Dans les Ardennes, la fièvre catarrhale touche de plein fouet les éleveurs de moutons. Les vaccins se sont fait attendre et les décès sont importants depuis deux semaines au sein des troupeaux. Les éleveurs que nous avons rencontrés font part de leur désarroi.
Ce samedi 24 août au matin, Bruno Miser, éleveur de moutons à Blanchefosse-et-Bay dans les Ardennes, a découvert deux nouvelles bêtes mortes de la fièvre catarrhale ovine (FCO) au sein de son cheptel. Et le terrible décompte ne devrait pas s'arrêter, à en croire les symptômes observés pour d'autres moutons de son exploitation, déjà bien mal-en-point.
L'éleveur, vice-président de la fédération des éleveurs de moutons des Ardennes, réclame des vaccins depuis le mois d'octobre. Il ne les a reçus que mardi dernier. C'est trop tard, selon lui, pour sauver ses bêtes, malgré des soins préventifs.
"On a des incompétents en face, tranche-t-il. Les hauts stratèges ne savent peut-être même plus ce que c'est qu'un mouton. Il va falloir que ces gens-là remettent les pieds sur terre, qu'ils viennent dans les fermes. Le ministre de l'Agriculture, on l'invite. Qu'il vienne nous voir, qu'on lui explique ce qui se passe dans nos fermes. Qu'il voit le résultat d'un vaccin qui a été fourni un mois trop tard."
"Vous croyez que ça me fait plaisir de faire le tour de mes moutons et de les voir dans cet état-là tous les jours ? J'en suis malade quand je fais le tour", se désespère l'éleveur.
Quatre fois plus de foyers en huit jours
La fièvre catarrhale, transmise par un moucheron, avait déjà touché les Ardennes en 2006. L'épizootie (l'équivalent d'une épidémie pour les animaux) prend rapidement de l'ampleur cette année. Le nombre de foyers de FCO a été multiplié par quatre en huit jours en France.
On comptait 41 foyers dans six départements, le dernier bilan dressé par le ministère de l'Agriculture fait désormais état de 190 foyers confirmés au 22 août dans dix départements (Aisne, Ardennes, Haute-Marne, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Nord, Oise, Pas-de-Calais).
Dans la ferme de Pascal Guichard, à Marlemont, à une dizaine de kilomètres de celle de Bruno Miser, trois moutons ont déjà perdu la vie et une dizaine d'autres sont malades. La reproduction à venir est remise en cause.
"Aujourd'hui on prépare les béliers, on commence à leur donner des cures de vitamines minérales pour bien les préparer. Aujourd'hui, les béliers sont dans le 'coaltar', ils font de la fièvre, ils ne sont pas bien du tout. Ils risquent d'être complètement stériles", craint l'éleveur Pascal Guichard. "Qu'est-ce qu'on peut faire aujourd'hui ? On est vraiment découragés. Je ne comprends pas pourquoi les Belges ont pu vacciner début juin et que nous n'avons pas pu le faire."
Ces éleveurs risquent de constater des complications durant les gestations et de voir naître moins d'agneaux l'année prochaine. Certaines vaches de Bruno Miser, atteintes elles aussi, mettent bas en avance. Un veau n'a pas survécu.
La fièvre catarrhale ovine, maladie non transmissible à l'homme, se manifeste par de la fièvre, des troubles respiratoires, une langue pendante ou encore la perte des petits en gestation et parfois par la mort des animaux. Sa détection n'entraîne pas l'abattage des bêtes, contrairement à la grippe aviaire. Elle touche aussi les bovins, mais avec une mortalité très faible.
Les Pays-Bas et l'Allemagne comptaient mi-août plusieurs milliers de foyers, la Belgique plusieurs centaines. Le nouveau sérotype 3 du virus a été décelé pour la première fois en Europe en septembre 2023, aux Pays-Bas, avant de s'étendre aux pays voisins dans les mois suivants et d'arriver début août en France, au Luxembourg et au Danemark.
Le gouvernement assure être "à l'écoute"
Face à l'accélération de la propagation, le gouvernement affirme être "à l'écoute des éleveurs" et surveiller la "dynamique de la maladie" avant d'envisager ou pas de nouvelles commandes de vaccins.
Le ministère de l'Agriculture note qu'il y a eu des "lenteurs" chez les transporteurs en raison du week-end du 15 août, mais souligne que "les commandes ont été lancées dès l'autorisation des vaccins par l'Anses (agence sanitaire)" le 5 juillet.
"On a comprimé les délais au maximum, la campagne de vaccination a débuté avant l'arrivée des premiers cas (...) et la France est le seul pays à prendre entièrement en charge la vaccination", pour un coût estimé à ce jour à "7,5 millions d'euros", a-t-on ajouté.
La FCO est présente depuis des années en France mais avec d'autres sérotypes. Le sud du pays est actuellement confronté à une épizootie virulente de FCO de sérotype 8. "Il s'agit d'une maladie différente de la FCO 3 et pour laquelle un vaccin existe", a-t-on souligné au ministère, rappelant que le vaccin contre la FCO 8 avait été "pris en charge par l'Etat de 2008 à 2018", année à partir de laquelle la maladie a été considérée comme endémique en France.
(avec AFP)