Dimanche 12 janvier, le collectif des "Gars Pilleurs 08" a distribué de la nourriture issue des poubelles de supermarchés à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Installée place Ducale, l'opération anti-gaspillage alimentaire a rencontré un vif succès.
"Rien ne se perd, tout se récupère", le slogan des "Gars Pilleurs" est limpide. Reprenant une citation de Lavoisier, à peine déformée, elle affiche un objectif : éviter le gaspillage alimentaire. Pour la première distribution de l'année dans les Ardennes, ce collectif des "Gars Pilleurs 08", mi-robin des bois, mi-écolo-solidaire, a donné rendez-vous au public ce dimanche 12 janvier au matin, via sa page Facebook dès samedi soir.
"Première grande distribution de denrées alimentaires récupérées, demain à Charleville-Mézières ! Rendez vous à 10h30 au pied de la fontaine de Gonzague !". Le succès ne s'est pas fait attendre. "Nous habitons Charleville-Mézières, il était donc logique de faire une action de ce type sur ''notre" territoire", précise le collectif que nous avons contacté.
Le principe de leur action dans les Ardennes, est issu d'un mouvement national : "Dénoncer les pratiques des supermarchés, le gaspillage alimentaire qui y est pratiqué. Les supermarchés ont obligation aujourd'hui, si leur taille dépasse 400m², de donner les invendus et les produits non périmés à des associations (Restos du Coeur, Secours Populaire et plein d'autres). Or, en faisant les poubelles de ces mêmes magasins, on se rend vite compte que ce n'est pas le cas aujourd'hui".
Pour le moment, ce groupe militant souhaite rester anonyme. "Et nous allons certainement le rester dans un premier temps. L'accès aux poubelles des magasins est souvent interdit, les locaux à poubelles étant souvent derrière des murs de taules. Nous nous exposons donc à des poursuites, d'où l'anonymat. Lors de la collecte dans les poubelles, nous étions 2 pour sortir près de 200 kg de marchandises jetées et encore largement consommables", indique notre contact.
Ce dimanche, sur la place Ducale de Charleville-Mézières, vers 10h30, des marchandises ont donc été déposées. Lors de la distribution, ils étaient quatre, puis deux personnes ont rejoint le groupe, suite à la création de la page Facebook dédiée aux publications sur ce thème. "Je ne saurais pas vous donner un nombre exact, mais minimum 60 personnes se sont approchées, ont discuté et parfois sont reparties avec des marchandises", précise notre interlocuteur. "Ces marchandises sont très variées, cela va des plats préparés aux légumes et fruits en passant par les briques de jus de fruits ou de soupe".L'accès aux poubelles des magasins est souvent interdit, les locaux à poubelles étant souvent derrière des murs de taules. Nous nous exposons donc à des poursuites, d'où l'anonymat.
- Le collectif Gars Pilleurs 08
L'opération publique a rencontré un écho favorable auprès de la population à Charleville. Sur le plan philosophique, la démarche plaît, mais aussi tout simplement, pour ces produits jetés à la poubelle et pourtant encore comestibles. "Nous avons eu un réel engouement des passants pour les fruits et les légumes frais. Des produits qui pour un défaut d'esthétique sont jetés. Le but de ce mouvement, Les Gars'Pilleurs, est de dénoncer les mauvaises pratiques de supermarchés, de faire réfléchir les citoyens sur leur mode de consommation".
Nous avons par exemple appris que beaucoup de gens ne font plus attention aux "dates de péremptions", les fameuses DLC. On sait aujourd'hui que pour certains produits, ils sont encore consommables quelques jours après, voire des mois ou des années.
-Le collectif Gars pilleurs 08
Selon le collectif Gars Pilleurs 08, la loi Egalim, cette ordonnance relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire n'est pas respectée. "Le meilleur exemple étant un pack de canettes de soda, un pack de 15 canettes, jeté car une seule était percée. La date de péremption étant 2021....Et ce n'est pas tout, nous avons aussi des petits pots pour bébé jetés alors que la date est avril 2021. On peut donc affirmer que la ''loi anti-gaspillage'' n'est pas respectée".
Les associations ne sont-elles pas suffisamment armées pour faire en sorte que les dons alimentaires des supermarchés soient plus efficaces et que moins de denrées alimentaires ne soient jetées ? "L'alliance que nous comptons mettre en place avec des associations caritatives, sera d'aiguiller ces associations vers les magasins où nous trouvons des produits jetés.
Les associations auront ainsi des preuves que les magasins sont dans l'illégalité et que les arguments donnés par ces supermarché de "pas de stocks" ou encore de "flux tendus et donc pas de gaspillage" sont faux.
- le collectif Gars Pilleurs 08
Des pratiques d'hier, qui consistaient à asperger les aliments jetés avec de l'eau de javel, sont interdites aujourd'hui. "Mais cela a longtemps été le cas, affirme le collectif ardennais, ouvrir les paquets et mettre de l'eau de javel dessus. Cependant, des dérives existent encore en 2020. On nous a parlé de marc de café jeté dessus pour éviter de récupérer".
Mode d'emploi
La suite de leur action, ces "citoyens lambdas" l'annonceront sur leur page Facebook. "Ce n'est pas un acte politique mais purement citoyen. La portée de nos actions est sur les consommateurs, et non contre la grande distribution. Nous ne souhaitons pas nous engager avec des partis politiques".
Sur le site national des "Gars pilleurs", une carte est à disposition pour trouver les supermarchés et leurs poubelles. "En vue satellite vous y trouverez vos trésors, checkez l’endroit où se trouvent les poubelles et plongez-y la nuit !" est-il écrit, malgré l'interdiction d'y pénétrer, car ces lieux sont privés. Avec même un mode d'emploi pour agir.
Nouvelles obligations légales en janvier 2020
Le gaspillage alimentaire fait pourtant l'objet de plusieurs obligations légales. Une ordonnance étend à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective et de l’industrie agroalimentaire l’interdiction, qui s’applique déjà aux distributeurs du secteur alimentaire, de rendre les invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation. Une amende de 3.750 euros est prévue pour le non-respect de cette interdiction, qui peut être assortie de la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion par voie de presse.La commission mixte paritaire sur le projet de #LoiAntigaspillage a conclu un accord !
— Brune Poirson (@brunepoirson) January 8, 2020
Je suis très heureuse que nos parlementaires aient travaillé dans un esprit de rassemblement pour l’écologie, au-delà des clivages, fidèle à la vision que le @gouvernementFR a voulu porter. pic.twitter.com/2BK2VHOSfR
L'ordonnance étend également aux opérateurs de la restauration collective, préparant plus de 3.000 repas par jour et ceux de l’industrie agroalimentaire réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros, l’obligation de proposer une convention aux associations habilitées d’aide alimentaire pour le don de denrées consommables et non vendues. Ces opérateurs devront rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire à compter du 1er janvier 2020.