À Charleville-Mézières, les patients ne peuvent plus passer d'IRM à la polyclinique du Parc. L'appareil qui fournit des radiographies du corps humain est hors service, depuis mercredi 8 mars. Un événement "involontaire" survenu après une coupure de courant organisée, à l'initiative de la CGT. La panne de l'instrument perturbe cette installation de santé.
10 jours sans IRM, à la polyclinique du Parc de Charleville-Mézières. Une conséquence d'une coupure de courant revendiquée par la CGT, qu'elle dit "regretter" et qu'elle présente comme "non programmée". Un arrêt volontaire, dans le cadre de la mobilisation contre le projet de réforme des retraites. La panne dure depuis mercredi 8 mars, en milieu d'après-midi.
Aucun blessé n’est à déplorer, malgré "le bruit d'explosion" décrit dans le rapport des pompiers du SDIS des Ardennes. En revanche, l'IRM est pour l'instant inutilisable. La préfecture des Ardennes évoque même la "destruction d’un équipement matériel lourd de radiologie". Ce qui entraîne la mise au chômage technique de 10 salariés et l'annulation d'environ 50 examens de radiologie par jour. À la polyclinique, faire sans cet outil de travail continue de poser des problèmes à l'équipe du service imagerie.
Une consultation, puis l'arrêt complet
"On était en pleine consultation, puis l’électricité s’est coupée. Plus de système informatique, plus de lumières du tout", se souvient le docteur Bachir Battata. Alors qu’il consultait comme d’habitude, tout est allé très vite : "Une demi-heure après, on a entendu une petite explosion. On a évacué tout le monde dehors, et il y avait un nuage de fumée un peu blanchâtre qui s’est échappé du toit".
Pour le professionnel de santé, il a fallu se réorganiser en urgence. "Certains patients étaient en cours d’examen. D’autres se faisaient piquer pour l’injection de leur produit de contraste. Quelques-uns avaient les bras qui saignaient, donc il fallait leur mettre les pansements dehors. Tous les examens ont été annulés, reportés : on ne pouvait rien faire", nous explique-t-il.
La coupure volontaire, en plusieurs endroits de Charleville-Mézières (Ardennes) a touché la polyclinique, en pleine heure d’affluence. Un événement inattendu, mais heureusement sans conséquence sur le moment, à en croire le praticien : "On n’a pas eu d’incident, mais on aurait pu avoir des conséquences fâcheuses, notamment avec le produit d’injection. Heureusement, ce n’était pas le cas. Les autres conséquences, c’est qu’un patient puisse rester bloqué à l’intérieur de la machine. S’il a peur, s’il stresse, il peut faire un malaise".
Des conséquences sur le suivi de certains patients
Quelques salles de soin plus loin, son collègue, le docteur Baki Gulmez est aussi mitigé. "En scanner et en IRM, on injecte un produit de contraste pour mieux voir les organes, les lésions et les tumeurs. C’est rare, mais parfois, les patients peuvent faire des réactions allergiques. Ces réactions allergiques, quand elles sont graves, nécessitent une réaction très rapide. Elles nécessitent l’électricité, et si ce n’est pas le cas, le patient peut décéder."
Il faut préciser que le cas de figure reste rare, puisque les patients sont interrogés avant de passer cet examen. "Les secrétaires questionnent les personnes, pour éviter au maximum ce cas de figure. Mais ça reste toujours possible", explique-t-il.
On ne peut pas couper l’électricité d’un établissement sanitaire, je considère ça comme un acte criminel.
Baki Gulmez, docteur
Le médecin ne mâche pas ses mots, à l’égard de cette action : "On ne peut pas couper l’électricité d’un établissement sanitaire, je considère ça comme un acte criminel. On peut facilement tuer un patient. Cela peut aussi empêcher l’accomplissement de l’examen de quelqu’un qui est sous surveillance pour un cancer. Il peut y avoir un retard de quinze jours, un mois : on peut perdre énormément de temps. Pour le traitement du cancer, ce peut être trop long."
Le risque est réel, d’après le spécialiste : "Certains patients vont attendre plus longtemps que prévu. S’ils n’ont pas leurs examens ici, ils vont perdre leur rendez-vous avec l’oncologue et avec le chirurgien, dans les autres établissements. La plupart du temps, les cliniciens demandent l’examen. Puis avec le résultat de leur examen, ils retournent voir le clinicien pour avancer dans le traitement."
Cette coupure pourrait avoir aussi un impact sur le fonctionnement du parcours de soins des patients. "Quand il y a un retard ici, il y en a à toutes les étapes suivantes. Sans compter que les chirurgiens, les cliniciens et les oncologues ont déjà un planning bien plein. Résultat : on ne pourra pas prendre plus de patients, et cela causera une gène", ajoute-t-il.
Une reprise incertaine
Peu après cette coupure, une explosion a retenti près de l'établissement de santé. Il se trouve que "c’est le système de sécurité de l’IRM qui s’est mis à l’arrêt", selon le docteur Battata. "Le système d’évacuation a fonctionné pour la première fois. On a une cheminée, qui permet de laisser échapper l’hélium liquide. Ce tuyau laisse échapper l’hélium, qui arrive à l’état gazeux en sortie de cette cheminée", complète-t-il.
Un système de sécurité complexe, qui pourrait être réparé au plus tard dans quatre jours. Tout dépend de l’ampleur des dégâts, comme l’explique Pascal Delahaye, ingénieur de Siemens, société fabricante de l'appareil. "L’IRM, c’est 1000 litres d’hélium sous pression et liquide. En cas de problème, le système se met en sécurité : il fait échapper cet hélium liquide, qui devient gazeux au contact de l’air ambiant", détaille-t-il.
Ce n’est pas le seul élément qu’il faut inspecter : l’appareil comprend un aimant. Si les réglages sont perdus, la remise en route peut prendre du temps. "Si l’aimant a été stressé et s'il n’a plus été refroidi. Il faut le restabiliser en remettant 600 litres d’hélium. Cela implique des temps d’attente, pour que le système se restabilise et qu’il reprenne sa température. Il faut ensuite vérifier tous les réglages pour que tout soit prêt pour le patient", décrit Pascal Delahaye.
Une remise en marche progressive et incertaine, après une action inattendue. Interrogée par France 3 Champagne-Ardenne, la représentante de la CGT maintient la revendication sur ces coupures et ajoute "qu’à aucun moment, la polyclinique n’a été visée par l’action".