Victor, 19 ans et ses copains vivent au fin fond des Ardennes. On est en 2019 et il est question de parler de cette jeunesse en milieu rural : sa vie, ses joies, ses espoirs. Mais le Covid et ses confinements viennent stopper net le tournage du film. Que va devenir le film d'Yvonne Debeaumarché ?
C'est un projet initié en 2019 par la réalisatrice Yvonne Debeaumarché. L'idée : réaliser le tournage d'un film sur la jeunesse d'un village des Ardennes et ses habitudes, ses loisirs, ses espoirs. Une jeunesse rurale avec d'autres avenirs que la jeunesse urbaine. Mais la pandémie de Covid et son lot de confinements sont passés par là, changeant le cours des choses. N'ayant pu réaliser son plan de tournage, la réalisatrice doit changer son fusil d'épaule et chercher un nouveau fil conducteur pour son documentaire. Elle laisse libre cours aux échanges avec les jeunes gens et se laisse porter par les situations. Le tournage reprend à l'été 2022.
Voici trois raisons de suivre "Les jeunesses" ce documentaire singulier, marqué par l'interruption brutale du projet initial et la nécessité de le réinventer. Mêmes joueurs, nouveau jeu.
1. Parce qu'il y a un avant et il y a un après
Initialement, la réalisatrice souhaitait filmer la jeunesse insouciante des Ardennes, avec en point d'orgue le bal annuel du village.
Elle installe donc un climat de confiance avec quatre jeunes gens qu'elle interroge tour à tour, seuls ou en groupe. Elle leur pose des questions intimes sur un ton badin, voire un brin ironique, pour créer l'intimité. Elle commence à recueillir des confidences entre deux provocations et trois piques ironiques. Elle les titille gentiment et se fait titiller à son tour. La complicité repose sur ces échanges tout en légèreté.
Les jeunes gens se sont lancé dans l'organisation du bal patronal. Ils ont repris le comité des fêtes du village et forment ce qu'on appelle "une jeunesse" dans ce soin des Ardennes, une sorte d'association chargée d'animer le village.
Mais la pandémie et le confinement viennent stopper brutalement cette complicité. Juste après le bal de la fête patronale d'Imécourt, le tournage est interrompu.
Le film tombe à l'eau.
2. Pour reprendre le lien intime instauré entre Victor, ses amis et la réalisatrice
Il n'est pas dit que la réalisatrice verra tomber son travail aux oubliettes. La complicité qu'elle a su installer avant le Covid, elle la recrée à l'été 2022 quand elle peut reprendre le tournage. C'est ce lien retrouvé qui permet de combler la rupture causée par le confinement puis donner une nouvelle couleur au projet.
Tour à tour, chaque jeune se confie cette fois seul face caméra à la réalisatrice, dans un décor de son intimité. Marie, campée sur son lit de chambre douillette, Léane chez elle, Victor vautré sur son lit, Paulin dans son "squatt". Le documentaire suit ainsi l'évolution d'un groupe, de son innocence à son entrée forcée dans un monde plus sombre et incertain.
L'insouciance de la fin d'adolescence laisse place aux questions existentielles de l'entrée dans l'âge adulte : la vie, le métier, le déterminisme social, la politique, l'amour. Le tout sur un ton désinvolte propice aux échanges entre celle qui mène la conversation, la"philosophe" selon l'expression de Victor, et ces jeunes gens, bien plus philosophes qu'ils ne croient l'être.
3. Parce qu'on ne reste pas jeune toute sa vie
Mais, à l'été 2022, le jeune groupe de jeunes gens a perdu son insouciance. Le ton est désormais moins léger. La confiance est là, mais les paroles sont plus profondes. La pandémie a fait mûrir précocement cette génération-là. Qu'elle soit des villes ou bien des champs, ils n'ont pas pu vivre complètement leurs 20 ans." On n'a pas pu vivre notre jeunesse à 100%" exprime l'un d'eux.
Ils sont installés dans leurs vies professionnelles et se sentent bien là où ils sont. L'avenir pour les garçons, ce sera la campagne. Là, où ils se sentent en vie, là où ils se sentent chez eux. Parce qu'ils n'ont rien à envier à la jeunesse des villes, qui a peut-être subi un plus grand choc encore, face à la pandémie.
Et comme un écho à ces bouleversements, on comprend que la réalisatrice aussi a vu sa vie transformée par la crise. Sa vie n'est plus la même qu'avant. La pandémie a rebattu les cartes. Le monde d'après est là, il faut composer avec.
"Les jeunesses", un documentaire singulier sur une jeunesse bousculée, à découvrir en intégralité ici en version 52 mn ou ici en version longue.