Le 30 septembre, le centre européen des métiers d'art installé à Givet dans les Ardennes, devrait fermer ses portes définitivement. Il existait depuis 33 ans. La faute au manque de financement et de sucesseur.
C'est une histoire de passion et de territoire. Une histoire d'époque révolue, dans le nord des Ardennes, à Givet, 6.755 habitants. Celle d'un homme, Roger-Pierre Durracq, ébéniste de profession, spécialisé dans la marquetterie XVIIIe, qui avec son épouse, s'est mis au service des artisans d'arts pendant plus de 33 ans. L'histoire se terminera le 30 septembre 2020. Ce jour-là, il va fermer définitivement le "centre européen des métiers d'arts". Un local de 650 mètres carré, installé sur les bords de la Meuse, à Givet. Dans un lieu qui appartient à la mairie et attire chaque année plus de 6.000 visiteurs.
Roger-Pierre Durracq est un homme dépité. "Depuis l'arrivée de la Grande région et la loi NOTRE, toutes les subventions qui nous étaient destinées ont disparu. On nous ignore, on ne nous donne plus rien, à une époque on avait 20.000 visiteurs par an. Puis ça a baissé, il y a eu des inondations, des pertes d’entreprises, et aujourd'hui on est carrément sinistré. Avant de fermer, j’ai tiré toutes les sonnettes possible pour trouver du personnel et continuer la mission au service des artisans d'art, on ne trouve personne. Si, on avait trouvé une femme veuve pour tenir le centre. Elle avait besoin de travailler. Elle avait un contrat aidé sur deux ans, et on nous a supprimé les contrats aidés". Amer, ce passionné va donc lâcher l'affaire.
Ce centre des métiers d'art, c'est son bébé. Une association, dont le but est de commercialiser les produits des artisans d’art dans la région. "On ne vit pas sur leur dos. C’est une vitrine du savoir-faire local. Même au-delà puisque notre projet a été financé à 50 % par l’Europe. Depuis 33 ans, on a ces derniers temps entre 5 et 6.000 visiteurs par an en moyenne. Vue la conjoncture, on a dû licencier et aujourd’hui mon épouse et moi, nous sommes bénévoles depuis plus d’un an. Y en a marre. On entend parler des métiers d’arts notamment lors des journées du Patrimoine, mais dans la réalité, c’est pas ça du tout". Il déplore un manque de soutien général.
Un problème culturel
Selon cet artisan, le chamboulement du métier a rendu invisible les artisans d'art. Leur valeur n'est plus reconnue. "Le public ne se rend plus compte des choses, vous avez des objets extra ordinaires. On ne voit plus ça ailleurs. Nous on cherche la qualité". Aujourd'hui, il se sent abandonné. "Beaucoup de gens viennent en ce moment et sont désolés d'apprendre la fermeture du lieu, mais c’est trop tard. Il va y avoir un gros vide". Alors il replonge dans ses souvenirs, nombreux, ceux d'une autre époque.Dans les années 1980, en 1985 précisemment, le ministre de la culture belge était venu sur place acheter des oeuvres. Permettant aux artisans du secteur de prendre une envergure internationale. En 33 ans, il en a vu des artistes se réaliser. Ce centre était une sorte de vitrine pour ceux qui ne savaient pas comment vendre et exposer leur travail. Une époque où internet n'existait pas. "Vous savez, les artisans sont à fond dans le boulot et surtout pas des commerçants, pour eux, il n’y a que le boulot qui compte. Donc on voulait les aider. Les gens ne savaient pas ce que c’était un métier d’art, on a donc fait un festival dans les Ardennes, on avait du monde…on facilitait aussi les transactions douanières".
Fin d'une époque
Parmi ceux qui doivent leur carrière à ce lieu emblématique, Marc Chevalier-Lacombe, un sculpteur aujourd'hui en retraite dans le Loir-et-Cher. "Ce lieu m’a permis d’avoir confiance en moi. Quand j'ai appris que ce centre allait fermer, je n'y croyais pas, je suis affolé, car c’était une référence". Il rend un hommage au fondateur. "Trouver des gens qui ont sa force et sa détermination, sans affairisme, c’est rare. Il a fait fonctionner ce centre à bout de bras. J’en suis convaincu. Il faisait ça sérieusement. Il exposait du grand et du petit artisanat. Presque du luxe. Le ministre belge de la culture m’a commandé des pièces, et cela m’a grandement aidé. Même la ville de Givet m’a acheté des consoles".La fin d’une époque où l’on était aidé. Le Gouvernement s’y prend mal avec les métiers d’arts. Il ya plein de structures ronflantes, mais pas vis a vis des artisans.
"A une époque on était subventionné mais aujourd’hui tous les ministères ont vu leur dotation diminuer…". L’art n’est plus une priorité pour l’Etat selon le fondateur des lieux. Le maire de Givet, Robert Itucci, lui ne peut que constater la fin de l'histoire. Il n'a pas les moyens d'en faire plus. "C'est une tristesse, comme chaque fermeture. Il prend sa retraite sans successeur". Mais un espoir subsisterait, il a appris ce 24 septembre qu'il y aurait peut-être un repreneur, mais rien de concret pour l’instant. "Une personne pourrait continuer pour prendre la suite mais c’est un écho…"Rien n'est confirmé pour l'instant.
Le local sera vidé le 30 septembre, il était ouvert chaque jour de l’année. Sur le plan touristique, l'office de tourisme local confirme que cela devrait se sentir dans cette commune frontalière avec la Belgique.