Chaque hiver, les corbeaux freux sont de plus en plus nombreux à occuper les arbres de nos centres-villes en Alsace. Alors que leurs prédateurs y sont absents, les corvidés en profitent pour y faire leur nid en toute sécurité et se reproduire.
Vous les avez certainement remarqués en quittant votre travail, ou en rentrant chez vous le soir. Les corbeaux freux sont nombreux à survoler et à s’installer dans nos villes, en particulier à Strasbourg, à partir du début de l'hiver. Arrivés dès les années 1970, ces colonies de corvidés se sont bien habituées à l’homme et à son mode de vie urbain. Toutefois, il est rare de les apercevoir en plein jour, et ce n’est pas un hasard.
La journée, ces oiseaux s’agglutinent dans les peupleraies de nos campagnes. "Ce sont des bosquets au milieu des champs, donc ils ont de la nourriture à disposition", indique Christian Dronneau, administrateur à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Alsace. En effet, les corbeaux se nourrissent principalement d’insectes. Les champs de terre sont donc une aubaine pour ces petits gourmands. "De plus, ces arbres sont toujours plantés côte à côte et les corbeaux sont des oiseaux sociaux, qui aiment la proximité".
"Leurs lieux de prédilection sont les campagnes situées à l’ouest de la capitale alsacienne", ajoute-t-il. Une migration qui ne ravit pas certains agriculteurs qui se plaignent de devoir ressemer plusieurs fois leurs graines à cause des corvidés venant picorer leurs champs.
Les villes sont un havre de paix, personne ne fait attention à eux. À la campagne, ils sont chassés
Christian Dronneau, administrateur à la LPO Alsace
Après s’être rempli la panse, les corvidés rejoignent les platanes et tilleuls de nos centres-villes à la tombée de la nuit. Ils volent parfois par centaine au-dessus de nos têtes, rappelant presque l’incontournable long-métrage d’Alfred Hitchcock Les Oiseaux. L’avantage est tout trouvé pour eux, il n’y a, en effet, aucun prédateur de type rapace ou mustélidés (blaireaux, belettes, etc.) qui viendront les attaquer. "Les villes sont un havre de paix, personne ne fait attention à eux. À la campagne, ils sont chassés tant par des animaux que par l’homme qui tire parfois des coups de fusil".
Des corbeaux arrivant des pays de l’Est
Le phénomène n’est toutefois pas nouveau. Dès les années 1970, les colonies de corbeaux en Alsace sont devenues sédentaires, et se sont multipliés. Chaque hiver, ils seraient près de 100.000 dans la région. Leur nombre s’accroît dès les premières vagues de froid. "Les corvidés venus des pays de l’Est fuient le froid polaire et migrent en France", affirme le membre de la LPO. Raison pour laquelle les citadins ont tendance à les voir davantage lors des périodes hivernales.
À Strasbourg, les colonies s’installent chaque soir dans les quartiers de l’Orangerie, place de Bordeaux, le Wacken, l’hôpital civil et sur le boulevard de la Marne. Des endroits prisés pour leurs arbres avec de longues branches sur lesquelles ils forment leurs nids.
Le corbeau, un oiseau agressif ?
En s’installant en ville, les corbeaux ont toutefois dû cohabiter avec les humains. Ils provoquent parfois des nuisances lors de leur période de reproduction au printemps. Dans le quartier de Cronenbourg, une expérimentation a d’ailleurs été menée, par le CNRS, pour tenter de les faire fuir avec des sons émis par des haut-parleurs.
À Illkirch-Graffenstaden, plusieurs riverains du canal du Rhône au Rhin se plaignaient du croassement des corvidés. La municipalité a testé, en 2020, une méthode d’effarouchement avec des tirs pyrotechniques pour faire fuir les oiseaux, mais ne pas les tuer ni les blesser.
En juin 2022, plusieurs personnes se sont faites attaquer par des corvidés dans le parc du Heyritz à Strasbourg. Simon Woolf, 50 ans, a assisté à la scène depuis son bureau. Toujours équipé d’un appareil photo, il prend plusieurs clichés qu’il publie sur sa page Facebook. "Ça a duré près de deux heures. Les petits corvidés étaient sortis de leurs nids et se promenaient sur le sol", sourit-il, "Les promeneurs marchaient donc juste à côté d’eux et cela n’a pas plu aux parents des oisillons". Les passants n’ont toutefois pas été blessés, les corbeaux se sont contentés d’érafler la tête des passants, certainement pour "les effrayer".
De son côté, Christian Dronneau assure qu’il ne s’agissait pas d’une attaque de corbeaux freux mais de corneilles noires. "Ce sont des cas rarissimes et assez nouveau. Les corvidés ont une mauvaise réputation, certainement à cause des superstitions mais ils ne sont pas dangereux, ni agressifs", assure-t-il. Il n’y a ainsi aucun risque à admirer leur passage dans le centre de la capitale alsacienne, chaque soir au coucher du soleil.