En cette mi-février glaciale, les dernières inondations de la Meuse semblent figées dans le paysage ardennais. A Warcq, on connait bien les caprices du fleuve et la vie des habitants s'est organisée à ses côtés.
Le pâle soleil de ce jeudi 11 février ne fait pas oublier les températures sibériennes qui s'affichent depuis ce matin. Dans le village de Warcq, à quelques kilomètres de Charleville-Mézières, seuls les courageux et les sportifs se croisent emmitouflés comme il se doit. Dans ce paysage féerique, l'eau gelée en partie transforme les sentiers de promenades en patinoire géante, le fleuve a envahi une fois de plus les parcelles et les jardins.
Ici, la petite "rue du rivage" porte bien son nom : elle débouche directement sur la Meuse. Et au bout de quelques mètres, on ne va pas plus loin. Comme chaque année, la Meuse vient lécher les premiers pas de portes des maisons.
Même pas peur
Carole habite au bout du sentier qui a disparu sous les eaux. Ce matin, elle a fait un détour pour approcher le fleuve et constater son avancée. Pourtant, la riveraine n'est pas inquiète. On sait dompter le cours d'eau désormais, de gros travaux ont été menés depuis 25 ans.
"Les jardins sont inondés, mais ce n'est pas grave !" Me lance-t-elle en m'indiquant du regard l'arrière des habitations. "Depuis la grande crue de 1995, depuis surtout les travaux qui ont été lancés, on n'a pratiquement plus d'eau dans les maisons. La coupe sèche qui a été faite derrière la Meuse a vraiment été utile, il fallait faire quelques choses. Avant, dès qu'il y avait les grosses pluies ou la fonte de la neige, ça remontait encore plus. En 1995, on a eu 1,80 m d'eau dans la maison."
Carole vit depuis 1980 dans la grande maison de sa mère. Pas question de quitter ce village si pittoresque dont quelques couples de cigognes ont élu domicile sur le toit de la mairie. Mais quand on lui demande son sentiment sur ces crues à répétitions, ça réponse est bien tranchée : " Non, on ne s'habitue pas vraiment !
La Meuse, on préfère qu'elle reste dans son lit. On est en zone inondable, ça impacte un peu. On ne peut pas construire de garages. Une fois que l'eau est là, on ne peut rien faire. On s'y fait, on ne gère pas, on subit. On surveille, car on sait qu'elle va monter chaque année et on croise les doigts."
Le 28 janvier 1995, les journaux télévisés tentaient de décrire cette crue exceptionnelle. La Meuse n'avait profité d'aucun aménagement et on dénonçait déjà le manque de moyens pour la contenir, ainsi que les travaux qui auraient dû être réalisés.
Découvrez cette archive de l'époque :
Une vie au ralenti
Un peu plus loin dans le centre du village de Warcq, le parc de jeux derrière la mairie est devenu une île. Le toboggan semble avoir les quatre pieds dans la glace et le petit parcours d'escalade pour enfants surplombe désormais un miroir d'eau gelée. L'eau s'approche des terrasses et des propriétés de l'endroit, les passages sont interdits. C'est une situation commune en cette fin d'hiver dans des dizaines de villages du Grand Est. Les températures négatives de la journée n'en ralentissent que les effets.
Dans le bureau de tabac du centre, la commerçante en place depuis seulement 5 ans, estime que c'est une situation gérable désormais. Elle a eu écho du désastre de 95, mais les inondations sont mineures aujourd'hui. En sortant de la boutique, on aperçoit encore dans certaines rues les traces du passage de l'eau sur plus de deux mètres. Certaines maisons noyées à l'époque n'ont pas trouvé preneurs, il faut séduire à nouveau et faire oublier le secteur inondable.
Pour la maire de Warcq, Marie-Annick Pierquin (sans étiquette), le traumatisme de la grande crue dévastatrice est encore présent dans les mémoires. Toutefois, des niveaux d'alertes ont été mis en place depuis 1995 et la vigilance est quotidienne en période de crue. "On a mis en place un protocole à respecter quand la Meuse monte à certaines hauteurs. Tout le monde sait ce que l'on doit faire, et l'aide à apporter. Les habitants du villages le savent, et à partir d'un certain seuil de crue, il faut retirer les voitures par exemple. On les prévient, on affiche les informations, et il faut avouer que depuis 1995, il n'y a plus cette inquiétude. Visuellement, on sait qu'il y a un carrefour où la Meuse fait un virage à cet endroit là, il y a une partie de pelouse qui se trouve entre la rue et le fleuve, ainsi on en déduit que c'est un repère visuel pour les habitants."
On a aussi des réglettes qui indiquent le niveau. On collecte des informations du Grand-Est et par le site Vigicrues lorsqu'on sait qu'elle est haute au niveau de Sedan, on peut évaluer nos calculs à partir de cela. On est ainsi plus sereins avec des garanties qui sont fiables.
À Montcy aussi
Le long de la voie verte qui longe la Meuse sur plus de 100 km, l'eau à recouvert les terres sur plusieurs centaines de mètres. Ici aussi, les habitants du bas du village de Montcy Notre Dame vivent au rythme des crues et voient leurs jardins engloutis. Les méandres du fleuve à cet endroit favorisent la sortie de son lit après chaque grosse pluie.
Il faudra encore plusieurs jours pour retrouver un paysage familier et un sentier de balade opérationnel.
Le site Vigicrues offre une carte de vigilance et prévision des inondations précise et actualisée pour se tenir informer.