Le tramway fait partie du paysage dans les villes, comme Strasbourg. Mais on ne connaît pas toujours son histoire de longue date. A une époque, il roulait même jusqu'à Erstein. Une exposition et un livre retracent son épopée jusque dans les années 1960.
Sur une page de son livre, une vieille photo en noir et blanc, prise place Kléber à Strasbourg, à la fin du 19e siècle. L'on y voit un cheval tirant ce qui ressemble à une très grande calèche... en fait, le premier tramway. "Il s'agissait d'une hippomobile", nous explique Jean-Pierre Zimmermann, le co-auteur de l'ouvrage "Une histoire alsacienne 1878-1960. Le tramway strasbourgeois", qui vient de paraître. Ancien traminot (conducteur de tramway), il a travaillé avec son ancien collègue Francis Diemer, ex-magasinier à la CTS (Compagnie des Transports Strasbourgeois), à l'élaboration d'un livre faisant la part belle au personnel de la compagnie à travers les époques. Résultat : une rétrospective de 82 ans richement illustrée, avec des photos inédites issues de collections privées.
Un tramway pour désenclaver les campagnes
Il y a les anciens conducteurs, appelés "wattman", les receveurs qui poinçonnaient les tickets, et les femmes, venues travailler dans les tramways durant les deux guerres mondiales. Ou encore, des cartes professionnelles, pour certaines écrites en allemand. Car c'est sous l'époque allemande que l'Alsace s'est dotée d'un réseau de tramway, notamment autour de Strasbourg. Peu à peu, les hippomobiles ont laissé place à des tramways à vapeur, puis des wagons électrifiés, après la Première guerre mondiale. Le but étant de desservir les campagnes, grandes oubliées du tracé du train. "Le Kochersberg, par exemple, était délaissé. Politiquement, il fallait faire quelque chose pour permettre aux ruraux de venir travailler et vendre leurs marchandises en ville", explique Guy Hansen, président de l'association Le Vieil Erstein.
Une exposition à Erstein
A Erstein, justement, les férus d'histoire de l'association ont monté une exposition au sein de la médiathèque pour retracer l'histoire du tramway dans la commune et aux alentours. L'on y apprend, par exemple, que le tram s'arrêtait devant la sucrerie, route du Rhin, sur la ligne Strasbourg-Marckolsheim. "Il fallait deux heures pour aller de bout en bout", poursuit Guy Hansen. Ou encore, que les banquettes étaient en bois, à l'époque, plutôt inconfortables... Mais placées de sorte à ce que les gens de la campagne puissent s'asseoir avec leurs gros paniers ou leurs poules qu'ils allaient vendre à la ville.
Parmi les derniers témoins de la présence du tram à Erstein, Fernand Hertrich se souvient : "J'avais 14 ans à l'époque. Je prenais le tram pour me rendre à la gare et ensuite aller au collège technique. Je l'entendais klaxonner à 7h du matin, et j'avalais alors mon café au lait avant de courir le prendre.. souvent je sautais dessus alors qu'il roulait", raconte-t-il le sourire aux lèvres. C'était en 1958, rue du général de Gaulle, devant l'actuel musée de l'Etappenstall.
Clap de fin... et retour
Deux ans après, en mai 1960, c'en était fini du tramway. Victime du succès des autobus, plus rapides, et des voitures, le tram strasbourgeois a littéralement eu des "funérailles", avec un cortège suivi par des milliers de visiteurs. "La veille, les gens sont venus de partout, de Bischheim, Schiltigheim, des quartiers du Neudorf et du Neuhof, pour mettre des fleurs sur le passage du dernier tram", raconte Jean-Pierre Zimmermann. Ensuite, les wagons de bois ont été brûlés par la CTS... et la ferraille récupérée pour d'autres constructions. Le tram a disparu jusqu'en 1994, où il a recommencé à rouler à Strasbourg. Mais cela, c'est une autre histoire.
Livre "Une histoire alsacienne 1878-1960. Le tramway strasbourgeois", Jean-Pierre Zimmermann et Francis Diemer, en librairie
