Paroles de transfrontaliers face à la Covid 19 : des Ardennes à la Belgique

Des Ardennes à la Belgique, comment les habitants vivent la situation actuelle avec la Covid-19. Professeur de lettres, restaurateurs, administratrice de domaine naturel, artiste. Témoignages de cinq personnes qui résident des deux côtés de la frontière. 

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Estelle Drion est professeure de lettres au collège de Carignan. Une distance de 15 km la sépare de la Belgique. Pour l'enseignante de 49 ans, mère de deux enfants, la situation est tenable même si les contraintes sont là. "Je suis une privilégiée, car notre vie n'a pas été véritablement chamboulée même si je suis privée de théâtre, d'opéra et de cinéma, mes principaux loisirs sont préservés, car je passe la plupart de mon temps à lire ou à marcher". Estelle continue à faire cours à ses élèves, ses enfants scolarisés au lycée continuent à poursuivre leurs études. 

"Ma fille prépare le bac et passe ses journées à travailler, elles suivent encore leurs cours de musique en Belgique, car là-bas, ils ont toujours poursuivi leurs enseignements en présence" se réjouit Estelle. Elle-même continue à se rendre à Florenville pour faire ses courses tout en respectant le couvre-feu. "C'est encore tenable et le moral est plutôt bon" reconnaît-elle. Même si elle regrette de ne plus pouvoir aller voir sa famille qui est au Luxembourg. Autres nouvelles qui la préoccupent, celles des nouveaux variants du Covid. Elle s'interroge sur la virulence de ces mutations, elle qui a attrapé la Covid- 19 en février, l'année dernière.

 "J'ai été malade et j'ai eu une perte du goût et de l'odorat. À l'époque, j'ignorais que c'était la Covid mais quand j'ai été informée des symptômes de la maladie, j'ai fait une prise de sang et c'est comme ça que j'ai su que j'avais attrapé le virus" relate Estelle. Les variants l'inquiètent, car elle sait aussi qu'en l'ayant attrapé une fois, elle n'est pas pour autant immunisée. 

 

"Ce virus a fait tout arrêter"

Pour Armelle et Gérard Body, le moral est plutôt bas. Depuis octobre, ils ne vont plus en Belgique. Georges était habitué à s'y rendre une fois par semaine pour acheter sa marchandise pour son restaurant "L'Eau à la Bouche", situé à Charleville-Mézières.  Aujourd'hui, il se désespère. " Je ne sais plus comment c'est la Belgique. On ne voit plus personne et cela nous manque énormément ". Le couple ardennais a vécu plus de 30 ans en Belgique, depuis quelques années, ils ont ressenti le besoin de revenir à Charleville-Mézières d'où Georges est natif. "Le monde va mal. Personne n'a connu de guerre et ce virus a fait tout arrêter. J'ai l'impression de vivre un roman de science-fiction" se désespère Georges. 

Et ce matin, Georges est excédé. Depuis une semaine, il cherche à joindre son comptable, car il a besoin de renouveler sa demande de PGE ( Prêt garanti par l'Etat). Armelle et Georges sont restaurateurs à Charleville-Mézières. Ils tiennent un restaurant qui propose des spécialités belges. Armelle est inquiète et triste, car elle vient d'annoncer à son employée que son contrat ne va pas être renouvelé. "Son CDD se termine fin janvier et nous lui avons annoncé que compte tenu de la situation, il était préférable de ne pas le renouveler " explique Georges. Le couple tient avec l'aide de l'état qui s'élève à 1500 €.

"Avec cette somme, nous devons régler les charges de notre restaurant et nos charges pour notre foyer, c'est bien en-dessous de nos revenus habituels " précise Georges, qui  n'aime pas la terminologie "d'aide de l'état". Pour le restaurateur, âgé de 64 ans, l'état devrait parler de dédommagement, car la perte de leur chiffre d'affaires est colossale. " Nous sommes obligés de puiser dans notre trésorerie pour ne pas couler " alerte-t-il. Le couple tente de garder le moral d'autant que leurs projets initialement prévus avant la Covid 19 sont en suspens. 

"Notre trésorerie devait nous servir à préparer notre retraite, car nous avions prévu de vendre notre affaire en octobre dernier. Seulement, avec le second confinement, la visite initialement prévue a été reportée, du coup, on est dans le flou total pour la suite" regrette Georges. Armelle a 57 ans ce qui lui manque, c'est surtout le contact avec les clients. Aujourd'hui, le couple fait de la vente à emporter, mais s'inquiète du chiffre d'affaires pour l'année 2020. Pour le PGE, l'aide allouée était calculée sur le chiffre d'affaires de 2019 qui étaient bons, mais si la situation se poursuit le chiffre d'affaires de 2020 est dérisoire et "comment vont être calculées ces aides", se demande le couple. 

Brigitte Malou est l'administratrice du parc animalier et des Grottes de Han-sur-Lesse. Elle fait confiance aux autorités. "À titre professionnel, je serais ravie de pouvoir accueillir à nouveau nos visiteurs qu’ils soient belges ou français" nous dit-elle. Le domaine avait pu rouvrir ses portes en juin, en présentant de nouveaux gloutons nés durant le premier confinement. Mais le second a contraint à une nouvelle fermeture.


"Mais à titre privé, je fais confiance à nos autorités, je pense que nous devons faire tout ce qu’il faut pour sortir de cette situation dangereuse et surtout imprévisible, et la fermeture temporaire des frontières, si elle est pénible pour beaucoup, me paraît être une mesure raisonnable dans le contexte actuel. En principe, il y aura des exceptions pour les travailleurs transfrontaliers, pour les voyages professionnels ou pour d’autres raisons impérieuses."

 

 

" Je m'inquiète pour les jeunes"

A Aubrives et à Givet, dans les Ardennes, Nathalie Danaux, professeure de chant, enseigne à ses élèves par visioconférence. Elle réside dans les Ardennes belges. Artiste, chanteuse, compositrice-interprète, d’origine liégeoise, en plus d'être professeure au conservatoire de Givet, elle a créé une association, à Aubrives : « Moi, je veux chanter ». Tous les mardis, avant le confinement, elle y retrouvait ses élèves, de 8 à 74 ans, pour un cours de chant. Depuis le confinement, les cours du conservatoire de Givet, où elle enseigne, sont suspendus, comme ceux de son association à Aubrives, mais elle poursuit son enseignement par visioconférence, des cours à distance par vidéo. Les chants s'élèvent dans son appartement à Gedinne en Belgique.


En ce qui concerne la situation sanitaire et les dernières mesures gouvernementales, elle prend son mal en patience, mais ne se fait guère d'illusion pour les prochains mois. " En tant que frontalière, habitant dans un périmètre de 20 kilomètres, je peux continuer à passer la frontière pour faire mes courses, et venir chercher le courrier de l'association. Sinon, je continue mes cours en visioconférence, les cours de chant étant la seule discipline qui n'a pas pu reprendre en présentiel et de toute manière avec votre confinement à 18h, les cours que je donnais au conservatoire de Givet n'étaient pas possible, puisque ceux-ci débutaient à 17h, pour les plus jeunes après l'école et les adultes après le boulot" explique Nathalie.

A Aubrives, son association ne pouvant toujours pas disposer de salles, là aussi elle poursuit les cours en visio. A vrai dire ce qui interpelle cette professeure, c'est l'angoisse perceptible auprès des plus jeunes. "J'ai parmi mes élèves deux jeunes filles d'une vingtaine d'année, qui m'en font part, ce manque de perspective pour l'avenir, pas de projets, passer ses journées devant l'ordinateur pour les cours ou le travail, ne pas pouvoir se rencontrer, je pense sincèrement que la jeunesse souffre beaucoup, c'est une période cruciale, où on a une multitude d'envies : expérimenter des choses... se planter... recommencer... échanger avec les copains, les copines... on se forge des souvenirs avec l'envie de croquer la vie à pleine dent ! confie-t-elle.

C'est une des raisons, pour lesquelles, il est important, selon elle, d'entretenir le lien par visioconférence. Elle prépare d'ailleurs un salon : "Prochainement, nous allons créer un salon, ce qui permettra à tout le monde de se retrouver, chacun pourra interpréter les chansons que nous travaillons individuellement et ainsi tenter de retrouver un peu de notre belle complicité et de notre joie de vivre qui caractérise les ateliers de chant en présentiel".


Un 3ème confinement déjà intégré

Pour les annonces attendues prochainement, Estelle Brion est stoïque et pense qu'un reconfinement comme octobre sera appliqué. Il faudra respecter les consignes et demander encore des efforts même si elle reconnaît que refaire des attestations de déplacements rajoutent des contraintes. "Même si c'est pratique avec l'attestation pré- remplie en ligne, cela reste une contrainte supplémentaire" admet-elle. 
Estelle reconnaît qu'être privée de montagne serait la seule chose qui pourrait la déranger. Elle le saura en écoutant la prochaine communication du gouvernement. Ce qui l'inquiète aussi, c'est l'été. "Les gens sont prêts à faire des efforts, mais si en été on poursuit dans cette situation, je crains que cela difficilement tenable". 

Armelle et Georges Body n'attendent rien. Ils savent qu'aucune bonne annonce concernant leur secteur ne sera annoncée. Georges espère que le plan d'aide sera renforcé. Il n'envisage pas un meilleur avenir avant 2022. 

Brigitte Malou espère que d’ici les vacances de Pâques, la situation se sera stabilisée et qu'elle pourra de nouveau ouvrir les portes du domaine de Han.

Nathalie Danaux finalise la réalisation d'un nouvel album de ses créations, qu'elle compte bien sortir cette année. "Comme il faut se réinventer, trouver une nouvelle manière de se produire, de communiquer, je réfléchis et m'informe beaucoup sur différentes stratégies pour faire connaître et diffuser au mieux sa musique. Je profite également de cette longue période de confinement pour aborder un autre art, le théâtre. Je sais que nous vivons une période difficile, mais j'aime cultiver l'espérance d'un monde meilleur. De toute chose négative, il en ressort toujours quelque chose de positif. Je ne voudrais pas être à la place de nos dirigeants, qui naviguent plus que jamais en eau trouble..." 

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