Ce fut le feuilleton de l’été. De ces séries à rebondissements qui, souvent, se terminent bien. Mais Sedan et son club de football n’étaient pas au cœur d’une fiction. Ce qu’ils ont vécu les a plongés dans une réalité où, rancœur, rancune, inimitié, argent, pouvoirs et mensonges ont entrainé le CSSA au fond. Touché, coulé sans grand espoir de retour.
Essentiel pour nous. La rédaction de France 3 Champagne-Ardenne a décidé d’enquêter sur le CSSA. Aborder, dans le fond, cet échec. Lui donner une autre allure que celle des règlements de comptes et des petites phrases. Sortir du complot que certains ont alimenté. Ouvrir le champ des responsabilités et comprendre pourquoi ce club a disparu de la sphère du football de haut niveau. Comprendre aussi les décisions de la Fédération Française de Football.
C’est une faillite collective où chaque protagoniste local a sa part de responsabilité.
7 e du championnat de National à la fin de la saison 2022-2023. Le Club Sportif de Sedan Ardennes, le club au sanglier, est l'emblème de toute une région. Le CSSA représente, pour ses supporters, une véritable identité. N’est pas Sedanais, ni supporters de Sedan, qui veut. C’est dans la peau, dans l’héritage familial.
Le CSSA est plus que centenaire. C’est 17 saisons consécutives au plus haut niveau du football français. C’est, épinglé à son palmarès, deux coupes de France. Des années 50-60 au top ! C’est aussi deux autres finales de coupe perdues, la dernière en 2005, et celle de 1999. Une année signée par la remontée en 1ère division. Les années 2000, elles, sont plutôt sous le signe des atermoiements. Elles nécessitent, pour les supporters, d'avoir le cœur bien accroché ! Un véritable ascenseur émotionnel entre la D1 et la D2 devenues Ligue 1 et Ligue 2, jusqu’à la première descente aux enfers en 2013.
Le club connaît, alors, sa première liquidation judiciaire. Une liquidation non soldée à ce jour. Il est endetté à hauteur de 12 millions d’euros et, à l’époque, personne ne mise sur sa sauvegarde.
Herbillon-Dubois : pour le meilleur et pour le pire
Pas question, alors, pour Didier Herbillon, maire de Sedan, de ne pas se battre pour son club. Et en 2013, les deux repreneurs potentiels sont : Marc Dubois et Guy Cotret. Le premier duel du genre.
"Mr Herbillon a choisi Mr Dubois malheureusement pour le club, explique Guy Cotret sur les rangs pour le rachat du CSSA en 2013 et 2023. C’est Pascal Urano, le président sortant, qui m’avait proposé. J’avais trouvé un investisseur, celui qui m’a suivi ensuite à l’AJ Auxerre et qui a permis à ce club de poursuivre sa route alors qu’il était relégué administrativement".
En colère d’avoir été écarté, Guy Cotret suivra, pendant 10 ans, plus ou moins discrètement, le CSSA, jusqu’à faire régulièrement des propositions de rachat. Toujours refusées par le président en place, Marc Dubois.
"Je n’étais pas content à l’époque. J’ai été balayé alors que… reprend Guy Cotret. La décision de Mr Herbillon, à ce moment-là, tient vraisemblablement sur des perspectives financières qui sont plus alléchantes, attrayantes. Sûrement que Mr Herbillon pense alors que les poches de Mr Dubois sont plus profondes que celles de mon investisseur, ce qui était sans doute le cas d’ailleurs. Sauf que Marc Dubois n’y connaissait rien au football. Sauf que moi, et ni voyez aucune prétention, j’avais une petite compétence. On croit qu’il ne faut que de l’argent. Il en faut et même beaucoup. Mais il n’y a quand même pas que ça. Il faut s’y connaître pour monter un club et lui redonner le lustre que se promettait de donner Mr Dubois. Mais je n’ai sans doute pas tous les éléments pour vous répondre. Aujourd’hui, c’est plutôt un sujet que l’on évite."
"Je ne suis pas à l’origine de Marc Dubois dans les Ardennes, se défend Didier Herbillon. Celui qui est à l’origine de cela c’est l’ancien directeur général des services du département. Comment voulez-vous que je préfère qui à quoi ? C’est n’importe quoi cette affaire-là. C’était des discussions qui étaient privées entre Pascal Urano (le président en 2013) et ceux qui voulaient reprendre le club. Moi je n’ai rien à voir là-dedans, ça n’a pas de sens. Je n’ai donné l’absolution à personne. Je n’avais pas ce pouvoir-là, ce n’était pas moi le propriétaire du club. Ça s’est joué au tribunal. Marc Dubois achète le club au tribunal. Guy Cotret aurait pu faire la même chose finalement. Qu’est-ce qui l’empêchait de le faire"?
"Je suis venu parce que Mr Herbillon et les élus du département m'ont dit 'venez', précise Marc Dubois, il y a des investisseurs qui sont là, ce n'est pas tout à fait prêt, venez donner un coup de main. C'est dans cet esprit-là et dans ce cadre-là que je suis arrivé". Un contexte particulier avec des rumeurs de reprise par un prince saoudien. Dans un article de France3 Champagne-Ardenne en date du 3 août 2013, nous évoquions ainsi cette situation. "Pour mémoire, Charles Leclere est un ancien Sedanais de 61 ans, promoteur, installé au Maroc. Il tente de convaincre un prince saoudien afin de racheter le club". Dans un autre article en date du 8 août 2013, la rédaction de France 3 évoquait la reprise par les frères Dubois de cette façon : "Selon nos informations, le montant estimé du rachat est de 2,5 millions d'euros par Marc et Gilles Dubois. Quoi qu'il arrive, ce sont bien eux qui en seront les propriétaires, avec ou sans l'aide de mécènes extérieurs (Prince Saoudien, via Charles Leclère...)". La piste saoudienne était donc bien là lorsque Mac Dubois reprend le club, contrairement à ce que disent MM Herbillon et Ravignon aujourd'hui. Elle échoue en 2013 et est relancée en 2015 pour ne pas aboutir non plus. Depuis le "CSSA a assigné le Prince Fahad devant le Tribunal de Commerce de Sedan et lui réclame 2 millions d’euros de dommages et intérêts, précise Marc Dubois. Le dossier sera évoqué avant la fin de l’année".
La guerre des nerfs autour du CSSA ne date donc pas d’hier. Ces trois personnages, Guy Cotret, Marc Dubois et Didier Herbillon resteront, pendant 10 ans, les acteurs d’une série noire à la finalité toute aussi sombre. Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières et président d’ Ardenne Métropole étant, lui, un acteur de l’ombre.
10 ans et 15,2 millions d'euros
En 2013, lorsque Marc Dubois devient président, l'équipe première descend de Ligue 2 en National 3. Commence un long et dur parcours sportif. Avec d'abord deux montées en deux ans jusqu'en National. L'ambition est affichée, atteindre, dans les meilleurs délais, le plus haut niveau. Mais, évoluer en championnat National, c'est faire face, bien sûr, à la dure loi du sport, mais aussi à un championnat hétéroclite avec des clubs aux statuts professionnels et amateurs. Avec des budgets allant de quelques millions d'euros à plus de 10. C'est jouer dans une cour où petits et grands ont les mêmes ambitions.
Ce milliard sera partagé entre 36 clubs et les 18 clubs de National crèveront la dalle. Le championnat National mérite aujourd’hui, et tout le monde se bat pour, de devenir la Ligue 3
Patrick Trotignon, président du club La Berrichonne de Châteauroux
"Je peux vous dire que gérer un club ce n’est pas simple, explique Patrick Trotignon, président du club de football de Châteauroux, et ancien président du Servette de Genève. C’est facile de tirer à boulet rouge sur ceux ou celles qui dirigent et mettent de l’argent. C’est même insensé. Ce n’est pas marqué dans les lois que l’on doit financer un club de football avec son propre argent".
L'équipe première de la Bérichonne de Châteauroux évolue en National cette saison encore et a réussi, à garder son statut professionnel et son centre de formation. Relégué en 2021, son président dénonce un championnat totalement fou. "Le championnat National ne bénéficie que d'une aide de 250 000 euros par an. C’est l’aumône. Alors que, quand vous êtes en Ligue 2, vous touchez des droits télé à hauteur de 4 millions d’euros par club et vous avez quasiment les mêmes charges. Marignane, Martigues ou Nîmes doivent se déplacer chaque week-end à Niort, à Avranches, à Sochaux, à Nancy. On ne peut pas continuer ainsi. C’est impossible. Vous êtes dans un championnat qui se dit amateur, mais vous avez les mêmes charges, les mêmes obligations, les mêmes contraintes. C’est un championnat Ligue 2 Canada dry sans les moyens. Les objectifs de la Ligue de football Professionnel c’est d’avoir un milliard d’euros de droits télé, dit encore Patrick Trotignon. Ce milliard sera partagé entre 36 clubs et les 18 clubs de National crèveront la dalle. Le championnat National mérite aujourd’hui, et tout le monde se bat pour, de devenir la Ligue 3".
Le 7 septembre dernier, l'ensemble des présidents des clubs du championnat de National a été reçu par le président de la Fédération Française de Football, Philippe Diallo. "C’est quelque chose d’assez inédit, reprend le président de Châteauroux. Dans cette réunion, tout a été exposé au président de la fédération. S’il ne se passe rien, je pense que les clubs vont réagir. Ce n’est pas possible de continuer comme cela. Vous pouvez questionner qui vous voulez, mais un président de club qui fait quatre ou cinq ans de suite en National, il rend les armes, ce n’est pas viable. Qu’est-ce qu'a fait Marc Dubois ? Ça fait 10 ans. Il a été courageux".
J'ai décidé de ne pas aller plus loin, si je n'étais pas remboursé du fiasco de la gestion du stade.
Marc Dubois, président du CSSA de 2013 à 2023
Président de 2013 à 2023, Marc Dubois a investi son argent personnel à hauteur de 15,2 millions d'euros. Ça n'a pas suffi, ou peut-être était-ce trop ? Auraient-ils dû arrêter avant ? Agiter le drapeau rouge plus tôt ? Actionnaire à 100 %, Marc Dubois et ses enfants, à la tête du groupe APlus Santé installé dans le sud de la France, n'ont pas réussi à rassembler autour d'eux. Ils n'ont pas réussi leur défi : faire remonter le club au niveau professionnel. Ils ont décidé d'arrêter ce qu'ils appellent "la perfusion".
Le stade Dugauguez, le déclencheur
"Je reconnais avoir commis des erreurs, explique Marc Dubois, président du CSSA pendant 10 ans. C'était un secteur d'activité que je ne connaissais pas. Mais ce procès en permanence de n'être pas un vrai Ardennais, de ne s'intéresser qu'aux gens du sud. Moi j'ai un principe. Si les gens sont loyaux, qu'ils soient Sedanais ou de n'importe quel endroit il n'y a pas de problème. Par contre, quand on me l'a fait à l'envers une fois, on ne me l'a fait pas deux. C'est pour cela que j'ai été amené à resserrer une équipe autour de moi. Encore une fois, ce n'est pas cela qui a changé les choses. Je le rappelle, en juin de cette année, nous sommes 7e de national 1 avec des clubs qui ont des budgets de 10-12 millions d'euros en face de nous. Le boulot, il a été assumé, nous étions aux portes de la Ligue 2".
Depuis qu'il a annoncé son retrait financier, les insultes pleuvent à son égard. "Des injures anonymes bien évidemment. C'est quand même un peu spécial. Je ne demande rien, aucune reconnaissance, reprend l’ancien président du CSSA. Si les gens n'ont pas la capacité de voir ce qui s'est passé, c'est dramatique. Je n'ai rien pris à personne. J'ai décidé de ne pas aller plus loin, si je n'étais pas remboursé du fiasco de la gestion du stade".
Le stade Dugauguez, 23 000 places, inauguré en 2000, est le fleuron du club sportif sedanais. En octobre 2021, lorsque l'association du CSSA signe une convention d'occupation, elle prend à sa charge les frais d'entretien courant et reçoit en contrepartie une subvention annuelle d'un montant de 299 175 euros auxquels sont soustraits les contrats de maintenance. Reste donc 294 756 euros censés couvrir l'entièreté des frais de gestion.
"Il faut rappeler que le stade est la propriété de la ville de Sedan, précise Didier Herbillon, le maire de la ville. On n’a pas transféré sa propriété, mais juste sa gestion. Il y a deux ans, Marc Dubois nous demande de mettre en place une convention de gestion du stade par le club comme ça se fait pour l’Aréna avec le basket. Moi j’ai défendu ce point de vue, Boris Ravignon l’a accepté. On a signé une convention pour qu’ils entretiennent le stade. Mais pas le gros œuvre qui restait à la charge de la collectivité".
Des investissements ont été effectués notamment des réfections de la charpente métallique, des terrasses, des chenaux et de l’étanchéité des circulations gradins, pour un montant de 1 746 043 euros sur 7 ans.
Boris Ravignon, président d'Ardenne Métropole
Dans la convention d'objectifs et de partenariat signée entre Ardenne Métropole et l'association du CSSA en septembre 2021, que nous nous sommes procurés, il est écrit que "la mise à disposition à titre gratuit du stade Dugauguez" (…) est considérée comme une "aide en nature". Il y est aussi indiqué que le montant de la subvention allouée "correspond strictement au montant des charges de sorte qu'il ne puisse être considéré comme un prix".
Dans l'autre convention, celle de mise à disposition du Stade Louis Dugauguez, que nous avons également en notre possession, il est indiqué que "consciente de l'atout que représente le club de football pour le rayonnement de son territoire et pour son attractivité, Ardenne Métropole souhaite lui permettre d'obtenir les moyens de nouvelles ambitions sportives, en lui permettant d'accroître ses recettes et en lui donnant plus de liberté dans l'utilisation de l'équipement". Avant, le club disposait à titre gratuit, sans aucune charge, du stade les jours de match. Désormais, il en dispose en permanence avec les charges courantes à payer grâce à une subvention.
En 2021 ces deux conventions signées vont dans le sens d'un soutien clair de l'institution envers le CSSA. Ardenne Métropole est derrière son club de cœur et souhaite lui donner toutes les chances de gravir les échelons. Comment est-ce possible qu'un an plus tard tout s'arrête ?
Les investissements de l’agglomération
Le Club Sportif de Sedan Ardenne est composé de deux entités. Indispensable fonctionnement pour qui possède une équipe professionnelle. Le CSSA est donc dirigé par une association qui signe toutes les conventions sportives et de partenariats, gère la formation des jeunes et les équipes amateurs. Et par une SAS, société par actions simplifiées, où sont rassemblés les actionnaires qui financent le championnat professionnel. Deux entités avec des gestions et des comptes différents mais qui travaillent main dans la main.
À Sedan, d'octobre 2021 à décembre 2022, l'association CSSA devient donc gestionnaire du stade Dugauguez. Un stade dont elle ne connaît pratiquement rien. "Nous n’avons jamais eu les informations et documents techniques sur le système de chauffage comme sur l’ensemble des autres corps d’état du bâtiment, malgré de multiples demandes auprès d'Ardenne Métropole, explique Marc Dubois. Nous n’avons, par exemple, pu avoir accès aux rapports antérieurs des commissions de sécurité. L’argument avancé par l'institution étant la perte de ses archives informatiques". Une cyberattaque semblerait être à l'origine de cette perte. "Un constat d'huissier a été réalisé au moment de l'entrée en gestion du stade par le CSSA, explique Cédric Branz, vice-président d'Ardenne-Métropole en charge des sports. Marc Dubois savait donc dans quel état était le stade lorsqu'il a signé la convention". Pas tout à fait. Dans ce rapport d'huissier, qu'Ardenne Métropole nous a envoyé, il est question de l'état des locaux, leurs murs, leur peinture, le matériel etc. Pas de la sécurité du site, ni du chauffage ou encore des problèmes électriques.
Et le constat est très vite alarmiste, signale Marc Dubois. Le stade Dugauguez a de gros problèmes d'étanchéité et prend l'eau, depuis sa construction. "Des investissements ont été effectués notamment des réfections de la charpente métallique, des terrasses, des chenaux et de l’étanchéité des circulations gradins, pour un montant de 1 746 043 euros sur 7 ans, nous explique, par écrit, Boris Ravignon, président d'Ardenne Métropole, joignant des documents chiffrés. Également au niveau des salons, loges et circulations : une réfection des sols et peintures a été réalisée. Il affirme aussi qu'entre 2016 et 2022, la communauté d'agglomération "a reçu un total de 3 798 599 euros de la ville de Sedan", soit près de 543 000 euros par an, Ardenne Métropole dépensant, elle, très exactement 5 402 121 euros dans ce même laps de temps.
L’investissement pur, engagé pour améliorer le stade est, lui, très différent en fonction des années. On passe de 38 244 euros en 2016 à 139 286 en 2017 pour aller jusqu’à 526 643 euros en 2020. Entre 2021 et 2022, les investissements sont entre 350 000 et 270 000 euros. "Moi, je ne suis pas gestionnaire d’équipement, je vous le rappelle, dit Didier Herbillon. La ville, elle, fait un chèque de 600 000 euros (pas tout à fait) pour gérer l’équipement. Et je demande systématiquement à la fin de l’année, ce qui a été dépensé, où on en est pour que je vérifie l’utilisation de l’argent public des Sedanais. Et à ce titre il n’y a jamais eu de problème". Une dernière information importante apportée par Boris Ravignon : "La charge correspondant au transfert du stade de la Ville de Sedan à la communauté d’agglomération Ardenne Métropole a été évaluée en 2016 à un montant de 542 657 € dont 486 122€ de coût de fonctionnement". Rappelons encore que la subvention permettant au CSSA d'assurer la gestion du stade Dugauguez au 1er octobre 2021 était de 299 175 euros.
Une gestion difficile
Concernant le chauffage, par exemple, aucune régulation par secteur n'est possible, indique Marc Dubois. C'est tout ou rien. Pour l'électricité, le système d'éclairage par lampes halogènes entraîne une consommation d'énergie énorme. Sans compter des défaillances relevées dans le rapport de vérification périodique réalisé par l'entreprise Dekra en novembre 2022. Ce rapport, que nous avons en notre possession, révèle de nombreux dysfonctionnements. De l'éclairage des blocs de sécurité, de la protection des surcharges, ou encore des "absences de continuité à la terre". Le récapitulatif des observations compte 64 points à remettre en état et conclue : "Nous déclarons que l'installation électrique peut entraîner des risques d'incendie et d'explosion".
"Oh là… Dit Mr Herbillon en réaction au rapport de la société Dekra. Pour cela il faut que vous appeliez le vice-président en charge des sports ou les services de l’agglomération. Mais peut-être, effectivement. D’ailleurs si on avait fait faire une expertise, c’est sans doute que les remédiations étaient prévues. Je n’ai pas été informé. Je ne peux pas tout faire. Si je l’ai mis en gestion, c’est pour que la collectivité se charge de tout cela". Et ce n'est pas Ardenne Métropole qui déclenche cette expertise électrique mais bien le CSSA. "Les installations électriques ont été vérifiées en juillet 2021", reprend Boris Ravignon, avec une levée des observations en août 2021 et avril 2022". Concernant la visite annuelle effectuée par le CSSA en novembre 2022, le président d'Ardenne Métropole explique que les travaux seront terminés "avant le passage de la nouvelle vérification périodique prévue en novembre prochain". Il rajoute aussi que "tout élément défectueux d'une installation électrique peut conduire à un échauffement à plus ou moins long terme, raison pour laquelle le technicien a mentionné dans son rapport que l'installation électrique pouvait entraîner des risques d'incendie et d'explosion".
"Pour un établissement comme celui du Stade Dugauguez, ces 64 points d’observation ne sont pas forcément anormaux, explique le directeur d’agence de la société Dekra à Reims. Nous travaillons sur la base d’un rapport réglementaire édicté par un arrêté. Il faut remettre en perspective cette visite. La conclusion qui y est apportée, à partir du moment où il y a des travaux à effectuer, est normale".
Le rapport de la visite périodique de la société Dekra et sa conclusion, ne remettent donc pas en question l’avis favorable donné par la sous-commission départementale de sécurité contre les risques d'incendie et de panique, en septembre 2022.
L'association CSSA déficitaire dénonce
Quand arrive, ce que tout le monde a subi, c'est-à-dire l'augmentation des coûts des énergies, l'association CSSA se retrouve en grandes difficultés. Il ne s'agit pas d'un appartement de 50 m2 à gérer mais bien d'une structure, en partie à ciel ouvert, de 23 000 places. "Entre octobre 2021 et octobre 2022, l'association du CSSA a dépensé 500 000 euros pour la gestion du stade", explique Marc Dubois. 200 000 euros de plus que la subvention versée. "130 000 euros sont dus à l'explosion du prix des énergies". Le 20 juin 2022 les deux présidents, de l'association, et de la SAS, alertent Ardenne Métropole de la situation. Ils indiquent, déjà, qu'ils devront mettre un terme à la convention de gestion du stade si rien n'est fait pour les aider. Ce premier courrier restera sans réponse. Mais, des réunions ont lieu en novembre 2022 et un profond désaccord subsiste.
On dit, ils ne sont pas sympas, ils n’augmentent pas leur participation pour couvrir l’augmentation des coûts de l’électricité. Encore fallait-il qu’ils soient évalués ces surcoûts. Moi je n’ai jamais eu de factures rien du tout pour que l’on puisse comparer.
Didier Herbillon, maire de Sedan et vice-président d'Ardenne Métropole
Dans un courrier en date du 7 décembre 2022, Cédric Branz, 11e vice-président d'Ardenne Métropole, en charge des sports, adresse un courrier à Marc Dubois qui dit ceci. "Suite à notre rencontre du 23 novembre dernier, j'ai consulté l'exécutif d''Ardenne Métropole concernant les 120 000 euros de solde négatif de la facture d'énergie électrique en défaveur du CSSA (…). Ardenne Métropole a réalisé et engagé depuis le 1er octobre 2021, date de la prise en gestion par votre association, des travaux incombant au gestionnaire pour un montant de 71 650 euros tel que, le remplacement du disjoncteur général (15 000 euros), des 150 blocs d'éclairage de sécurité (14 000 euros), du démarreur de la pompe d'arrosage, des 250 luminaires et mise en conformité électrique du PCC (point de couplage commun) pour 35400 euros (…). Des consommations énergétiques ont également été avancées par Ardenne Métropole d'octobre à décembre (23 650 euros)". Cédric Branz annonce alors que la note due par le CSSA à l'agglomération est de 95 300 euros. "La collectivité a décidé de prendre en charge l'ensemble de ces sommes sans contrepartie financière et vous versera très prochainement la somme de 20 000 euros correspondant au devis publicitaire fourni par votre association". Ardenne Métropole, en déduisant cette somme, qu'elle estime être une dette, balaye la prise en charge de l'augmentation du coût de l'énergie. La demande d'aide du CSSA concernant l'augmentation de ces coûts, entre 2021 et 2022, n'est plus à l'ordre du jour dans ce courrier.
La proposition est refusée par le CSSA considérant qu'une grande partie des sommes demandées n'incombe pas à l'association. Et c'est bien ce qu'indique la convention de mise à disposition du bien. Son article 7 intitulé "obligations" précise, noir sur blanc, "la liste des équipements à renouveler par Ardenne Métropole et notamment l'éclairage terrain, le système de gestion des accès, le système sécurité incendie". Il y est fait aussi mention qu'Ardenne Métropole prendra à sa charge le "renouvellement des gros équipements obsolètes et/ou non réparables" .
Un disjoncteur général à changer dans un stade de 23 000 places, une mise en conformité électrique ou encore 150 blocs d'éclairage de sécurité à remplacer ne relèvent-ils pas du gros œuvre ?
"Ces travaux, (ceux du disjoncteur) , ne relèvent pas du gros œuvre mais de l’entretien courant du stade", explique Boris Ravignon. Par contre, concernant les 250 luminaires et la mise en conformité électrique du PCC (point de couplage commun) pour 35 400 euros, Boris Ravignon explique que "ces travaux sont de l’investissement à la charge d’Ardenne Métropole. Ils ont été évoqués pour montrer l’effort d’Ardenne Métropole dans la réduction des coûts de l’énergie en complément des informations données lors de la rencontre du 23 novembre sur la réalisation d’un audit permettant d’apporter des solutions d’économie d’énergie".
Sauf que ces travaux-là sont bien dans la liste donnée par Cédric Branz, vice président en charge des sports, comme incombant au gestionnaire. "C'est effectivement une erreur", dit aujourd'hui Cédric Branz.
Et à défaut, ces travaux réalisés depuis le 1er octobre 2021 n'étaient-ils pas connus de l'institution ? Les défaillances n'avaient-elles pas été détectées avant la prise de gestion par le CSSA ? Si ces problèmes existaient avant la signature de la convention, comment peuvent-ils être imputés au club ? Pas de réponses claires des élus d'Ardenne Métropole sur ces sujets.
"Vous savez, dans la vie, il y a des méthodes, explique encore Didier Herbillon. Des méthodes de partenaires à partenaires qui doivent être des méthodes de convivialité. Or, immédiatement, on a dit dans la presse, la pelouse est merdique, c’est la faute de l’agglomération, ce qui n’est pas vrai parce que nous avions donné une somme importante pour l’entretien de la pelouse. 90 000 euros pour ne rien vous cacher. Et après on-dit, ils ne sont pas sympas, ils n’augmentent pas leur participation pour couvrir l’augmentation des coûts de l’électricité. Encore fallait-il qu’ils soient évalués ces surcoûts. Moi je n’ai jamais eu de factures rien du tout pour que l’on puisse comparer. À un moment donné, l’enfer ce n’est pas toujours les autres. Marc Dubois s’est isolé de tous au fur et à mesure du temps, des sponsors, des mécènes et des collectivités. Parce que ce n’est pas comme cela que l’on gère".
On aurait imaginé qu’avec un peu plus d’agilité de chef d’entreprise, il aurait trouvé des économies dans le fonctionnement du stade. Parce qu’on lui en confiait la gestion, mais on lui donnait une somme d’argent pour gérer. Mr Dubois a pris l’argent et n’a rien fait de ce à quoi il s’était engagé.
Boris Ravignon, président d'Ardenne Métropole
Pourtant, ce fameux courrier du 20 juin 2022, à destination de MM Ravignon et Herbillon, président et vice-président d’Ardenne Métropole a pour objet : "Budget énergies pour le stade Dugauguez". Cette lettre stipule qu’ "un dossier complet démontre un dépassement du budget énergies". Un état des charges d’exploitation gestion du Stade Dugauguez durant la période du 22 octobre 2021 au 31 décembre 2022 parvient, aussi à qui de droit, au sein d’Ardenne Métropole. "Moi je ne les ai pas eus, mais peut-être que les services de l’agglomération les ont reçus", se reprend Mr Herbillon.
Personne ne pouvait ignorer cette situation. Quant à la pelouse, elle devait effectivement être refaite sur "une quote-part de la subvention allouée pour la gestion du stade", précise Marc Dubois. Les difficultés financières n’ont pas permis ces travaux.
"On a accédé à une demande de Marc Dubois, qui était de lui donner le stade en gestion, explique Boris Ravignon, président d’Ardenne Métropole et maire de Charleville-Mézières. On a compris cette demande. On a pensé que le club pouvait plus facilement générer des recettes sur l’occupation pendant les matches et après les matches. On aurait imaginé qu’avec un peu plus d’agilité de chef d’entreprise, il aurait trouvé des économies dans le fonctionnement du stade. Parce qu’on lui en confiait la gestion, mais on lui donnait une somme d’argent pour gérer. Mr Dubois a pris l’argent et n’a rien fait de ce à quoi il s’était engagé. La pelouse n’a pas été entretenue. Quand l’électricité a augmenté, il n’y est pour rien et nous non plus, sa seule réponse a été, je sors de la gestion du stade. Pardon. Enfin. Voilà encore un comportement… »
"Je ne suis pas capable aujourd'hui, parce que je n'ai pas les factures payées par le club, de dire ce que le club a payé exactement, reprend Cédric Branz, vice-président d'Ardenne Métropole en charge des sports. Je veux bien tout entendre sur la gestion de Dugauguez, quand on me dit que cela a coûté 600 000 euros, je ne peux pas vous dire oui ou non. Si je fais mon calcul à moi, je tombe sur un coût de 301 000 euros. S'ils ont eu 600 000 euros de dépenses, qu'ils m'amènent les factures payées. J'ai eu un tableau, je n'ai jamais eu de factures et dans le bilan, il n'y a que des dépenses, je n'ai pas les recettes. Et les dépenses, elles sont, pratiquement à chaque ligne, contestables. Par exemple, on ne peut pas nous imputer 170 000 euros de salaires des jardiniers qui ne travaillaient pas à Dugauguez à 100% du temps. Ce n'est pas possible. Il n'y avait pas 3 jardiniers en permanence à Dugauguez. On ne peut pas imputer à Ardenne Métropole des erreurs ou des frais de gestion de la SAS. Le coût du gardien..., nous Ardenne Métropole, nous versions 32 389 euros de salaire quand nous étions gestionnaires. Vous savez combien était le salaire du gardien pendant la gestion du CSSA 59 426 euros, 83% de différence de prix. S’il paye un gars 2 500 euros par mois pour faire gardien du stade, je ne suis pas responsable de cela. Et puis demain ce sera 100 000 euros et derrière on va nous dire, vous nous devez de l'argent parce que mon gardien coûte 100 000 euros. Quand nous, nous avions 91 239 euros de sous-traitance de pelouse en face, le CSSA nous annonce 149 481 euros. Marc Dubois, si sa difficulté c'était la gestion du stade, qu'il me prouve qu'il a dépensé 300 000 euros de plus pour la gestion. Ce n'est pas vrai. Dans ces 300 000 euros, il y a plein de dépenses qu'il doit imputer à la SAS et qu'il nous impute à nous".
"Il induit que je lui aurais donné des faux comptes, s'insurge Marc Dubois . Les salaires de tous les gens qui ont bossé sur le stade, ce sont des quotes-parts en fonction du travail qu'ils ont réalisé à Dugauguez. On peut justifier de chaque ligne. Personne ne m'a jamais rien demandé sur la justification. Quand vous faites une demande de subvention, vous envoyez des tableaux vous tenez à disposition les factures payées. Les factures on les a, bien sûr qu'on les a. Ce qu'il est en train de dire, c'est qu'on a essayé de les truander. Mes chiffres, ils sont au millimètre. De mon côté, je vais demander des comptes, depuis 10 ans, sur la gestion du stade Louis Dugauguez".
Les comptes du CSSA ont été vérifiés chaque année par les experts-comptables de la société KPMG et ils sont publics !
Pas de consensus avec le CSSA mais un avec Les Flammes
Le point de tension est fort et le CSSA affaibli. Dans le rapport du Président au Conseil communautaire, Boris Ravignon, du 26 janvier 2023, rapport public, il est question "de la reprise des fluides (par Ardennes Métropole) de la salle Aréna" sous gestion du club de basket Les Flammes Carolo. Le rapport dit : "La convention de mise à disposition de la salle ARENA au club "Flammes Carolo Basket" a été modifiée au vu de l’envolée des coûts énergétiques. Lors du Conseil Communautaire du 1er décembre dernier, il a été décidé qu’Ardenne Métropole prend en charge le coût des fluides en intégrant les contrats gaz et électricité dans son marché public à compter du 1er décembre 2022 pour l’électricité et à compter du 1er juillet 2023 pour le gaz. En compensation, Ardenne Métropole fixe une redevance d’occupation dont le montant correspond à 50% des charges d’électricité et de gaz ainsi que 50% des contrats payés par Ardenne Métropole. La redevance d’occupation pour la période du 1er décembre 2022 au 30 novembre 2023 est fixée à 72 758€. La collectivité explique aussi qu’elle bénéficie en 2023 du dispositif "d’amortisseur électricité", déduit directement des factures. Cela représente un montant estimé de 800 000 € pour l’ensemble des budgets de l’agglomération."
Nous avons donc demandé à Ardennes Métropole de nous aider et ils ont repris à leur compte les contrats et nous facture 50% des montants des notes de gaz et d’électricité
Patrick Crety, coordinateur administratif des Flammes Carolo
On a proposé la même chose à Mr Dubois sauf qu’il l’a refusé parce que ce n’était pas assez. Il n’avait aucune envie d’assumer les responsabilités. Il imaginait que l’argent qu’on lui donnait était pour lui sans qu’il n’ait à l’utiliser sur l’entretien du stade.
Boris Ravignon, président d'Ardenne Métropole
"Nous avons pris en gestion cette salle en juin 2020, explique Patrick Crety, coordinateur administratif des Flammes Carolo. Notre objectif était clair, nous en prenions la gestion, mais il ne fallait pas que nous soyons déficitaires. Sinon nous aurions rompu le contrat. En 2020, nous avions pris la gestion avec des contrats électricité et gaz très bons. À la date anniversaire de ces contrats, les sociétés d’énergie nous ont annoncé que nos factures allaient être multipliées par 22. Ingérable, dit encore Patrick Crety . Nous avons donc dénoncé les contrats et tenté de trouver mieux, mais la hausse restait beaucoup trop élevée. Nous avons donc demandé à Ardenne Métropole de nous aider et ils ont repris à leur compte les contrats et nous facturent 50% des montants des notes de gaz et d’électricité".
Pourquoi pareille proposition n'a-t-elle pas été suggérée au CSSA ? "Nous avons proposé au CSSA de prendre à notre charge, à partir de 2023, la facture de gaz qui est la plus élevée, plus de 138 000 euros, précise encore Cédric Branz, vice-président en charge des sports. Il n'a jamais été question de rétroactivité sur les factures"
"On n’avait pas de boule de cristal au moment où on a acté les conditions financières de la convention, explique Didier Herbillon, maire de Sedan et vice-président d’Ardenne Métropole. Très honnêtement c’était un peu facile pour lui (Marc Dubois) de nous dire ensuite qu’il n’en avait pas assez, parce qu’il avait la gestion en mains. Quand on gère en bon père de famille, on sait réaliser les économies là où il faut en faire et on sait faire les investissements là où il faut les faire. Moi j’estime que la somme qui lui était donnée était suffisante et d’ailleurs elle avait été discutée avec lui. On ne lui a pas mis un révolver sur la tempe pour qu’il signe cette convention".
Des solutions ont été trouvées avec des clubs dans la même situation. Il n'y a eu aucune recherche, je dis bien aucune recherche de solutions apportées par la communauté d’agglomération.
Marc Dubois, président du CSSA entre 2013 et 2023
"Les seuls moyens financiers de l’association, c'était le virement de rééquilibrage, que chaque année, la SAS lui faisait, précise encore Marc Dubois. On a fait les comptes : c'est plus de 800 000 euros en 10 ans que la SAS a versés. C'est dire si l'association était impécunieuse. Cela a été le casus belli. J'avais informé, avec le président de l'association, dès l'année 2022, qu'à partir du moment où il y avait un déficit dans la gestion du stade, il était hors de question, mais vraiment hors de question pour nous, de financer à nouveau ce déficit. Sachant qu'on y était pour rien dans l'explosion du coût de l'énergie. Des solutions ont été trouvées avec des clubs dans la même situation. Il n'y a eu aucune recherche, je dis bien aucune recherche de solutions apportées par la communauté d’agglomération".
"Nous avons confié la gestion de l’Arena aux Flammes Carolo, club de basket, reprend Boris Ravignon. Ils respectent leurs engagements. Ils ont réussi, par un peu de dynamisme, à réaliser des recettes. Et quand on a eu la hausse de l’électricité, on a accepté un partage des charges et on a proposé la même chose à Mr Dubois sauf qu’il l’a refusé parce que ce n’était pas assez. Il n’éprouvait aucune envie d’assumer les responsabilités. Il imaginait que l’argent qu’on lui donnait était pour lui sans qu’il n’ait à l’utiliser sur l’entretien du stade. Ce n’est pas sérieux. Il a complété cette situation honteuse et scandaleuse en nous faisant attaquer par son entraîneur qui a dit qu’Ardenne Métropole n’entretenait pas le stade. C’était lui qui avait la responsabilité de le faire. On est en présence de quelqu’un d’absolument déloyal qui n’a aucune fiabilité".
Les recettes générées hors jour de match, au stade Dugauguez, sont très faibles. Pas de quoi renflouer les pertes abyssales enregistrées. Au final la gestion du stade aura coûté sur un seul exercice, près de 600 000 euros, soit le double de ce qui était prévu dans la convention. Cette dernière est donc dénoncée en décembre 2022.
Chaque fin de saison c’est DNCG
Le Stade Dugauguez est vraiment le point de départ des décisions prises, ensuite, par les actionnaires Marc Dubois et ses enfants. Ceux qui l'ignorent ne racontent pas la même histoire. Mais peut-être qu'en occulter un pan est arrangeant pour certains. Arrangeant, mais un peu simpliste. Il y a des raisons à tout, surtout quand on vient d'investir 14 millions d'euros en 10 ans.
Depuis un an, la famille Dubois dit, sans relâche, que la SAS, qu'elle dirige, ne renflouera pas les caisses de l'association. Elle a décidé d’arrêter l’hémorragie, et l'a précisé devant les instances nationales du football français. Car, comme chaque fin de saison, la convocation à la direction nationale du contrôle de gestion arrive. En juin, tous les clubs, sans exception, passent au crible du gendarme financier de la Ligue professionnelle ou de la Fédération Française de Football. Pas d’autre choix pour continuer à jouer dans les divisions nationales, de Ligue 2 ou 1 : il faut que les comptes soient, au moins, à l’équilibre au 30 juin.*
On a quand même l’impression qu’il ne va pas déposer le bilan parce qu’il nous évoque le fait d’aller en N2 en réduisant la voilure et dans la perspective de trouver des repreneurs pour ne pas perdre la totalité de son investissement. C’est pour cela qu’en commission fédérale, ça c’est limité par une simple rétrogradation.
Un représentant de la Fédération Française de Football
Consciente qu'ils vont mettre le club en difficulté en ne mettant plus la main au porte-monnaie, la famille Dubois, dès novembre 2022, donne mandat à un cabinet spécialisé pour les aider à trouver des partenaires. Le 9 mai 2023, à un mois du premier passage en DNCG, Marc Dubois adresse encore un courrier à Didier Herbillon avec pour intitulé "Point de blocage Ardenne Métropole-CSSA". Ce courrier, en notre possession, explique.
"Le temps est désormais venu pour l’association CSSA de connaître la position d’Ardenne Métropole sur la prise en charge de ce passif qu’elle ne peut supporter et que la SAS CSSA n’entend pas financer. Il y va de la pérennité de l’association qui sera évidemment à l’ordre du jour de la prochaine audition du club devant la DNCG. Aussi Didier, je te sollicite afin d’obtenir sous les plus brefs délais, tant un rendez-vous avec le Président d’Ardenne Métropole, qu’une réponse à la demande de l’association de prise en charge financière du déficit de la période d’exploitation du stade Louis Dugauguez pour un montant de 294 464,24€ ".
Suite à ce courrier, "Didier Herbillon est revenu rapidement vers moi, précise Marc Dubois, en m’indiquant que les trois collectivités ardennaises, agglomération, département et région allaient contribuer chacune à hauteur de 100 000 euros. C’est ainsi que trois courriers identiques (que nous avons en notre possession) , sollicitant chacun une subvention de ce montant, modifiés selon les instructions de Didier Herbillon, ont été adressés aux trois Présidents des collectivités en question. Le conseil communautaire d’Ardenne Métropole a très rapidement pris la décision d’accorder la subvention. Elle devait être versée en juin, elle ne l'a jamais été. Didier Herbillon m’assurant qu’il faisait son affaire de l’obtention de l’accord du Conseil départemental et que Boris Ravignon avait obtenu l’accord de principe du Président de la Région Grand Est. Je n’ai jamais reçu l’accord tant du département que de la région, le chef de cabinet du Président de la région m’affirmant, même, n’en avoir jamais eu connaissance".
Lors du premier passage devant la DNCG, le 6 juin 2023, le président du CSSA ne cache pas ses intentions de ne pas renflouer les caisses. La DNCG décide, alors, de reléguer le club en N2.
"La commission de la DNCG se compose de plusieurs personnes, bénévoles, dénuées d’intérêt particulier, avocats, experts-comptables, juristes, qui prennent des décisions collégiales", explique un représentant de la Fédération Française de Football dont l’identité restera anonyme. Les décisions au sein des instances ne doivent pas être exposées ni commentées. Cette personne a accepté de témoigner pour apporter les précisions nécessaires à la compréhension de cette enquête.
"À Sedan, on a fait face à un désengagement de l’actionnaire principal à financer son club, sachant qu’il assurait 90% du financement du club. Dès la première commission, c’est clairement annoncé, reprend le représentant de la FFF. Mais on a quand même l’impression qu’il ne va pas déposer le bilan parce qu’il nous évoque le fait d’aller en N2 en réduisant la voilure et dans la perspective de trouver des repreneurs pour ne pas perdre la totalité de son investissement. C’est pour cela qu’en commission fédérale, ça s’est limité par une simple rétrogradation. On savait que c’était un coup double. Il a essayé de créer un électrochoc pour susciter l’engouement des collectivités, des futurs repreneurs peut-être en disant : voilà, le club est vraiment en danger. Il voulait tirer la sonnette d’alarme en disant, si vous voulez sauver le club, c’est maintenant. Et se servir de notre rétrogradation pour trouver une solution, des repreneurs".
Didier Herbillon prend la direction totale de l'organisation de la réunion en mairie. Il ne me donne pas la liste des invités, je ne sais pas qui sera là. Résultat, le bide total.
Marc Dubois président du CSSA pendant 10 ans
Début juin 2023, Marc Dubois, tente effectivement de créer cet électrochoc. Il entreprend de lancer une campagne d’abonnements et annonce clairement la couleur aux supporters. Sans leur aide, pas de saison en National l’année suivante. Ces derniers se mobilisent en créant une cagnotte. "Je donne deux rendez-vous, explique-t-il. Le 10 juin au public, au stade, et le 16 juin en mairie de Sedan avec les entreprises. Nous lançons une campagne d'abonnements et elle démarre le 9 juin. 150-200 personnes viennent à la réunion au stade. Au 1er rang trône Francis Roumy (ancien président du club), qui, à la fin, me pose toutes les questions. Tu es prêt à partir, je lui réponds que oui. Je le voyais venir avec ses gros sabots. Et il me dit : ne t’inquiète pas je vais trouver des entreprises. J'en ai les capacités. Le 16, Didier Herbillon prend la direction totale de l'organisation de la réunion en mairie. Il ne me donne pas la liste des invités, je ne sais pas qui sera là. Résultat, le bide total. Il y a 15 entreprises, que je remercie d'avoir participé, dont la moitié était déjà nos partenaires. Il y avait un ou deux prospects que l'on avait identifiés. Le maire gesticule et dit que l'on va récupérer 4, 5, 600 000 euros. Le 16 au soir et il y a des choses qui me paraissent très curieuses. Je commence à regarder la courbe des abonnements qui se tend dans la semaine. À la réunion en mairie, Mr Roumy n'est pas présent alors qu'il est censé amener des entreprises. Et Mr Herbillon continue à dire que son téléphone n'arrête pas de sonner et toujours la même question : est-ce que tu es prêt à partir ? Et je dis à nouveau, oui".
Lâché ?
Lors de cette réunion, Marc Dubois dit qu’il croit, à 99% aux chances du CSSA de se maintenir en N1 la saison suivante. "À ce moment-là, Didier Herbillon m’avait assuré que les 300 000 euros de déficit de la gestion du stade Dugauguez seraient pris en charge grâce à des subventions exceptionnelles de la ville, de l’agglomération, du département et de la région, reprend Marc Dubois. Fort de cet engagement, nous avions décidé, avec mes enfants, d’assurer l’atterrissage du club pour la fin de saison. En plus, nous étions en relation avec une famille de sportifs, de potentiels investisseurs, et nous pouvions compter sur deux ou trois transferts de joueurs pour un montant minimum de 300 000 euros".
Le 19 juin au matin je fais un SMS à Didier Herbillon. Je suis hyperexplicite sur ce qui se passe. Je lui demande de passer le message avant qu'il ne soit trop tard.
Marc Dubois président du CSSA de 2013 à 2023
Le club présente alors une dette de 300 000 euros liée à la gestion du stade Dugauguez. La DNCG demande aussi à Marc Dubois d'inclure dans cette dette un montant lié aux dossiers aux prud'hommes en cours soit 300 000 euros au lieu des 80 000 euros notés. "Mais avec le transfert prévu de quelques joueurs, nous savions que nous pourrions récupérer au minimum 350 000 euros". Marc Dubois croit, alors, aux chances de convaincre la commission d'appel de la DNCG. Il obtient d'ailleurs l’engagement de toutes les collectivités, quant à leurs subventions exceptionnelles. Mais certains sont conditionnés.
"La ville a fait l’avance de la totalité de la subvention, explique Didier Herbillon. Ce que l’on devait verser à la fin de l’année, on l’a versée tout de suite, soit au total 96 000 euros". Ce qui n’est pas une subvention exceptionnelle, mais la subvention "habituelle" de la ville, à l’association. "Et l’agglomération a voté et affecté à l’association 100 000 euros, reprend le maire de Sedan. La ville et l’agglo ont tenu leurs engagements".
Malheureusement, Marc Dubois apprend, à quelques jours de l'appel, la défection de son potentiel partenaire. Il alerte, une ultime fois, le maire de Sedan. "Le 19 juin au matin je fais un SMS à Didier Herbillon. Je suis hyperexplicite sur ce qui se passe. Je lui demande de passer le message avant qu'il ne soit trop tard". Le texto est envoyé à 5h42 très précisément. "Bonjour Didier. Une semaine décisive s’engage pour le CSSA. À défaut de l’engagement des collectivités de combler intégralement la perte de 300 000 euros, (…) et de la contribution forte des entreprises locales, en mécénat mais également en sponsoring d’un montant conséquent, nous ne sauverons pas notre place en N1. (…) Le signal serait catastrophique si la mobilisation de la communauté s’avérait insuffisante. (…) Merci de relayer la position du CSSA pour ne pas avoir de regret. Merci pour ton soutien", termine Marc Dubois
Le 4 juillet, le CSSA se présente à la Fédération française de football devant la direction nationale du contrôle de gestion, en appel. Marc Dubois, le président, est seul.
"Marc Dubois nous a dit, en gros, qu’il fallait 300 000 euros pour sauver le club, reprend Didier Herbillon. Ce qui s’est révélé faux puisqu’au final le déficit était à plus de 900 000". Pourtant, Marc Dubois, le dit depuis juin 2022, ces 300 000 euros sont liés au déficit de la gestion du stade et il ne paiera pas. "Ah d’accord OK… Je ne savais pas qu’il parlait de cela", dit encore Didier Herbillon. On mesure alors, à travers ces propos, l’incompréhension voire le manque de discernement et de sérieux. Une sorte de cacophonie silencieuse où, malgré les nombreuses lettres, messages, dossiers, un silence entendu semble s’être installé entre les parties.
L’appel, le fiasco
Pourquoi les collectivités territoriales, à travers leurs élus, qui ont pourtant validé leurs aides, ne sont pas aux côtés de Marc Dubois le 4 juillet lors de la commission en appel ? Pourquoi, Didier Herbillon dont "le téléphone chauffe", selon son expression pendant toute cette période, ne l’accompagne pas ? Il rédige un tweet la veille, pour dire qu'il a fait tout ce qu'il pouvait.
#CSSA nous croisons tous les doigts avant le passage de notre club aujourd’hui devant la DNCG. J’ai fait ce que j’ai pu dans un contexte difficile. Décision du gendarme du football français dans les heures qui viennent…
— Didier Herbillon (@HerbillonDidier) July 4, 2023
Il est évident que la présence de Didier Herbillon en commission d’appel n’aurait eu aucun sens sauf à ce qu’il me propose de venir soutenir le projet Roumy-Cotret dont j’ignorais tout, sauf son existence.
Marc Dubois, président du CSSA pendant 10 ans
"Évidemment on se prend la grosse claque dans le nez, explique encore Marc Dubois. J'arrive en commission, je suis seul, sans les collectivités, sans les repreneurs. Roumy où est-il ? En première instance de la DNCG, je n'ai pas soutenu de dossier pour la saison prochaine, mais ça ne nous empêchait pas de nous mettre d'accord. Qu'est-ce qu'on fait les édiles de l'agglomération ? Au lieu de chercher des partenariats, ils ont essayé de me tordre le poignet. Leurs conditions c'était : 1, tu te barres, il n'y a pas d'autres mots. 2, tu t'en vas pour l'euro symbolique et tu t'assieds sur ce que tu as versé. Aujourd'hui, on veut faire passer le maire de Sedan comme le sauveur du club. On voit où on en est".
"On a fait des courriers pour la commission d’appel, en indiquant les sommes, dit Didier Herbillon, maire de Sedan. Je ne comprends pas. Notre présence physique n’a pas été demandée, sollicitée. Je ne peux pas m’imposer comme cela. Si Marc Dubois m’avait dit, est-ce que tu peux venir en appel avec nous, évidemment que j’y serai allé, sans aucun problème. Il nous a demandé de faire des courriers, nous les avons faits". "Il est évident que la présence de Didier Herbillon en commission d’appel n’aurait eu aucun sens sauf à ce qu’il me propose de venir soutenir le projet Roumy-Cotret dont j’ignorais tout, sauf son existence, explique encore Marc Dubois. Il s’en est bien gardé, attendant, avec les pseudo-repreneurs, mon passage solo pour revenir vers moi au soir de la décision de la commission d’appel, le 4 juillet, pour m’annoncer l’existence du projet concurrent conduit par Roumy".
La DNCG prend acte. Marc Dubois n’apporte aucun élément permettant à la commission, au mieux, de réviser sa décision, au pire de valider la rétrogradation en N2. Ces deux situations sont, alors, balayées d’un revers de main. Sans repreneur et sans budget avéré, rien de plus normal. Le CSSA est alors relégué en Régional 1.
D'autres équipes passent la DNCG
Dans la même situation que Sedan, d'autres équipes s'en sortent. Châteauroux, le club de Patrick Trotignon, est bien resté en National 1.
"Nous sommes allés à la DNCG de la Ligue, un peu la fleur au fusil en pensant que sous couvert de l’ancienneté, de si de ça, on allait passer rapidement, explique Patrick Trotignon, le président. C’était en accord avec nos propriétaires, un groupe saoudien. Ils ont pensé que l’apport de simples lettres de confort pouvait suffire. Ça n’a pas suffi, nous avons été rétrogradés en Nationale 2 et on a donc fait appel. En appel, on a présenté un dossier sérieux. On a, par un apport de cash, remis les compteurs à 0 sur la saison 2022-23 et sur le bilan. Et ensuite on a présenté un budget prévisionnel 2023-24, conforme au train de vie que s’imposait dorénavant le club, avec une masse salariale de joueurs divisée plus que par deux. Et puis c’est tout. C’est simple lorsque vous apportez les preuves. Les propriétaires ont remis des fonds, on a fait appel à des contributeurs locaux qui ont mis chacun 25, 50, 100 000. On a récupéré une somme assez importante. Nous avons aussi négocié avec un ou deux créanciers pour que certaines dettes soient étalées, en particulier le PGE, plan garanti par l’état, souscrit à l’époque du Covid. 1,6 million remboursable en 4 ans. Cela nous a permis d’avoir un dossier solide et on est passés avec la confiance de la DNCG. En appel à la commission, le propriétaire saoudien était présent, Michel Denisot le président d’honneur, et notre avocat parisien qui manageait le dossier".
L'équipe de Bourg-Peronnas, elle, a été reléguée de N1 à N3 par la première commission de la DNCG et a réussi, en appel, à se maintenir en N2. Une situation semblable à Sedan. Le président de Bourg-Peronnas, a, lui aussi, décidé de ne plus mettre la main au portefeuille et l'a annoncé en juin à la DNCG, d'où la descente de deux divisions. En appel, ce sont de nouveaux repreneurs qui se présentent.
"Gilles Garnier, aujourd’hui président, est venu avec trois nouveaux investisseurs et quatre personnes de la saison dernière sont restées, précise Hervé Della Maggiore, directeur général de Bourg-Peronnas. À eux 8, ils ont fait le nécessaire pour sauver le club. Chacun a apporté une participation sur leurs propres deniers, et à apporter la preuve de cette somme lors du 2 e passage de la DNCG. L’ancien président avait établi un budget qu’il a présenté à la DNCG donc, nous avons été obligés de reprendre ces chiffres-là. En National, il y a beaucoup plus de charges rien qu’en termes de déplacements. Mais un budget moyen de N2, c'est, je dirai 1,2 million. Bourg Péronnas a un peu plus. S'il n'y avait pas eu de repreneurs, le club serait parti en liquidation. C’était vraiment le dernier recours. Le club aurait déposé le bilan et n’existerait plus".
Le miracle du lendemain
Le 4 juillet, la DNCG, en appel, prononce l'éviction du CSSA de toute compétition nationale. C’est l’émoi du côté des supporters. C’est aussi le retour de Francis Roumy avec en arrière ban, Guy Cotret. Ce dernier affirme qu’il n’était absolument pas au courant de la situation du club de Sedan. "Mon actualité est revenue vers Sedan quand j’ai eu connaissance de la décision d’appel, de la rétrogradation du club en National 2 et ensuite en R1". La rétrogradation en N2 est prononcée, début juin, lors de la première instance de la DNCG, Guy Cotret n'est pas à une contradiction près. Il savait donc bien, déjà, que Marc Dubois avait décidé de partir.
Le rôle de la DNCG c’est quoi : c’est de veiller qu’un club présente les garanties pour commencer et finir une saison. Et pour nous, il était hors de question que le championnat de National 2 soit impacté par le club de Sedan.
Un représentant de la Fédération Française de Football
Ces dix dernières années, comme il le précise lui-même dans la courte discussion que nous avons pu avoir : "On a essayé, à plusieurs reprises via KPMG, de reprendre contact avec Marc Dubois qui, a chaque fois, nous a envoyés promener. Et quand je l’ai fait par d’autres intermédiaires, parce que j’avais compris que mon nom le dérangeait, il faisait aussi les mêmes réponses. Il pouvait accepter un actionnaire minoritaire". Guy Cotret contacte, une nouvelle fois, Marc Dubois en février dernier. Il est encore question du rachat du club. "J'ai reçu en retour un mail envoyé par un de ses conseillers où il me disait qu’il réfléchissait à des axes stratégiques, reprend Guy Cotret. J’ai, d’ailleurs, fait une réponse humoristique, le 4 juillet (date de la commission d'appel), en disant que j’avais compris quels étaient leurs axes stratégiques, c’est-à-dire envoyer le club au fond du trou". "Cher Monsieur, votre réflexion sur les axes stratégiques a été des plus pertinentes. Quel talent ! Bravo !" dit Guy Cotret dans ce mail.
Des sarcasmes, pour quelles intentions ? Celui qui s'affichera rapidement comme le futur président du CSSA continue à dire qu'il n'est au courant de rien avant ce fameux 4 juillet. Pourtant toute la presse régionale s'en fait l'écho. "Non, je n’étais pas au courant des réunions organisées (le 10 et le 16 juin). Pas avant que j’aie eu connaissance de la décision de la descente en R1. Non, non, pas du tout. D’ailleurs si j’ai bien compris ce que m’ont rapporté Francis Roumy et Mr Herbillon, Marc Dubois était très affirmatif sur l’avenir du club. Il n’imaginait pas en arriver à la situation où il l’a mis. Alors, il a beaucoup menti lors de ces réunions. Pourquoi a-t-il fait appel ? Personne n’a jamais compris. Les gens de la Fédération, vous allez sûrement leur demander ? Il y avait une certaine suffisance par rapport à la situation. Il a mis beaucoup d’argent. À la limite s’il fallait respecter quelque chose, c’est l’argent qu’il y a mis", dit encore Guy Cotret. C’est donc seulement début juillet qu’ "on m’a contacté. Francis Roumy m’a appelé et en trois jours on a réussi avec quelques amis, dont Robert Lafont, a constitué un dossier que l’on a soumis au CNOSF. C’est ça l’histoire".
"Marc Dubois est venu les mains dans les poches à la commission d'appel, reprend le responsable de la fédération. Il a dit que ça n’avait pas abouti. Il a fait face à des défaillances. Aucun dossier de reprise et aucune avancée par rapport à la première instance et un discours beaucoup plus grave. Il est fait notamment mention d’un dépôt de bilan à venir, d’où la décision de la commission d’infirmer la rétrogradation, pas suffisante. Le rôle de la DNCG c’est quoi : c’est de veiller qu’un club présente les garanties pour commencer et finir une saison. Et pour nous, il était hors de question que le championnat de National 2 soit impacté par le club de Sedan. On a pris une mesure d’exclusion des compétitions nationales. Imaginons qu’un club dépose le bilan en cours de saison, tous les résultats sportifs, qui ont été acquis par les clubs contre qui il a joué, sont annulés. Ce qui fausse l’équité, le championnat et le classement ".
Le CNOSF outrepasse les règlements
Les témoignages des dirigeants des clubs de Bourg-Peronnas et Châteauroux, plus haut, sont pourtant clairs, mais Francis Roumy, nous dit à plusieurs reprises : "Non, non, ça ne se passe pas comme cela en commission d’appel. Vous ne connaissez pas le dossier. Le club de Sedan, c’est Marc Dubois qui le dirigeait. C’est lui qui a fait appel et qui s’est fait shooter en appel, d’accord. Du fait que le club soit rétrogradé, nous, on prend le dossier à ce moment-là. On reprend le dossier à zéro. Il arrête, il est rétrogradé, je l’appelle. Je lui demande qu’il nous donne le club pour le franc symbolique parce que, nous, on veut le reprendre. Nous ne pouvions pas aller en appel. C’est Dubois qui fait appel", répète-t-il encore.
"Marc Dubois, s’il est mandaté, peut venir avec les futurs investisseurs, tant que les personnes sont habilitées à venir devant nous", explique encore le représentant de la Fédération Française de Football.
Francis Roumy, lui, insiste. "On est intervenus le jour officiellement où le club est rétrogradé. On démarre avec des nouveaux dirigeants. Pour rouvrir le dossier et être entendus à nouveau, il faut que le CNOSF, Comité National Olympique Sportif Français , ou le tribunal administratif, donnent l’ordre à la DNCG de nous recevoir à nouveau. Il faut que le CNOSF nous donne raison pour que la commission d’appel reprenne notre dossier". Une analyse pour le moins erronée. Comment celui, qui nous précise connaître bien le système, peut-il tenir de tels propos ?
"Le rôle du CNOSF est de faire un contrôle sur la légalité de la décision de la DNCG, explique encore le représentant de la FFF. S’il n’y a pas, dans sa motivation, dans son raisonnement, une erreur manifeste de droit. C’est ça le rôle du conciliateur. Son rôle n’est pas de réexaminer un 3 e dossier. Son rôle n’est pas d’accepter des éléments nouveaux. Son rôle, c’est de reprendre le dossier qu’avait la commission d’appel début juillet et de voir si cette commission ne s’est pas loupée".
Les repreneurs potentiels sont pourtant sûrs de leur coup. Ils demandent à Marc Dubois, toujours président de la SAS du CSSA et à Daniel Guérin président de l’association, de signer un courrier rédigé par le cabinet d’avocats August Debouzy à l’intention du Comité National Olympique. Les avocats des futurs repreneurs, dont fait partie Laurent Cotret, fils de Guy. En date du 13 juillet le courrier fait part de cette demande : "le CSSA vous prie de bien vouloir convoquer, selon la procédure d’urgence sollicitée ci-dessous, en audience de conciliation la Fédération Française de Football".
Le 27 juillet, en conciliation au CNOSF à Paris, la réunion se déroule en présence de MM Dubois et Guérin et des futurs repreneurs MM Cotret, Delamare, Zorca. Jean-Luc Warsmann, député, Didier Herbillon, maire de Sedan, Francis Roumy sont aussi de la partie, accompagnés du responsable des supporters du CSSA.
Le CNOSF outrepasse les règlements de la DNCG. Le dernier moment pour transmettre des éléments à la DNCG, c’est devant la commission d’appel. Passé cette audience, on ne peut plus améliorer son dossier.
Un représentant de la Fédération Française de Football
Le projet de reprise a donc été bouclé en trois jours précise encore Francis Roumy. "600 000 euros ont été bloqués sur un compte Carpa via le cabinet d'avocats, pour bien montrer que ce n’était pas des "on-dit", mais bien officiel. Avec mon fils et ma fille, nous avons contacté toutes les entreprises des Ardennes et nous avons monté un budget qui tournait autour des 3,5 millions compte tenu de la pub, des subventions, des entrées, de la buvette, du club house et des VIP et la boutique. Je suis resté 15 ans dans le foot de haut niveau, donc je connais bien le système. J’avais recontacté des gens qui avaient travaillé avec moi, des gens d’expérience pour s’occuper de la buvette, de la comptabilité, le service médical, avec l’hôpital, on avait tout monté comme dans une entreprise. On a mobilisé toutes les Ardennes. Je vais vous dire, on aurait même monté un budget de 5 millions. Même les maillots, on les avait vendus 500 000 euros, plus qu’en Ligue 1".
Un projet de reprise qui ne sera jamais consulté par les instances fédérales. Les investisseurs crient au scandale. Ils ont obtenu du CNOSF que leur dossier soit revu par le comité exécutif (COMEX) de la Fédération Française de Football. Pourtant rien ne se passe comme prévu.
"Il faut connaître le système, explique à nouveau Francis Roumy. Quand vous êtes rétrogradés, et ce n’était pas de notre fait, nous on présente un dossier au CNOSF qui accepte de nous repêcher, disons de rouvrir le dossier. La Fédération n’a jamais voulu rouvrir notre dossier. Elle n’a jamais regardé ce qu'on avait fait. On a jamais vraiment su pourquoi. Le Comex à chaque fois disait qu’il restait sur la décision de la DNCG tout simplement".
Le conciliateur a essayé de trouver un entre-deux et il a notamment essayé de faire dire au club qu’ils étaient prêts à accepter une rétrogradation en N2. Pour eux, c'était le National 1 ou rien.
Un représentant de la Fédération Française de Football
"Le CNOSF a dit lors de la conciliation : on a des éléments totalement nouveaux, reprend le représentant de la fédération. Des éléments qui n’ont pas été présentés devant la DNCG. Il précise qu’il n’est pas compétent pour juger de la fiabilité, jauger le dossier de reprise. Il propose, même s’il pointe dans ses conclusions une faiblesse dans le projet de reprise, un réexamen pour donner une nouvelle chance au club. Sauf qu’en faisant cela, il outrepasse les règlements de la DNCG. Le dernier moment pour transmettre des éléments à la DNCG, c’est devant la commission d’appel. Passé cette audience, on ne peut plus améliorer son dossier. Le conciliateur a essayé de trouver un entre-deux et il a notamment essayé de faire dire au club qu’ils étaient prêts à accepter une rétrogradation en N2. En audition, il l'a demandé peut-être 40 fois. En leur précisant, vous êtes sûrs ? Parce que si je vous renvoie à la DNCG, même si l’exécutif accepte la proposition, je pense que vous serez rétrogradés. Il leur a bien précisé. Pour eux, c'était le National 1 ou rien. J’ai été surpris de la décision du Comité Olympique, précise encore le représentant de la FFF. Pour nous, elle est inacceptable. Le comité exécutif l'a refusée. Le club est parti en référé devant le Tribunal Administratif de Paris et la requête a été rejetée. En sachant qu’on n’a même pas eu à la plaider. Le TA s’est prononcé sans audience. C’est la première fois que je vois cela avec le cas de Sochaux."
Sans repreneurs en appel, pas de salut
Le salut serait venu si les repreneurs avaient accepté la proposition de la DNCG en première instance : de jouer en championnat de N2.
"Lorsque l'on va devant le Comité National Olympique et que l'on dit, nous, on ne veut que la N1… C'était impossible juridiquement de l'avoir, à partir du moment, où au 30 juin, les comptes ne sont pas équilibrés, reprend Marc Dubois. Parmi les 5 autres clubs qui étaient dans cette situation, je suis le seul à arriver sans repreneurs en commission d'appel. Ces clubs ont tous été sanctionnés, rétrogradés, sauf qu'en appel, ils avaient les collectivités et les repreneurs avec eux. Moi, j'étais tout seul. Aujourd'hui, ils me disent : on n'était pas prévenus. Je serai le fossoyeur de quoi ? Quel était mon jeu ? Je n'ai jamais eu une seule proposition. Je n'ai jamais eu d'opportunité. J'ai eu recours à un cabinet spécialisé, sauf que Didier Herbillon disait : "mon téléphone chauffe". Son téléphone chauffait et il connaissait le nom du cabinet qui avait notre dossier. Jamais il n'a pris le soin de se mettre en relations."
Francis Roumy, lui, persiste et signe et continue à crier au complot. "Si vous connaissez bien le dossier, n’oubliez pas qu’à partir du 17 juillet, ils n'ont plus le droit de faire monter de clubs. Entre-temps, ils reprennent Nancy, qui n'est pas rétrogradé par la DNCG, le club est tombé sportivement. À partir du 17 juillet, Sedan restant le seul club en litige, le CNOSF nous donne le feu vert. Le règlement prévoit quoi : seul le club qui a l’autorisation, soit du CNOSF soit du tribunal peut être repêché, c’est notre cas. Ils ne le font pas. Pire que ça, le 27 juillet, le Comex propose, ce jour-là, à Bourg-en-Bresse, de nous remplacer et ils ne nous repêchent pas à nouveau. Alors que le règlement du foot l'interdit. Sochaux annonce qu’il ne veut pas aller en National. Finalement si, ils y vont et montent un dossier hop ! On leur donne 15 jours pour le monter. Je connais le truc par cœur, pour moi, il y a beaucoup d’erreurs de la Fédé".
Le club de Sochaux n'a pas été traité mieux que Sedan. Ce n’est pas vrai. La finalité de la décision de Sochaux c’est une rétrogradation. Cette décision elle s’est appliquée. La finalité des décisions de Sedan c’est une exclusion des compétitions nationales. Elle s’est appliquée.
Un représentant de la Fédération Française de Football
"On avait exactement le même dossier avec Sochaux, précise le représentant de la FFF. Un investisseur qui arrête d’investir dans le club. Un club qui est rétrogradé, qui va en appel pareil, les mains dans les poches. La rétrogradation est alors confirmée. Il n’y a pas d’exclusion des championnats parce qu’il y avait une chance que le club propose un budget de National à la DNCG. On leur a laissé la possibilité de trouver un investisseur pour repartir en National. Mais, ils ont contesté notre décision. Ils sont allés devant le Comité olympique, eux aussi. Un autre conciliateur leur a alors précisé que le CNOSF n'était pas le 3 e niveau de juridiction. Les éléments transmis sont totalement nouveaux, le conciliateur leur conseille de s'en tenir à la décision de la commission d’appel. Sochaux va aussi au Tribunal Administratif et sa requête est rejetée. Le club de Sochaux n'a pas été traité mieux que Sedan. Ce n’est pas vrai. La finalité de la décision de Sochaux c’est une rétrogradation. Cette décision elle s’est appliquée. La finalité des décisions de Sedan c’est une exclusion des compétitions nationales. Elle s’est appliquée. Sochaux était en Ligue 2, on les rétrograde en National 1, il est normal que Sochaux présente à la DNCG, leur dossier pour voir si le club est viable en National ou non".
Sedan aurait pu connaître un avenir différent. Si les repreneurs s'étaient présentés avec Marc Dubois devant la commission d'appel, le championnat national 1 ou 2 aurait été permis. À défaut, devant le Comité Olympique, s'ils ne s'étaient pas obstinés à vouloir le N1 et rien que le N1, là aussi, la route aurait pu être différente.
Fâchés par la N2
Lors des différentes interviews réalisées ni Francis Roumy, ni Guy Cotret ne concèdent le fait qu'ils auraient pu sauver le club.
"Nous sommes arrivés avec un budget de National, explique Francis Roumy. On a dit non au CNOSF lorsque le médiateur nous a dit et la N2 ? On amène notre budget de National et puis c’est tout. Ce jour-là on n’a pas négocié pour aller en N2, on est arrivés en disant on a un budget de National."
Même chose du côté de Guy Cotret qui se fâche et nous raccroche au nez lorsqu'on lui demande pourquoi les investisseurs n'ont pas regardé de plus près la National 2. "Là, vous vous trompez complètement. Si vous allez sur ce terrain-là, on va s’arrêter tout de suite… Parce que c’est complètement faux et mensonger". Ce furent ces derniers mots. Par la suite, à travers plusieurs SMS, Mr Cotret deviendra plutôt méprisant à l'encontre du travail que nous sommes en train d'effectuer… Ces propos sont clairs. "Je ne peux pas accepter vos affirmations mensongères s’agissant des propositions qui nous auraient été faites lors de l’audience de conciliation, à savoir la rétrogradation en N2. D’ailleurs si tel avait été le cas nous n’aurions pas été en capacité de l’accepter car le budget que nous présentions fonctionnait excellemment bien pour la N1 et nous n’avions pas la certitude qu’il fonctionne pour la N2. C’est vraisemblablement difficile à comprendre pour vous mais les engagements pris par les collectivités et les partenaires étaient pour la très grande majorité conditionnés au maintien du club en N1. Ne colportez donc pas des informations infondées qui portent préjudice à ceux qui depuis trop longtemps font tous leurs efforts pour sauver ce club mythique".
Effectivement, deux des subventions étaient conditionnées, celle de la Région et du Département, au maintien en N1. Peut-être qu'avec un peu de pédagogie, il aurait été intéressant de soumettre aux élus que la seule possibilité de rester en championnat national, après le 4 juillet, c'était d'accepter la N2. À moins que tous les investissements de tous les repreneurs soient conditionnés au maintien en N1. De fait, la descente en N2 n'était pas possible car sans aucun repreneur.
Et Guy Cotret poursuit. "De la même façon vous dressez des louanges à Marc Dubois qui est le fossoyeur du club et qui continue de vomir sur les élus. Bravo pour votre clairvoyance et pour la pertinence de votre analyse. Remarquable !"
La meilleure défense est sans doute l'attaque… Mais une attaque argumentée aurait été plus efficace. "J’ignore quel est le but que vous poursuivez au travers de cette pseudo-enquête, vous en avez au moins atteint un : celui de me dégoûter de poursuivre le combat que nous menons pour permettre à ce club et surtout à ses supporters de poursuivre son histoire. Merci !" Et nous voilà presque responsable du potentiel retrait de Mr Cotret du CSSA. Curieuse réaction.
Après ces attaques caractérisées, Mr Cotret nous adressera très exactement 30 mails avec différents documents ou échanges, nous disant, "je pense vous avoir adressé un nombre suffisant d'éléments qui devraient vous permettre d'objectiver vos affirmations".
Pression sur le président
Le feu vert du Comité Olympique fin juillet, vous l'aurez compris, ne sert à rien. Le comité exécutif de la Fédération Française de Football décide, début août, de reléguer le club en Régional 1.
Début août, commence aussi une nouvelle campagne d'invectives, toujours à l'intention de Marc Dubois, le "fossoyeur du club" comme le disent élus et repreneurs. Mais aussi envers celui qui dirige la Fédération Française de Football, Philippe Diallo.
Le 5, le 8, le 9 le 12, le 13, le 15, le 16, le 20 août et le 1er septembre, autant de dates que de courriers adressés au président de la FFF par Guy Cotret notamment. Et c'est sans compter les passages télévisés, à la radio, les articles dans la presse. Les propos à l'intention de la Fédération Française de Football et de celui qui la dirige sont forts. Il y est question de condamnation du club, "Le FFF a tué le CS Sedan Ardennes."
Je trouve particulièrement désagréable la forme de menace que vous laissez planer.
Philippe Diallo, président de la Fédération Française de Football
Ces mails ou lettres, Guy Cotret, nous en a fait parvenir une partie. Le 5 août, ce dernier évoque, dans un message, être "extrêmement déçu de ne pas avoir eu de réponse à son précédent mail. Mais peut-être êtes-vous à la recherche d'une solution pour que le Comex réforme sa décision injuste, non motivée (…)". Il évoque aussi "la position hostile de l'ex-président de l'OL (Jean-Michel Aulas), membre influent de votre Comex, vraisemblablement instrumentalisé par un ancien président ardennais que nous connaissons bien tous les deux". Guy Cotret propose aussi l'organisation d'un "Comex extraordinaire" pour réintégrer Sedan en National 1. "Les différents médias se déchaînent et j'ai refusé pour le moment toutes les sollicitations des organes nationaux". Et Guy Cotret de terminer ainsi, "Sans doute n'est-il pas inutile de vous poser la question : à qui profite le crime ?" (…)
Dans sa réponse le 8 août, Philippe Diallo évoque, "il me semble que Sedan a saisi le Tribunal administratif dont nous connaîtrons très rapidement la décision. Nous aviserons alors. Enfin, je trouve particulièrement désagréable la forme de menace que vous laissez planer".
Des échanges qui se poursuivent ce même 8 août où Guy Cotret évoque dans un mail retour "faites au moins une proposition, la N2, même si le club la refuse, mais au moins vous aurez bougé". (…) Le 9 août, son mail est plus agressif : "Je vous avais demandé de réunir un nouveau Comex (…). Vous ne m'avez pas répondu ! Ça ne me semble pourtant pas difficile de répondre oui ou non. Trois mots ça doit être possible ! Après je ne pourrai plus répondre de ce qui se passera…" Le 12 puis le 13 et encore le 15 août, le président Diallo reçoit des messages avant de réagir officiellement le 16 août dans un courrier à en-tête de la FFF et à l'intention de Guy Cotret. Ce courrier jugé de "lettre effarante" par son destinataire parle de "l'attachement qui est le vôtre et celui des repreneurs au club. Aussi soyez certain que c'est avec une toute particulière attention que son dossier a été examiné. La décision du Comex que vous contestez, et qui n'a pas été suspendu par le juge administratif, a été délibérée sur la base d'éléments factuels inchangés. Sa motivation a été communiquée. Il n'y a donc pas lieu d'en délibérer de nouveau." Quant au conciliateur du Comité Olympique, le président Diallo dit que Guy Cotret n'en retient "que certains éléments" et qu'il semble être passé à côté d'un élément important, celui de "la volonté réitérée lors de l'audience, du club de n'envisager qu'une participation en championnat de National 1(…)".
"Le président était mon directeur général lorsque j’étais président des présidents. J’avais une proximité avec lui", nous explique Guy Cotret qui fut président de l' Union des Clubs professionnels. Une proximité qu'il a tenté d'utiliser pour sauver le club de foot de Sedan. Cela n'aura pas suffi.
La peau d'un homme
L'erreur est bien là. Le Championnat national aurait encore été possible à la sortie de la conciliation au Comité Olympique. Sochaux l'a saisi et, après avoir mené la même campagne que Sedan, s'est résolu à descendre d'une division pour rester au contact du haut niveau. A Sedan, personne n'a compris, ni saisi cette opportunité en temps voulu.
La liquidation de la SAS CSSA est prononcée le 28 août, les droits sportifs sont retirés au club, comme à chaque fois dans cette situation. "L'article 234 des règlements généraux dit que dès lors qu'une des entités d'un club dépose le bilan, cela entraîne la déchéance automatique des droits sportifs, explique le représentant de la FFF. C'est le Comité exécutif qui décide ensuite de les attribuer à nouveau à l'association. Il était, alors, hors de question que le club reparte en R1, puisqu'il était déjà à ce niveau-là. Normalement, il aurait dû redescendre en district".
Le CSSA est rétrogradé en Régional 3, au niveau de l'équipe réserve de Sedan. Nouvelle relégation.
Personne, aujourd'hui au sein du groupe de repreneurs, ni même des élus, ne reconnaît les graves erreurs d'interprétation réalisées. N'ont-ils pas voulu, avant toute chose, la peau d'un homme avant de prendre la place ?
Marc Dubois, lui, en est intimement convaincu. "J'ai accepté toutes les conditions dans l'intérêt du club et je me suis fait défoncer dans tous les sens le 5 juillet au soir, dit encore Marc Dubois. C'est un gâchis colossal, ce n'est pas possible. Ce n'est pas un club qui avait des dettes structurelles, non. C'était juste, comme l'a dit avec élégance Boris Ravignon, l’envie de se débarrasser, enfin, de Marc Dubois. Son obsession. Qu'est-ce que je lui ai fait. Il dit que je ne suis pas un bon partenaire parce que je n'ai pas créé un complexe touristique à Sedan. C'est quoi un bon partenaire dans le football qui met 15 millions en 10 ans ? Moi, je n’en connais pas ! Il n'a qu'à aller voir les maires des différentes communes, il va voir s'ils ne prennent pas un partenaire comme ça. Ça n'a pas été mon partenaire, ça a été mon adversaire. Il dit qu'il supporte le club. Je l'ai vu une fois en 10 ans".
J'espérais être débarrassé de Marc Dubois. Je ne retire rien à cette phrase-là.
Boris Ravignon, président d'Ardenne Métropole
"J’ai toujours ouvert la porte à Marc Dubois avec parfois des épisodes abracadabrantesques, raconte Didier Herbillon, maire de Sedan. Les Saoudiens, ensuite le projet de santé, de développement touristique avec des conférences de ceci. Ces gros coups de communication où il invitait des artistes. Tout était formidable, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Et regardez où on en est aujourd’hui. Sa crédibilité a été très largement entamée. Il y a eu tellement de choses successives. Je me souviens les grands-messes à Dugauguez ou Pelé fait un petit coucou aux Sedanais. Ah, tout cela… Franchement il était temps qu’on en sorte. Ça devenait impossible. Le dernier projet, c’était le projet sociétal. J’ai tout fait pour mettre autour de la table les sociétés privées ou publiques d’insertion. Mais il n’y a rien derrière cela. C’était du vent. Et il ne pouvait pas imaginer toucher de l’argent public de façon importante pour remonter le club. Mais j’ai quand même joué le jeu car je savais que s’il lâchait l’affaire brutalement, ce qu’il a fait, on allait dans le mur".
"J'espérais être débarrassé de Marc Dubois, nous précise encore Boris Ravignon, tel qu'il l'avait déjà dit chez nos confrères de radio 8 début juillet. Je défends la crédibilité d'une collectivité qui a toujours essayé de soutenir le mieux possible son club et en dépit des foucades de son dirigeant. On était arrivés à un moment où il n'y avait plus de confiance et plus de patience de part et d'autre. Je ne retire rien à cette phrase-là. Je continue à penser que cela aurait été bien mieux que Marc Dubois sache se retirer plus tôt. Il en avait la possibilité. Encore en février de cette année où des investisseurs l'avaient approchés ce qui lui aurait permis de sortir par le haut financièrement et sportivement. Il ne l'a pas voulu pour des raisons qui lui appartiennent. Au moment où je prononce cette phrase, au lendemain de l'appel, j'avais l'envie profondément qu'il laisse Sedan tranquille et puis que l'on essaye de reconstruire autre chose".
"J'ai refusé de discuter avec Cotret, explique Marc Dubois. Je n'ai même pas cherché à entrer en discussion avec lui. Je connais Cotret, il ne cherche pas un club à reprendre, il cherche un club à récupérer à l'euro symbolique. Si vous prenez Cotret il y a 10 ans en 2013, quand il vient à Sedan, il veut faire financer la reprise du club, en grande partie, par le rachat du domaine de Montvilliers par les collectivités territoriales à hauteur de 6,5 millions. Pas plus tard que cette année, il cherchait encore des clubs, mais il ne faut surtout pas donner d'argent. C'est un banquier, ce n'est pas un investisseur. Il n'a pas mis un centime de sa poche partout où il est passé. C'est quelqu'un qui, depuis 10 ans, n'a pas lâché le club de Sedan. J'ai considéré que ce n'était pas le bon profil pour le club".
Guy Cotret,successivement président du FC Paris, de l'AJ Auxerre et de Niort a, récemment, voulu reprendre le club de l'AS Cannes. "À partir du moment où j’ai dit que je vendais l’équipe de N2, j’ai eu pendant un an 74 dossiers de repreneurs, explique Anny Courtade, présidente de l'association AS Cannes. Un des dossiers effectivement était celui de Mr Guy Cotret que j’ai reçu plusieurs fois pour vérifier sa fiabilité financière et sportive". Anny Courtade va jusqu'à reprendre le dossier pour apporter plus de précisions. "Il était appuyé par le groupe de Mr Lafont, Lafont Presse Entreprendre, une banque, d’autres financiers, des footballeurs pros. Ils avaient un dossier fiable. On avait avancé avec eux. Mais, ils n’étaient pas dans les cinq de la short liste".
Quelques mois plus tard, Guy Cotret se lance dans l'aventure CSSA. Il relance ses contacts. Dans un mail en date du 12 juillet qui nous a été envoyé, on peut y lire un résumé de la situation de Sedan et sa rétrogradation en R1, adressé à un de ses amis qu'il appelle "ma poule". "C'est un drame pour ce département, dit-il, (…), ça n'existe nulle part ailleurs sauf à Marseille ou en Corse. Le président actuel, je devrais dire le fossoyeur, va droit au dépôt de bilan et serait d'accord pour céder ses actions pour 1 euro et renoncer à son compte courant (1,2 million) (…). Robert qui apprécie ce club serait d'accord pour reconstituer la bande crapuleuse que nous avions formée pour Cannes, à savoir apporter chacun 50 000 euros (soit 150 000). J'ai trouvé, je pense, un investisseur Philippe Nabe pour apporter 250 000 (…)" La "bande crapuleuse" est-elle le surnom donné au groupe d'amis de Mr Cotret ? Quelles étaient les véritables intentions de ce groupe, qui devait apporter en tout et pour tout 400 000 euros ? Loin des 3,5 millions nécessaires, sans compter les dettes, à la relance du club en National. Nous n'avons pu poser la question à Guy Cotret puisque, ce dernier, nous a raccroché au nez.
Le Club Sportif Sedan Ardenne se souviendra longtemps de cette série noire de l'été 2023. Et la tentative de fusion avec les clubs de Charleville-Mézières et Prix-les-Mézières n'y changera rien.
Sedan ne pourra revivre avec un mélange d'ADN. Ce club n'a qu'une identité et qu'un seul emblème. Le sanglier est mort.