Ardennes : "J'étais réparateur à domicile de radios et de postes de télévisions." Retour sur 68 ans de passion

A 80 ans, Bernard Adam, retraité à La Francheville dans les Ardennes, est un pionnier de la maintenance électronique. Depuis 1952, ce radioamateur passionné réparait à domicile les postes de radios et de télévisions. Aujourd'hui, son métier a disparu. 

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Il y a un indice pour trouver la maison de Bernard sur les hauteurs du village de La Francheville dans les Ardennes. Ce dimanche 7 juin, c'est un grand pylône surmonté d'antennes un peu bizarres qui me guident chez ce passionné d'électronique. Pas de doute, je ressens de bonnes ondes à l'adresse indiquée, ça module sur les fréquences par ici. 

 

 

Quand l'homme vous invite a passer la porte du petit atelier, c'est une machine à remonter le temps qui s'enclenche. Un mur d'appareils électroniques, d'émetteurs-récepteurs longues distances, et d'appareils de mesures, semble former un cercle dont Bernard est le centre. Des dizaines de voyants clignotent dans tous les sens, des signaux électriques se dessinent sur les oscilloscopes, et l'on entend des voix et de la friture à la sortie des hauts parleurs.

Bernard Adam, 80 ans, est aux manettes et retrouve ses réflexes de radioamateur, l'une de ses passions. La radio, c'est son premier amour, le début de l'histoire.

" Moi, j’ai commencé par dépanner des radios au début, des postes à lampes, j’avais seulement 12 ans ! " m'annonce-t-il fièrement en brandissant le micro d'un émetteur.

 

 

 

 

" J’avais un instituteur, qui avait remarqué que l’électronique m’intéressait. Il m’avait offert un livre qui s’appelait « la radio, c’est très simple ». Je me suis fait des cours tout seul.
Ensuite, j'ai passé mon examen d’électronique. J’ai vu naître les transistors, et ensuite les premiers téléviseurs lourds, à lampes. J’ai vu l’évolution technologique de la lampe, le transistor, et ensuite la télé. J’ai vécu la chaîne complète. Il n’y avait même pas de télécommande sur les postes à l’époque".

 

Des ampoules plein les mains

Bernard a vraiment commencé en 1958 en faisant du dépannage et du montage d’antennes. Il travaillait pour des magasins de Charleville-Mézières qui vendaient des téléviseurs, et c’est lui qui se déplaçait pour faire les réparations, à domicile, chez les clients.

Quand il revient sur cette période bien singulière, ses yeux brillent : " Moi, ça toujours été l’entretien des radios, des télévisions, et des petits appareils. J’étais salarié et artisan, je faisais les deux".

 

 

 

 

J’étais donc réparateur de matériels électroniques, d'appareils hi-fi, de chaînes stéréos, de postes de radio et de télévision, et d'électroménager également.
Les personnes téléphonaient le matin à mon épouse, elle établissait la liste des dépannages à faire, et moi, je partais réparer chez les clients. J’avais une valise de dépannage, avec un compartiment pour les lampes, et des boites avec le petit matériel, des condensateurs, des résistances. À côté, j’avais le fer à souder, l’outillage, et des appareils de mesures.

Bernard Adam, réparateur de télévisions dans les Ardennes 

 

 

 

 

" J'étais payé avec un lapin, des légumes..."

Les tournées dans les Ardennes pour voler au secours des postes à l'agonie sont pleines d'anecdotes. En 1960, une télévision avoisinait le prix d'une petite voiture. La moindre panne était très vite vécue comme un drame.

Bernard raconte ses interventions en 1960 : " Quand on arrivait pour faire un dépannage chez les gens, on était accueilli comme un docteur, comme un toubib. À l’époque, les gens n’avaient que la télé en noir et blanc, elle coûtait très cher, donc nous, on arrivait, on était le bon Dieu. 

 

 

On m’appelait les soirs de réveillon, le jour de Noël pour dépanner en urgence un poste.
Je rentrais chez moi à plus de 22 h, le réveillon était déjà bien commencé.
J’aurais pu faire le réveillon chez les clients à l’époque. En repartant, on me payait quelques fois avec un lapin, des légumes".

 

 

 

Un métier en panne

Des dizaines de millions de postes de télévision ont été vendus depuis les années 70. Les petits écrans arrondis et enchâssés dans d'énormes caisses en bois ont fait place aux écrans plats de dernière génération. Le prix des téléviseurs a fondu, en France, beaucoup de foyers en possèdent même plusieurs.

Devant ce progrès technologique sans appel, Bernard garde tout de même un œil critique sur notre époque.

" Il n'y n’avait qu’une seule chaîne, télé Luxembourg, au début, dans cette région ! " rappelle-t-il avec nostalgie.

" Ensuite, seulement, on a eu la première chaîne, la deuxième et la trois. Aujourd’hui, on a des centaines de chaînes, on a tout amélioré, mais on a rien fait pour les dépanneurs. Maintenant, ce sont des pavés électroniques, averc circuit intégré par exemple, et quand on demande aux vendeurs, ils ne connaissent pas".

 

 

 

 

Ils achètent des platines, qu’ils font fabriquer à l’étranger, et ensuite, ils assemblent, ce sont des assembleurs en fin de comptes. Si on veut dépanner la platine, il faut l’acheter entièrement. Le prix de vente reviendrait à acheter un téléviseur neuf aujourd’hui. On ne peut plus réparer, ce n'est pas possible.

Bernard Adam, réparateur de télévisions dans les Ardennes

 

Le retraité passionné explique son approche du métier de réparateur : " En matière de pannes, on avait un petit peu de tout. C’était des résistances qui brûlaient, des condensateurs qui provoquaient des court-circuit, des lampes qui vacillaient. Dans les écrans plats d’aujourd’hui, il y a toutes sortes de pannes, mais on n’y touche plus.
Nous, on réparait tout, il n’y a pas un seul téléviseur qui partait à la casse, sauf quand il commençait à être très vieux. Les gens gardaient leur téléviseur 30 ans parfois".

Bernard rend l'antenne

Bernard, le technicien radioamateur, est toujours connu sous l'identifiant F 5 Québec Bravo.
C’est un indicatif comme un numéro de voiture. Ces premiers appareils de transmission et de réception, il les a construit lui-même. Ses mains sont toujours agiles pour souder et redonner vie à d'anciens appareils.

 



Même s'il n'a plus à parcourir les Ardennes avec sa valise de dépanneur, il garde le micro, et lance encore régulièrement des appels sur la fréquence, avec un enthousiasme à toutes épreuves.

  

  

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