Trois photographes alsaciens ont décroché l'or au concours des médailles de la photographie professionnelle française, ce jeudi 5 octobre à Paris. Au total, l'Alsace repart avec dix récompenses, c'est la région la plus distinguée.
"On a fait très, très fort. L'Alsace est tout simplement la meilleure région de France". Etienne List, le président de la fédération alsacienne de la photographie, est encore sur son petit nuage. Dix clichés pris par des professionnels de la région viennent d'être primés par la fédération française de la photographie et des métiers de l'image (FFPMI).
Trois ont même raflé une médaille d'or lors de ce prestigieux concours national, qui se décline en quinze catégories. L'un d'entre eux est justement l'œuvre d'Etienne List. Sa spécialité à lui, le nu. Il a séduit le jury avec une photo en noir et blanc de deux danseuses en mouvement, capturées dans son studio à Strasbourg.
Quatre heures de tournage et 413 prises pour LE cliché qu'il a choisi de présenter. Techniquement très abouti : une lumière maîtrisée et un éclairage volontairement plutôt classique pour le genre, histoire d'aller complètement dans l'émotion véhiculée par les deux modèles.
"L'idée, c'était d'avoir une performance devant l'objectif et pas seulement derrière, raconte le lauréat. Les danseuses sont habituées à la pose mais je les ai sorties de leur zone de confort pour faire de l'art à travers de l'expression corporelle. Je ne cherche pas de l'érotique, du sexy, je veux montrer toute la grâce du corps féminin. Les danseuses ne peuvent pas tenir leur pose deux secondes, elles se mettent en mouvement, et clac, il faut prendre la photo. C'est un effort physique pour elles mais il ne doit pas se sentir, il ne faut pas la moindre crispation. La position des mains, des doigts, tout compte".
Une photo qui intrigue quant à ses conditions de réalisation et dont la lecture n'est pas trop facile, voilà ce à quoi aspirait Etienne List. Faire réfléchir pour se démarquer. Il maîtrise. Deux ans de suite qu'il remporte l'or aux médailles de la photographie professionnelle française.
Après son titre en 2022, il a eu envie de se challenger, se prouver que sa récompense n'était pas qu'un coup de chance. Pari gagné, pour celui qui a également été distingué meilleur ouvrier de France à l'été 2023, en même temps que son ancienne apprentie et désormais collaboratrice Noëmie Schweyckart. Fort de ces honneurs, le duo envisage de proposer des formations sur le nu artistique.
"Les photos les plus épuisantes de toute ma vie"
Chloé Bès, elle, espère profiter de son titre pour charmer encore plus facilement le grand public et se faire un nom. Professionnelle depuis tout juste un an, elle vient de placer les trois photos qu'elle avait sélectionnées pour le concours dans le top quatre, catégorie photographe animalière, dont cette photo d'un renard (médaille d'argent).
Sur la première marche du podium, un cliché très graphique de flamants nains survolant le lac Magadi au Kenya. Le pays de cœur de la jeune femme : avec son compagnon Alexandre - son partenaire de reportages également professionnel - ils rêvaient de survoler la faune depuis un hélicoptère. Un rêve qu'ils se sont offert en octobre 2022, cadeau pour leurs 30 ans.
C'est donc "une grande fierté" pour Chloé Bès de voir sa photographie reconnue. D'autant qu'elle est le fruit de la "séance la plus épuisante de toute sa vie", confie-t-elle. "Pendant deux heures, j'étais suspendue dans le vide, coincée dans un harnais. C'était difficile, il y avait beaucoup de bruit et de vibrations. Il fallait anticiper les mouvements de l'hélicoptère qui avançait très vite. À chaque seconde, les paysages changeaient, les flamants pouvaient avoir disparu."
Un travail de concentration extrême dont elle a pu garder deux ou trois clichés qui "dégagent quelque chose de fort". Celui primé par le jury est bien un cliché couleur, contrairement aux apparences. Un jeu de reflets avec lesquels s'est amusée l'Obernoise, qui exposera nombre de ses œuvres à Rivétoile en novembre et décembre, ainsi que Galerie Goralsky à Obernai pendant le marché de Noël.
"C'est une sorte de validation par des sommités de la profession"
Les contrées lointaines ont également porté bonheur à Adrien Michel. Deux photographies rapportées des Iles Féroé lui ont offert la première (voir ci-dessous) et la troisième place, catégorie nature et paysage. Il avait ciblé la période entre la fin du long hiver féroïen et le début de l'été pour son voyage, en avril 2023. Le moment très bref où l'herbe est jaune, après neuf mois sous la neige.
"La photo représente très bien tout ce qui caractérise les Iles Féroé : une route en lacets très sombre, l'océan, et cette herbe jaunie. Elle symbolise cet esprit de temps qui change tout le temps là-bas, y compris dans une même journée. D'ailleurs, dix minutes après l'avoir prise, on s'est pris une bourrasque de neige", se souvient-il.
Ce qui a fait la différence selon lui, c'est l'effet wouahou qu'elle dégage, "on ne sait pas ce qu'on voit mais on sait que c'est beau", sourit-il modestement, sans trop vouloir s'avancer.
L'ancien ingénieur en électronique, reconverti photographe depuis 2013, s'est aussi illustré en catégorie architecture. Une médaille d'argent sur laquelle il mise le plus car les clichés de bâtiments pour des promoteurs ou des entreprises constituent la majeure partie de son quotidien.
Elle lui servira de carte de visite face à ses clients, espère-t-il : "C'est une sorte de validation et de reconnaissance apportée par des sommités de la profession et qui montrent aux clients qu'ils peuvent avoir confiance". Là est tout l'objet du concours, organisé par la fédération française de la photographie et des métiers de l’image : démontrer la richesse de l'art photographique français et défendre activement la profession.