèmes de santé. Atteint de diabète, il a été amputé des deux pieds à 56 ans, et il a aussi des problèmes de reins. Après avoir touché le chômage, il a eu droit au RSA. Et maintenant c'est cette petite retraite partielle qui a pris le relai.

"Une fois le loyer et les charges payées, vers le 15 du mois, on n'a plus rien. Avec ma femme, on a heureusement la possibilité d'aller chez Caritas pour chercher des colis de nourriture. Ça nous fait chaud au cœur, parce que se retrouver dans cette situation et ne pas savoir quoi mettre dans l'assiette le lendemain, c'est très dur."

Ça nous fait chaud au cœur, parce que se retrouver dans cette situation et ne pas savoir quoi mettre dans l'assiette le lendemain, c'est très dur.

Louis, retraité et bénéficiaire de Caritas

Louis se sent très isolé et peu soutenu. "J'ai fait plein de demandes, auprès de la caisse de retraite complémentaire, à la mairie aussi, mais finalement il n'y a rien pour nous". La CAF a finalement versé une aide au couple, "mais au début nous n'avons eu aucune réponse à nos courriers, il a fallu insister".

Toutes les deux semaines, il peut se rendre à Caritas à Woerth, à 8 km de chez lui, parce qu'il a pu garder sa voiture. "Je fais le plein tous les deux ou trois mois, je fais le minimum. Mais c'est une vieille voiture, alors si elle tombe en panne, je ne sais pas comment je ferais".

Louis se dit prévoyant. Il a toujours des conserves et de la farine pour faire du pain dans ses étagères. Et il essaie de congeler les légumes de son jardin pour passer l'hiver. "Ce n'est pas énorme, alors on se restreint, il n'y a pas le choix". Cet été, la récolte a été moins bonne que l'an dernier. Louis a dû aussi se limiter dans l'arrosage de ses tomates, poireaux et courgettes. "L'eau du robinet coûte cher aussi, on n'a pas pu arroser quand il le fallait cet été".

Christelle à Ferrette

Christelle trouve sa situation injuste. "Beaucoup de gens vivent une situation similaire à la mienne, on fait avec, on n'a pas le choix".

Elle est aide-ménagère et porteuse de publicité, "ce n'est pas un choix. J'étais longtemps célibataire avec une enfant, donc il fallait que je trouve un travail qui me permette d'éviter la cantine et le périscolaire pour ma fille, beaucoup trop chers pour moi. Je fais quinze heures de ménage, c'est peu mais je ne peux pas faire plus. Mon conjoint retravaille en CDD depuis septembre, donc c'est mieux. Mais nous avons plus de 500 euros d'impayés pour un retard de loyer et un trop perçu de la CAF à rembourser, donc c'est très dur..."

"Ma situation était encore pire quand ma fille était plus petite et que j'étais seule, il y a quatre ans j'ai aussi eu des problèmes de santé puis une opération du genou, donc j'étais vraiment dans une situation très critique."

"Maintenant ça va mieux mais on se prive de tout, je ne peux jamais faire de cadeau à ma fille. Et nous avons 175 euros d'électricité par mois à cause de radiateurs qui ne sont plus aux normes et de problèmes d'isolation, dans notre logement social."

Heureusement j'ai encore des pneus neige, donc pas besoin d'en acheter pour continuer à travailler. J'ai besoin de ma voiture pour aller chez les gens et respecter les horaires.

Christelle, aide-ménagère et bénéficiaire de Caritas

"Heureusement j'ai encore des pneus neige, donc pas besoin d'en acheter pour continuer à travailler. J'ai besoin de ma voiture pour aller chez les gens et respecter les horaires. Les bus ne sont pas assez réguliers ici à Ferrette."

Christelle va chercher de l'aide alimentaire chez Caritas toutes les deux semaines. "C'est triste mais on doit rester positif. Ça m'aide vraiment, je n'ai pas le choix pour l'instant."

Ce qui est le plus injuste pour Christelle, c'est la décision de la CAF de lui retirer les 155 d'aides auxquelles elle avait droit pour sa fille au motif que son nouveau conjoint peut subvenir à ses besoins. "Mais ce n'est pas son père, et lui a aussi une pension à verser tous les mois à son ex-femme qui a la garde de ses enfants, donc ce n'est pas juste". 

Cela rend Christelle dépendant de son mari : "quand je n'ai plus d'argent, c'est lui qui fait l'équilibre de mon compte et qui paie les facture". Le couple aimerait déménager dans un logement mieux isolé, "mais on attend 6 mois ou un an encore, quand on aura fini de payer notre dette de loyer et que mon mari aura un CDI".

Heureusement, il y a l'entraide entre voisines. "On s'arrange pour accompagner à tour de rôle les enfants à l'école, ça nous coûte moins cher en carburant. Et on fait circuler les habits, il y a beaucoup de filles dans le quartier, c'est pratique et ça aide bien. Mais bon, on galère, c'est sûr."

Christelle a décidé de témoigner pour qu'on parle des problèmes qu'elle rencontre, comme de nombreuses personnes autour d'elle. Louis et Christelle espèrent que leur situation va s'améliorer, mais l'augmentation du prix de l'énergie et du carburant les inquiètent énormément.

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