Le Conseil d’État a demandé au gouvernement de revoir sa copie concernant l’achat de tabac à l’étranger. Aujourd’hui, il n’est possible d’acheter qu’une seule cartouche de cigarettes en Belgique par exemple. Bientôt, ce nombre sera porté à quatre. Une mauvaise nouvelle pour les buralistes frontaliers des Ardennes alors que le ministre délégué chargé des comptes publics est attendu dans ce département ce jeudi 9 novembre.
"Faites les calculs !" s’exclame Christophe Biani. Le président de la Fédération des Buralistes ardennais ne comprend toujours pas la nouvelle. "Quand vous passez du double au simple en ne faisant qu’une heure de route et que l’on a le droit de ramener 4 cartouches par personne, qu’il y a 5 personnes par voiture, ce sont 20 cartouches qui passent désormais" nous détaille-t-il, atterré d’avance par les pertes économiques annoncées. Car en Belgique, le prix du paquet de cigarettes est bien moins élevé qu’en France. Comptez un peu plus de 7€ côté Belge contre 11 côté Français. "Ce qu’il faut aussi comprendre c’est que, certes, il y a la Belgique mais nous sommes également, grosso modo, à une heure du Luxembourg" précise de la président de Fédération. Et au Luxembourg, un paquet de cigarette coûte autour de 5 euros.
Mise en conformité
Le 29 septembre dernier, le Conseil d’Etat a demandé au gouvernement de revoir ses seuils d’importation de tabac car ils ne correspondent pas à la législation européenne. "En fait, on va revenir à ce qui se faisait déjà avant le covid" nous explique Arnaud Biston, buraliste à Sedan depuis près de 10 ans. Avant 2020, les Français pouvaient déjà revenir de Belgique 4 cartouches de tabac en poche mais depuis, le gouvernement avait fait marche arrière pour des raisons de santé publique et pour limiter la contrebande. Concrètement, le Conseil d’Etat donne aujourd’hui 6 mois au gouvernement d’Elisabeth Borne pour s’aligner sur la loi européenne et prendre un nouveau décret.
"La casse va être énorme pour les commerces. Il ne faut pas oublier que ce sont des emplois et des entreprises et cela va fragiliser très sérieusement notre réseau" s’inquiète par avance Christophe Biani. Chaque jour, de nombreux clients traversent déjà la frontière pour s’approvisionner en tabac et les buralistes qui subsistent côté ardennais résistent tant bien que mal à la fuite de leurs clients pour la concurrence étrangère. "Je pense que les retombées vont être assez lourdes quand même car beaucoup de gens ne se déplaçaient pas pour une seule cartouche. Mais là, faire une dizaine de kilomètres pour 4 cartouches, ça ne les dérangera plus" analyse Arnaud Biston, le propriétaire du Gallia à Sedan. En 9 ans et demi d’existence, ce buraliste a vu les pratiques peu à peu glisser. Il a dû se diversifier considérablement pour ne pas avoir à mettre la clef sous la porte. "L’activité tabac ne représente plus beaucoup dans notre chiffre d’affaire. On est autour de 30% quand même mais cela n’a rien à voir avec il y a 9 ans. Le tabac représentait près de la moitié du chiffre d’affaire" nous explique le commerçant.
En 20 ans, le nombre de bureaux de tabac dans les Ardennes a été divisée par deux
Christophe Biani, président de la Fédération des Buralistes ardennais
Selon la Fédération des Buralistes ardennais, le département comptait 232 bureaux de tabac en 2003. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 101."En 20 ans, le nombre de bureaux de tabac dans les Ardennes a été divisée par deux" détaille le président de la Fédération. La disparition de la moitié des buralistes a laissé le champ libre à ceux qui ont résisté mais pour tenir, les bureaux de tabac doivent se réinventer au quotidien près de la frontière. "La division du nombre de tabac a permis de donner une bouffée d’oxygène aux buralistes restants. Et, pour ceux qui tiennent, déjà fragilisés, ils tiennent parce qu’ils sont implantés sur des axes passants mais aussi parce qu’ils se sont diversifiés. Mais il va falloir que l’Etat nous accompagne, vienne nous soutenir et nous permette de pouvoir opérer notre mutation et notre diversification" demande Christope Biani.
Ce jeudi 9 octobre, le Ministre délégué chargé des Compts Publics Thomas Cazenave doit se rendre à Warcq pour rencontrer des buralistes. Il pourrait annoncer une série de mesures destinés à les soutenir alors que le gouvernement veut redresser le seuil d’importation de tabac en France.