À quelques rues du château-fort de Sedan (Ardennes), élu Monument préféré des Français en 2023, un casino pourrait être construit. L'occasion d'amener plus de touristes et de revenus pour la deuxième ville du département. Cette possibilité pourrait être effective au début du mois de décembre.
Les touristes ne manquent pas à Sedan (Ardennes). La deuxième ville du département est connue pour ses vieilles pierres : celles de son château-fort, qui serait le plus grand d'Europe, et qui accueille de nombreux évènements divers et variés, d'un festival médiéval annuel à une exposition Playmobil.
Un édifice qui s'est paré d'augustes lauriers depuis le mois de septembre 2023, quand il a été titré Monument préféré des Français. Avec ce sacre, c'est un afflux de touristes inespéré qui est attendu par la municipalité.
Mais celle-ci a d'autres atouts dans sa manche, et attend le bon moment pour les dévoiler. Au début du mois de décembre, le Parlement devrait voter une loi augmentant le nombre de casinos pouvant être construit dans le pays.
En général, les casinos sont construits en bord de mer, en zone thermale, ou aux abords des lacs (comme le casino du lac du Der, en Haute-Marne). Sedan ne rentre pas tout à fait dans ces critères actuellement (et on espère que si montée des eaux il y a dans le futur, ça n'ira pas si haut).
L'union sacrée... pour le casino
En revanche, il s'agit d'une ville située près de la frontière belge, près de la ville limitrophe de Bouillon (province du Luxembourg, en région wallonne). On parle des Ardennes belges. Et la Belgique est connue pour ses nombreux casinos.
Didier Herbillon, le maire (PS) sedannais, aimerait bien capter une partie des touristes partant miser leurs sous en Belgique : un projet qu'il fomente depuis près d'une décennie. Il participe à un vaste collectif formé par la sénatrice Else Joseph (LR), les députés Lionel Vuibert (Agir) et Jean-Luc Warsmann (UDI), le maire de Charleville Boris Ravignon (LR) et l'assemblée départementale présidée par Noël Bourgeois (LR).
Sans oublier l'entremise "d'une conseillère à Matignon". Le soutien de l'Association des casinos indépendants (Acif) a été également déterminant : cette dernière est à la tête, pas très éloignés, des casinos se trouvant dans les stations thermales de Vittel et Bussang (Vosges). "On a énormément travaillé", explique le maire de Sedan à France 3 Champagne-Ardenne. "Il a fallu plein de petites mains."
Miser en France, pas en Belgique
"Je trouvais que les Ardennes - et Sedan - avaient un manque évident de développement économique. Les Ardennais, les Marnais, ils se dirigent plutôt vers la Belgique. Ce sont les casinos qui sont le plus proche, par exemple à Namur ou Dinan."
Un casino, c'est un élément de développement économique important pour une ville.
Didier Herbillon, maire de Sedan
Il voit dans la construction d'un casino tricolore, bien de chez nous, un "élément de développement économique important pour une ville. Jusqu'alors, seules les villes qui avaient déjà des dons naturels -source thermale, littoral, station balnéaire ou de montagne - avaient le droit de posséder un casino. Je trouvais que c'était assez injuste."
Le projet n'est pas loin de faire l'unanimité, mais il a tout de même ses détracteurs. "J'ai entendu des critiques comme quoi Sedan n'est pas une ville riche et qu'on a autre chose à faire qu'un casino. C'est stupide. [Sous ce prétexte], il faudrait s'interdire tout moyen de développement ? La ville ne va pas trop mal en ce moment; les bonnes nouvelles s'enchaînent." Si l'on excepte la dégringolade du club de foot de Sedan (lire notre longue enquête sur le sujet), peut-être... "Le bon sens du développement d'une ville passe par là", conclut l'édile.
Marathon législatif
Avec la sénatrice Else Joseph, Didier Herbillon a donc partagé l'idée "qu'à l'occasion d'un texte [de loi] qui devait permettre aux villes hippiques de se doter de casinos, on écrive un amendement qui permette aussi aux villes-frontière de le faire. Comme Sedan. C'était l'occasion. Car le droit de construire un casino est très règlementé en France."
"On a contacté pas mal d'élus pour persuader de l'intérêt de cette opération. Au fur et à mesure, l'idée a fait son chemin, l'amendement a été rédigé, et il a été validé par le Sénat, puis par la commission des Lois [de l'Assemblée nationale; ndlr]."
La proposition de loi, transpartisane, n'ayant pas encore été adoptée par l'ensemble de la députation, l'édile choisit de faire montre de prudence. "Normalement, ça ne devrait pas poser de problème, puisqu'il a passé toutes les étapes décisives. Tous les feux sont au vert, même si ce n'est pas encore acté." Reste donc cette formalité, prévue pour début décembre.
Un casino d'au moins 3 000 m²
Si ce casino est bien construit, Didier Herbillon assure que ça ne coûtera pas un sou à sa commune (si ce n'est le terrain). "Il s'agit d'une délégation de service public [DSP]. C'est à dire que les communes doivent lancer une sorte d'appel d'offres. Les groupes gérant des casinos entrent en concurrence et y répondent, puis la ville choisit l'opérateur qui sera sur son territoire." Un bon exemple de DSP, hors des machines à sous : le complexe aqualudique de Reims (Marne)
Mais il n'en est pas encore là. Outre la conformité du vote de l'Assemblée nationale et la promulgation de la loi par Emmanuel Macron (le président), il faudra rédiger l'appel d'offres, probablement au tout début de l'année 2024. "On doit suivre une procédure pour laisser les groupes se positionner. Ils auront trois mois pour répondre. Un jury de la ville se réunira alors pour désigner l'opérateur." La durée des travaux n'est pas connue.
À la clé de ce projet : "une source d'attractivité touristique, on aurait un ensemble touristique extrêmement cohérent et riche. On aurait aussi une source de revenus très importante. En général, les DSP rapportent aux communes 15 à 20% du chiffre d'affaires du casino. Un exemple proche de nous : le casino du Der rapporte près d'un million d'euros par an à sa commune. C'est énorme." Il s'agit du seul casino de la région, "le lac du Der étant considéré comme une station balnéaire". Ce serait une manne inespérée, sans oublier la création de nombreux emplois divers et variés.
Peut-être qu'il y en aura bientôt un nouveau, d'une superficie envisagée de 3 000 m². Auquel cas, le casino trouvera place "en plein coeur de la ville, qu'il dynamisera", au sein de l'ancienne friche Renault, où étaient vendues les voitures du constructeur jusqu'en 2015. Elle est située à deux rues du château-fort. La construction d'un cinéma et d'un restaurant y est déjà prévue, au sein d'un vaste complexe de divertissements (voir sur la carte ci-dessous).
Pour rappel, il est conseillé de jouer au casino avec modération.