VIDEO. D'anciennes casernes peuvent avoir une nouvelle vie

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Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

Bitche, en Moselle, a hérité de plusieurs casernes vides après la dissolution du 4e régiment de cuirassiers qui les occupait jusqu'en 1997. Laissés quelques années sans affectation, ces bâtiments retrouvent peu à peu une nouvelle jeunesse.

Tout à côté du centre-ville, à deux pas de l'Espace culturel Cassin de Bitche, une demi-douzaine de grands bâtiments entoure une vaste place recouverte d'herbe. Les bâtisses sont belles, leurs murs, solides, et les portes et fenêtres encadrées de grès. Mais le tout dégage un petit air d'abandon.

C'est ici, sur ce site appelé Quartier Teyssier, que vivait et travaillait le 4e régiment de cuirassiers, jusqu'à sa dissolution en 1997. A cette date, Bitche, petite ville de moins de 5 000 habitants, s'est donc retrouvée avec des bâtiments dont elle ne savait trop que faire. "Ce n'était pas simple, reconnaît Jacques Helmer, conseiller municipal délégué. La ville a hérité de ce terrain et de ses bâtiments voici plus de vingt ans. Et depuis, certains sont restés vides." 

Pourtant, peu à peu, des besoins nouveaux se sont fait sentir. Et plusieurs bâtiments endormis ont pu retrouver une utilité. L'un, bas et long, "l'ancien mess des sous-officiers", a subi une mue en 2014, pour se transformer en marché couvert. Depuis, chaque samedi matin dès 8h, cette halle accueille des producteurs locaux et une clientèle ravie. "On y organise aussi un marché annuel, ainsi que des fêtes, privées ou associatives" précise l'élu.

Un musée du street art

Aucun panneau extérieur ne signale la nouvelle affectation du bâtiment voisin, sauf un tout petit, côté route. La surprise du visiteur non averti n'en est que plus grande, lorsqu'il en franchit le seuil. Partout, sur les murs, c'est une explosion de couleurs, un festival pour le regard. "On est ici au 'Mausa on the Bitche', explique le fondateur du lieu, Stanislas Belhomme. C'est le deuxième Musée urbain de street art, qui a ouvert en juillet 2023." Le premier, le Mausa Vauban, a été créé en 2018 à Neuf-Brisach.

Depuis un peu plus d'un an, Stanislas Belhomme loue cette caserne désaffectée à la ville, et y "fait intervenir des artistes internationaux, des historiques du street art, qui peignent depuis trente, quarante ans."

Chacun a carte blanche pour réaliser son œuvre dans l'une des pièces. "Ils collent graffent, peignent, pochoirisent… Ils n'ont aucune contrainte, sauf celle de signer leur travail (…) Et on a la chance, ici, d'avoir tous les représentants des différents mouvements du street art. Des Américains, des Brésiliens, des Anglais…"

"On est ravis de sauver ces lieux par la culture, résume le fondateur du Mausa. C'est un endroit idéal, en ville, dans des bâtiments sains et qu'on ne laisse plus à l'abandon." 

La salle des Reynes, encore en projet

Un autre bâtiment de la caserne Teyssier se dresse directement en bordure de route. C'est l'ancien mess des officiers. L'intérieur, quoique défraîchi, a de beaux volumes, une superbe salle ornée d'un vitrail en rosace, et un ancien bar.

"Pour ce lieu, on est encore en pleine réflexion, reconnaît Jacques Helmer. Rien n'est décidé. C'était un lieu de restauration, et de réception. Nous pourrions le consacrer à de l'événementiel, ou peut-être y organiser des expositions, ou y créer un musée… ce genre de choses." 

Bitche et ses casernes, une longue histoire   

C'est bien sûr cette dernière option que Joël Beck, président de la SHAL (société d'histoire et d'archéologie lorraine) du Pays de Bitche, appelle de ses vœux, rêvant d'un musée sur ce site historique du quartier Teyssier. "C'est probablement la caserne la plus importante de Bitche"  lance-t-il. "Elle a été construite en 1898, en période allemande, et s'appelait 'Freyherr von Falkenstein'." Le nom Teyssier lui a été attribué en 1918, lorsque la Moselle est redevenue française, en l'honneur du défenseur de la citadelle durant le conflit franco-prussien de 1870.

Mais le passé militaire de Bitche remonte encore à bien plus loin. "Bitche a toujours été une fortification" rappelle Cyrill Fritz, l'actuel directeur de la Citadelle et du Jardin pour la paix. Au Moyen-Age, il y avait un château-fort sur le rocher autour duquel la ville se blottit. "Et quand les Français sont arrivés en 1680, ils y ont construit une citadelle, plus majestueuse que l'ancien castel."

Cette première citadelle, œuvre de l'architecte Vauban, a été détruite un siècle plus tard, lorsque Bitche a été rétrocédée au Saint-Empire. Puis reconstruite par Cormontaigne, un héritier de Vauban, quand Louis XV a reconquis la ville.

"Mais pour défendre une telle citadelle, il faut aussi des casernes, ajoute Cyrill Fritz. Pas seulement des murs, également des hommes. Donc pas uniquement des casernes sur les hauteurs, près des fortifications, aussi dans la ville." La Moselle, comme l'Alsace, est devenue allemande en 1871. Alors "de nouveaux régiments, venus de Prusse, ont été envoyés à Bitche, et on a aussi créé un camp d'entraînement militaire." D'où la construction de quatre casernes intra-muros, pour loger tout le monde.

Deux casernes aujourd'hui disparues

Moins grandes que Teyssier, il y avait aussi la caserne Langlois, qui s'étendait à l'emplacement de l'actuelle place de la mairie. Et, en face, Trummelet-Faber, dans une zone occupée actuellement par des banques.

Ces deux casernes "avaient été touchées lors de la 2e guerre mondiale, et fragilisées. Donc on les a démolies entre 1945 et 1950" explique Roland Mazacz, membre de la SHAL du Pays de Bitche. D'anciennes caves, retrouvées récemment lors de travaux d'assainissement, montrent bien par leur emplacement "que la ville et les militaires étaient inextricablement liés."

Le siège de la Communauté de communes

De la dernière caserne urbaine, Aynié, seul un bâtiment est resté debout. Egalement sans affectation depuis la fin du 20e siècle, il a retrouvé une nouvelle vie depuis 2016. Il abrite désormais le siège de la Communauté de communes du Pays de Bitche.

"L'extérieur du bâtiment a été laissé tel quel, précise François Huver, vice-président de la Commcomm et architecte de métier. Mais à l'intérieur, on a pu aménager une salle où les 66 conseillers communaux peuvent siéger." Les escaliers sont restés là où ils étaient, ainsi que les deux murs porteurs au milieu du bâtiment. "Seuls les bureaux ont été un peu adaptés."

François Huver mesure pleinement l'intérêt d'avoir réussi à conserver et recycler cette bâtisse. "C'est une bonne chose, car un bâtiment d'une telle qualité, construit en 1890 avec des encadrements et des angles en grès des Vosges, on n'aurait plus la main d'œuvre pour le faire aujourd'hui, ou alors, ça coûterait une fortune."

Perçues comme un présent empoisonné pour la commune voici un quart de siècle, ces vieilles casernes vidées reprennent aujourd'hui leurs lettres de noblesse. Dans le quartier Teyssier, une étude de faisabilité est en cours, concernant un projet de regroupement scolaire. L'idée serait de réunir les enfants des deux écoles maternelles et des trois écoles primaires dans trois des bâtiments encore vides. Et leur permettre de profiter d'une cantine et d'un accueil périscolaire également sur place.

Au départ, ces casernes, "ce n'était pas vraiment un cadeau, reconnaît Jacques Helmer. Mais aujourd'hui, avec le projet de 'zéro artificialisation des sols' qui nous attend, elles constituent aussi des réserves foncières qui peuvent s'avérer bien utiles. Car à l'avenir, on ne pourra plus construire autant de lotissements. Et on a encore quelques idées de ce qu'on va pouvoir en faire."

Le Mausa on the Bitche est fermé en ce début d'année. Il devrait rouvrir dès février. 

 

 

 

 

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